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Le Plaza-Art, Nadège Herrygers, Nicolas Bruyelle et André Ceuterick

Publié le 01/02/2011 par Dimitra Bouras / Catégorie: Entrevue

À l'occasion d'une soirée de la Communauté française au Festival du film d'amour de Mons, nous avions rencontré une jeune femme discrète que nous n'aurions peut-être pas remarquée si on ne nous l'avait pas présentée comme une des personnes responsables du Plaza-Art. Intrigués par la nature et le contenu du travail qu'effectue ce cinéma Art et Essai de la future Ville culturelle en 2015, nous partons à la rencontre de l'équipe des cinéphiles qui se cache derrière ce cinéma du centre-ville. Nous en avions beaucoup entendu parler par plusieurs de nos stagiaires étudiants en communication ou en audiovisuel. Ils nous expliquaient que leur passion leur venait de la fréquentation assidue de cette salle, que dans le désert culturel dans lequel se trouvait la ville de Mons, il y a une décennie, le Plaza était une des rares oasis pour les gourmands de culture. La discrétion alliée à l'efficacité ! Tout pour nous plaire !Le jour de notre visite, André Ceuterick, administrateur délégué du Plaza-Art, était présent et a ainsi pu retracer l'historique de ce lieu incontournable du paysage culturel du Borinage.

Pouvez-vous nous expliquer, en quelques points, la politique du Plaza ?
André Ceuterick : Le Plaza était un ancien cinéma commercial du centre-ville qui a fermé ses portes après l'ouverture du complexe cinématographique ImagiMons, construit dans l'Espace des Grands Prés en bordure d'autoroute. Il y a une douzaine d'années, l'asbl « Centre de diffusion cinématographique montois » a repris l'exploitation de la salle avec la ferme intention de garder un espace cinéma au centre-ville, à 50 mètres de la Grand-Place, mais surtout un espace dédié au cinéma d'auteurs, un centre culturel cinématographique. Ce n'est pas seulement un lieu où on projette des films, mais c'est également un lieu de rencontres, un partenariat avec le tissu associatif et pédagogique de la région Mons-Borinage. De nombreuses écoles primaires et secondaires fréquentent la salle.
Ce travail d'éducation permanente, nous espérons le renforcer encore plus avec l'objectif Mons, ville culturelle 2015. Il n'est possible qu'avec le soutien de la Ville, pas seulement financièrement, mais aussi par l'intérêt qu'elle lui porte. Le service du CPAS fait régulièrement appel à nous pour des projections spécifiques, le service social également. 
Dans cette salle, il y a aussi, bien entendu, une logique commerciale. Il faut payer les gens qui y travaillent, il faut nettoyer les salles, payer les distributeurs, etc. La logique que nous défendons auprès des distributeurs est la suivante : nous avons un espace de diffusion avec une politique de programmation, de diffusion, d'animation et de communication qui est bien différente de celle d'un complexe commercial comme Imagix. Nous communiquons avec les écoles, nous avons une stratégie dans les lieux culturels de la région, un petit journal spécifique, etc. Dans un grand complexe commercial, les films sont à l'affiche le mercredi. Après quatre jours, on évalue le nombre d'entrées et on décide de le garder ou non. Nous, nous fonctionnons dans un système de multiprogrammation. Si un film ne fonctionne pas, on ne le jette pas, on le met dans une plus petite salle, le temps que le bouche-à-oreille puisse fonctionner. Ce qui intéresse un distributeur, c'est que le film ait une certaine carrière. En dehors de la logique commerciale pure et dure dans un bilan, il y a aussi, ce que j'appelle la troisième colonne, la colonne culturelle. Quand on fait des films, ce n'est pas pour les montrer trois jours et les remettre dans un panier ou les rediffuser en DVD.

Portrait d'André Ceuterick

C. : Nicolas Bruyelleet Nadège Herrygers, pouvez-vous nous expliquer comment fonctionne Le Plaza au quotidien ?
À côté de la programmation dite « classique », nous avons toute une partie ciné-club. Les midis du court – le doc du mois – les classiques sur grand écran – les petits-déjeuners solidaires – les Amis des aveugles (2 par mois).  
Tout exploitant de salle Art et Essai dirait la même chose : il est important de faire vivre sa salle, et le dynamisme passe par les événements connexes et par la qualité de la colonne vertébrale; c'est-à-dire la programmation classique où on essaie d'être le plus intransigeant possible. Les événements connexes sont le meilleur moyen d'amener un nouveau public, de faire parler de nous. Le cinéma d'auteur, ce n'est pas seulement les longs métrages, c'est aussi les courts et les documentaires et il faut les mettre en valeur.
Nous valorisons aussi les séances scolaires, car le jeune public doit être éduqué le plus tôt possible. Nos matinées scolaires s'adressent à des jeunes de 3 ans jusqu'à l'université, environ 15.000 élèves au total. Un dossier pédagogique est remis aux enseignants, puisque le Plaza fait partie du réseau Ecran large sur tableau noir. Nous essayons de proposer à chaque fois des activités adaptées à chaque film avec, comme objectif, de parler cinéma : esthétique du film, réalisation, analyse... En général, l'enseignant amène sa classe, mais nous proposons nous aussi des séances spéciales. Pour les plus petits, il s'agit plutôt d'une lecture vivante, pour les primaires, c'est un atelier créatif, et pour les grands, ce sont des débats, des rencontres avec les réalisateurs. Les animations se font ici sur place, et nous avons aménagé un espace d'animation, avec le matériel nécessaire. 
Pour le jeune public hors scolaires, « le 10h des enfants » propose un croissant et un carnet de jeux réalisés par les animateurs de Plaza autour du film qu'ils viennent de voir. Cela leur permet de s'en souvenir.

Portrait de Nadège Herrygers

C. Comment expliquez-vous votre succès ?
Tout d'abord, nous gardons l'accessibilité pour tous en maintenant des prix d'entrée relativement bas. Le fait est aussi que le Plaza existe depuis près de 12 ans, qu'il est situé en plein centre-ville, et qu'il défend toujours la même politique. Nous sommes reconnus comme un lieu vivant, fidèle à notre éthique de travail. Nous avons eu le temps de constituer un réseau de travail, nous connaissons les associations, celles qui sont actives, partantes pour une nouvelle activité ou une collaboration. Ajoutons que les ateliers sont gratuits, pour cela, nous introduisons des dossiers pour obtenir des subventions.
Pour la programmation classique, c'est-à-dire les projections continues, il y a toujours une recherche de mise en évidence du film avec des soirées débats, des avant-premières, bref nous essayons de créer un lieu convivial en permanence, pour transmettre notre amour du cinéma au public. La programmation est établie pour 5 semaines minimum.Notre public fonctionne beaucoup au bouche-à-oreille, et pour un film, c'est donc le minimum. 
Un des très beaux moments de l'année reste dans le cadre des classiques sur grand écran. Les étudiants du conservatoire débarquent avec leurs instruments de musique et viennent accompagner un film muet. Cette séance est un examen pour eux, ils sont très stressés, mais c'est d'une beauté ! Le public est très friand de cette séance.
Nous sommes très attachés au partenariat avec d'autres institutions : la Médiathèque, la Bibliothèque, les Musées locaux comme le Mundaneum, les Beaux-Arts, par exemple. Actuellement, il y a une exposition consacrée à la couleur noire aux Beaux-Arts. Pour l'occasion, on projette le film Peur du noir avec un tarif préférentiel groupé avec l'expo. Les journées culturelles pour les écoles qui viennent de l'extérieur fonctionnent très bien. Elles préfèrent souvent faire le déplacement pour plus qu'une seule activité. Alors, on leur propose un « package » culturel.

Portrait de Nicolas Bruyelle

Le cinéma d'auteurs donne envie de se renouveler, et nous voulons prouver qu'il n'est absolument pas un cinéma ennuyeux !

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