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Le sac de farine de Kadija Leclere

Publié le 15/04/2014 par Nastasja Caneve / Catégorie: Sortie DVD

De Kadija à Sarah

Dans le monde du cinéma belge, le nom de Kadija Leclere résonne. Comme directrice de casting d'abord et, comme réalisatrice, ensuite. Après ses trois courts métrages, Camille (2001), Sarah et La pelote de laine, elle s'est lancée dans la réalisation de son premier long métrage, Le sac de farine, sorti dans les salles l'année dernière. Un film entre l'ici et l'ailleurs, entre la Belgique et le Maroc, entre Kadija et Sarah. 

jaquette dvdEn 1975, à Alsemberg, Sarah, 8 ans, vit dans un foyer d'accueil catholique. Sans racine, sans parents, la petite fille cherche, fouille, tente, en vain, de découvrir la vérité. Un jour, cet homme inconnu, son père biologique, l'emmène avec lui pour un weekend à Paris. La route semble longue. Trop longue. Elle ne se réveillera pas à Paris mais dans une petite ville perdue du Maroc. Le père part, sans crier gare, laissant sa gamine chez sa tante, dans une société qu'elle ne connaît pas. Contrainte, Sarah doit se fondre dans la masse, devenir une petite fille marocaine, suivre des cours de tricot à l'école. Fini la géographie, l'histoire et les mathématiques...
Plongée en pleine révolte de la faim, Sarah, devenue une belle jeune femme de 17 ans, doit travailler pour subvenir aux besoins de sa famille. Mais, elle n'est pas comme les autres. Un petit quelque chose bouillonne en elle. Une envie de liberté, une envie de crier, une envie de retrouver ce qu'elle a perdu, cette terre où tout était encore possible.

L'histoire de Sarah, c'est un peu celle de Kadija, celle d'une petite fille emmenée contre son gré en terre inconnue. C'est l'histoire d'une jeune femme révoltée qui s'oppose à une société traditionnelle à laquelle elle ne veut pas se conformer, c'est une course vers la liberté. Un film très personnel dans un décor bien connu de la réalisatrice, ce Maroc qu'elle a réappris à aimer.

Beaucoup de sujets traités: la différence, le choc des cultures, l'identité, les traditions, les valeurs familiales, les révoltes politiques. Tout cela évolue autour d'une petite fille et, plus tard, d'une jeune femme, agitée par un conflit profond et intérieur, qui ne trouve pas sa place. L'image de l'héroïne anticonformiste, dans une société qu'elle n'accepte pas, n'est pas neuve. Comme la Wajda de Haifaa Al Mansour, la Marjane de Persepolis, la Sarah de Kadija Leclere tente de forger sa propre identité, sa propre vie.
Les interviews et les images du tournage, présents dans le making of de la version DVD, montrent l'ancrage profondément personnel de ce film aux yeux de la réalisatrice, qui joue même le rôle de la mère à six orteils de la petite Sarah dans le film. Un témoignage touchant car finalement, criant de vérité. Un tournage dans la joie et la bonne humeur, représentatif du caractère de la réalisatrice.
Christophe Vervoort, adjuvant de Kadija dans ses projets précédents, explique dans les bonus du DVD comment il a créé la musique, cette bande sonore qui doit servir les images, ces clairs-obscurs fascinants, entre ombre et lumière, entre questionnement et vérité.
Un film dense, donc. Ce n'est pas son originalité qui fait sa force mais son authenticité. Même si le film aborde des sujets déjà exploités au cinéma, il les traite avec une grande justesse, parfois dérangeante. Un petit bémol pour le sous-titrage du DVD mais dans l'ensemble, les bonus sont éclairants.

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