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Le Sans titre

Publié le 02/01/2017 par Serge Meurant / Catégorie: Critique

Ce fut à mon initiative que naquit notre projet en 2003 lors de la rétrospective au Musée d’Ixelles des œuvres de Philippe Vindal. J’avais fait sa connaissance dans les années 70 alors qu’il pratiquait la photographie. J’avais été impressionné par ses portraits des enfants d’Arié Mandelbaum. Il devait renoncer ensuite à la photographie pour se livrer à des travaux de plus longue haleine : la construction de maquettes et d’architectures imaginaires. Il travaillait de manière solitaire et ne montra celles-ci qu’à de rares occasions, notamment à la Galerie Art en Marge, créée par Françoise Henrion.

Le Sans titre

Il s’agissait pour moi de conserver les archives de cette rétrospective avant même que d’envisager leur mise en valeur dans un documentaire sur l’artiste et son œuvre. Il me paraissait inconcevable qu’aucune trace ne subsiste d’un moment important de son travail. Je demandai à Philippe Jadot de filmer les sculptures de Philippe Vindal. La complicité de Nicole d’Huart, qui était à l’époque la Conservatrice du Musée, nous permit de réaliser un tournage après la clôture de l’exposition et avec des moyens limités. La rencontre du cinéaste et du sculpteur au moment des prises de vues et lors du visionnement des rushes donna lieu à une découverte et à une reconnaissance mutuelle. Jadot accepta d’aller au-delà de cette collaboration ponctuelle et s’investit entièrement dans l’aventure.
Le projet prit alors forme et contenu de réaliser un film qui soit un portrait de Philippe Vindal en même temps qu’une approche cinématographique et expérimentale de son travail. Les circonstances ne l’ont malheureusement pas permis.

Le sculpteur, dont l’état de santé s’était détérioré, n’avait plus de temps à nous consacrer, requis par l’urgence d’achever les sculptures auxquelles il travaillait alors. Sa mort, en 2008, mit fin à l’espoir de le faire témoigner, de le faire apparaître à l’image. Les demandes d’aides introduites auprès de la Commission de Sélection des Films de la Communauté française avaient été refusées et seule une bourse de la Fondation Spes permit à Philippe Jadot de mener à bien un délicat travail de montage. C’est ce qui explique que le projet n’aboutit que cette année.
Au départ, il s’agissait d’explorer par le cinéma trois des œuvres majeures de Vindal : « Le bordel », « Les archives » et le « Sans titre », sous la forme d’un triptyque articulé sur l’ouverture à l’espace, le labyrinthe des constructions, l’équilibre acquis sur le chaos. La dimension du temps et de son ressac y était importante. Le manque de moyens concentra les efforts du cinéaste sur le «  Sans titre » qui apparaît comme un aboutissement du travail du sculpteur.

Le film réunit trois contributions : le poème que j’avais écrit à la mort du sculpteur et qui parut en 2010 dans mon recueil « Célébration », une composition musicale originale et le montage des images de la sculpture tournées en 2003.

Chaque partie donne au film sa densité. L’œil pénètre dans la structure de la sculpture, en montre la complexité, la richesse des matériaux et des formes. La musique cerne et met en mouvement ce déploiement. Le poème évoque un navire aérien, la pensée qui sans cesse cherche son équilibre entre construction et destruction.
Le Centre du Film sur l’Art vient d’accepter d’inscrire le film à son catalogue et lui assurera une diffusion culturelle en Belgique et à l’étranger. L’œuvre a été acquise par le Musée d’Ixelles et fait aujourd’hui partie du patrimoine muséal.
Le film de Philippe Jadot n’a d’autre ambition que de servir la mémoire du sculpteur, de faire reconnaître les qualités de son travail qui n’entre dans aucune catégorie, fût-ce celle de l’art brut à laquelle elle fut parfois associée. Il devrait rendre davantage visible encore les œuvres acquises par le Musée d’Ixelles, présentes dans les collections d’Art et Marge, conforter l’intérêt manifesté par le Musée d’Art brut à Lausanne, le Musée du Docteur Ghislain à Gand.

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