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Les Convoyeurs attendent

Publié le 01/12/2003 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Sortie DVD

Le film

 

Les Convoyeurs attendent

 

La sortie de l'édition belge du dvd Les Convoyeurs attendent est l'occasion de reparler de ce premier long-métrage de fiction de Benoît Mariage, apparu sur les grands écrans en mai 1999. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour convoyer ce dvd dans la patrie de sa naissance me demanderez-vous? Tout simplement parce que notre édition nationale n'est pas la première ; elle suit l'édition française de plus d'un an. Les aléas de la distribution sont tels que cette édition belge coïncide miraculeusement avec le passage en salles de L'Autre, second film du réalisateur. Les Convoyeurs attendent, c'est l'histoire d'une famille, celle de Roger Closset, vivant dans la banlieue de Charleroi. A la veille de l'an 2000, dans une région où le marasme économique fait malheureusement encore rage aujourd'hui, Roger veut améliorer son quotidien de reporter photographe à mobylette. Comme il le dit si bien, "ce n'est pas en restant le cul sur notre chaise qu'il nous arrivera quelque chose". Roger décide donc de battre le record du monde... d'ouvertures de porte en 24h, après avoir écarté celui du plus long crachat de noyau, incontestablement hors de sa portée. Ce record, qui lui rapporterait une voiture, il charge son fils, Michel, de le battre, peu importe si celui-ci n'en a que faire et s'intéresse plus à Jocelyne et à son émission sur Radio Chevauchoir. N'écoutant que son entêtement, Roger fournira à Michel un entraînement intensif "à l'américaine", jusqu'au jour fatidique de l'épreuve, celle du record, mais surtout celle que subira toute la famille Closset durant la seconde moitié du film, puisque, décidément, rien ne peut se passer comme on l'espérait.

 

Ce film, Benoît Mariage le puise dans son propre passé. Comme son personnage, il fut photographe (pour Vers l'Avenir). De ses acquis de réalisateur de Strip Tease, il tire un regard mêlé de cruauté et de tendresse sur la connerie quotidienne et banale qui nous entoure. Roger est l'exemple type du crétin. Monstre d'égoïsme, il n'écoute que son acharnement borné et ridicule, faisant fi de l'opinion de ses proches. Malgré ses défauts, innombrables, le personnage de Roger reste attachant. Il aime sa famille, mais s'y prend comme un imbécile pour le leur prouver. L'adversité qu'ils devront traverser lui permettra toutefois d'ouvrir les yeux sur ce qui est essentiel et de tenter de pallier, maladroitement bien sûr, ses manques relationnels.

 

Benoît Poelvoorde, habitué à ce genre de rôle, interprète magistralement ce père têtu et crétin. Un peu trop même, car les autres personnages restent muets face à son flot de paroles. Dominique Baeyens dans le rôle de l'épouse, Philippe Grand'Henry dans celui du colombophile un peu simplet et Bouli Lanners dans celui de l'entraîneur restent dans l'ombre d'un Poelvoorde omniprésent. Mariage semble d'ailleurs avoir retenu la leçon en les mettant tous les trois à l'affiche de L'Autre et en leur permettant d'évoluer librement en pleine lumière. Mais si Poelvoorde fait de l'ombre aux autres personnages dans Les Convoyeurs..., on notera tout de même une magnifique Morgane Simon dans le rôle de la fille, qu'elle interprète avec une maturité étonnante pour son jeune âge (10 ans à l'époque).

 

Cette comédie sociale, à la fois tendre et cruelle, drôle et émouvante, se trouve donc à présent au rayon dvd de nos revendeurs préférés. Comme sa grande soeur française, cette édition belge présente, outre le film et sa division en chapitres, une série d'images inédites du tournage du film. Nous pouvons y voir les ratés et les fous rire des acteurs, la complicité qui lie l'équipe du film, une séquence où Poelvoorde filme la jeune Morgane Simon, très à l'aise et décidément déjà très mature et, bien sûr, des pitreries du clown Poelvoorde. On peut se poser la question de l'intérêt de ces séquences "bêtisier" qui ne nous apprennent rien sur le film, si ce n'est l'ambiance du tournage. On ne peut également que regretter que, contrairement à l'édition en vente dans l'hexagone, ce dvd ne comporte pas comme bonus l'excellent court-métrage de Benoît Mariage, Le Signaleur, primé de nombreuses fois, avec déjà l'ami Poelvoorde, mais aussi un certain Olivier Gourmet...

Les Convoyeurs attendent, Benoît Mariage, 16 X 9 compatible 4/3, Dolby digital 5.1., édité et distribué par Belga Home Video.

 


Questions de Cinergie au réalisateur

Cinergie : Pensez-vous que l'édition en DVD de votre film lui offre une seconde vie après sa sortie en salles ?
Benoît Mariage : Effectivement le DVD permet au film d'être vu une seconde fois et dans des conditions correctes. Ce qui n'est pas le cas de toutes les salles dans lesquelles il a été projeté. En plus le DVD permet à l'Histoire du cinéma de dérouler ses images une seconde fois. J'ai beaucoup de DVD. Cela me permet de revisiter l'Histoire du septième art. Je pense au coffret Jean Vigo qui m'a permis de revoir l'Atalante, remastérisée, dans de meilleures conditions que la première fois où j'avais découvert le film dans une copie dégradée.

C. : Pensez-vous atteindre, avec ce support, un public différent de celui qui fréquente les salles ?
B.M. : Oui. Plus large. Notamment le public qui, pour diverses raisons, remet à plus tard la vision du film et découvre qu'au moment d'aller le voir en salles celui-ci n'est plus à l'affiche. C'est une manière de le récupérer plus tard. De même dans une médiathèque on prend davantage le risque de louer un film que l'on ne connaît pas alors qu'en salles on mobilise sa soirée.

C. : Que pensez-vous du découpage en chapitres? Y avez-vous participé ?
B.M.. : Non ce n'est pas moi qui ai fait le découpage. Mais en tant qu'enseignant et cinéphile je trouve le découpage d'un film en chapitres très intéressant. Cela permet de retrouver rapidement une séquence, de l'analyser et de la comparer avec d'autres.

C. : Le bonus permet d'offrir au spectateur le contexte dans lequel le film s'est fait. Etes-vous pour la diffusion d'un making off, d'entretiens avec les réalisateurs ou acteurs. Ce qui permet de revenir au film après-coup?
B.M. : Un bon film se suffit à lui-même. Les making off sont souvent pareils et réduisent le pouvoir évocateur du film et cassent un peu de sa magie. Les vrais suppléments existent. Par exemple ajouter un court-métrage du réalisateur. Dans Et le vent nous emportera de Abbas Kiarostami, Yuji Mohara, un documentariste japonais a réalisé un vrai film ( 90') sur Kiarostami. Ça c'est intéressant. De même dans les coffrets Bresson, l'éditeur a retrouvé un documentaire réalisé par une américaine sur les acteurs de Bresson expliquant sa direction d'acteur très particulière.


C. : Le bonus permet d'insérer des scènes inédites, coupées au montage. Cela vous paraît-il intéressant ?
BM : Si le réalisateur n'a pas jugé bon de les insérer dans son film je ne vois pourquoi je devrais les découvrir. L'édition « Director's cut » est souvent une opération de marketing. Sans compter que cela ajoute de la confusion entre l'oeuvre vue, revue, revisitée, etc. On peut imaginer qu'on verra bientôt des contrats ou seront prévus : la version salles, la version DVD augmentée et la version revisitée par le réalisateur afin d'offrir la vraie oeuvre. Cela me paraît un peu absurde. J'ai envie de voir une oeuvre une fois pour toutes et pas en différentes étapes.

C. : Avez-vous joué sur l'interactivité que permet le support (façon Agnès Varda dans « Les Glaneurs » qui renvoie du premier film au second) ?
B.M.
 : Ca c'est un vrai cadeau. C'est la générosité d'Agnès Varda. Proposer, en supplément, un nouveau film comme elle s'est réinvestie dans Sans Toit ni loi en réalisant un documentaire de quarante minutes sur son film. C'est ça les bonus intéressants.

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