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Les familles de Marianne Berenhaut et Poupées-poubelles de Violaine de Villers

Publié le 15/06/2012 par Sarah Pialeprat / Catégorie: Critique

Dans ma maison, vous viendrez…

Violaine de Villers explore, depuis de nombreuses années, ce « drôle de genre » qu’est celui du film sur l’art. Avec ses deux films consacrés à l’artiste Marianne Berenhaut, la cinéaste nous propose une balade intime où sculpture, maison, famille, art et vie forment un grand tout, dans un joyeux et joli bordel.

photo du film Les familles de Marianne BerenhautLes familles de Marianne Berenhaut
Chez l’artiste belge Marianne Berenhaut, la récupération n’a pas de connotations péjoratives, c’est plutôt un art de vivre, un art tout court. Sa maison lui sert d’atelier, à moins que ce ne soit le contraire, et dans son jardin, un tissu pourpre soupire coincé entre deux chaises pendant qu’une corde à sauter fait de l’équilibrisme sur une brouette minimaliste… Objets inanimés avez-vous donc une âme ? Marianne Berenhaut se raconte des histoires de monstres, imagine la Belgique envahie par les Indiens, collecte parce que « c’est joli », et finalement existe -t-il une raison plus valable ? Petite, vive, les yeux ronds comme ceux d’un hibou, Marianne parle à cœur ouvert, à l’image de sa maison qui accueille tout et tous. Et lorsqu’on lui demande pourquoi, Marianne souffle un peu, esquisse un « oh tu sais… » qui engage un « pourquoi pas ? » Et en effet, pourquoi ne pas garder un petit tampon hygiénique immaculé et le coller près d’un coquillage sur une longue page blanche ? Pourquoi ne pas aligner, en rang d’oignons, ces petits clous de chaises longues qui semblent attendre quelque chose ? Pourquoi ne pas s’émerveiller de ce papier de soie qui, en prenant la lumière, a viré au bleu d’un azur surnaturel ? Car ce qui compte, bien entendu, c’est le regard, et celui de Marianne Berenhaut ne cesse d’enchanter le monde et de nous étonner. Et apprendre à l’autre à regarder, c’est peut-être finalement ça, le but ultime de l’artiste.

Plus que des installations, les œuvres déplacent à la fois les objets et le regard lui-même. Plus qu’une logique créatrice, c’est l’illogisme qui est acte de création.

Et la caméra de Violaine de Villers joue elle aussi, s’attarde sur les pièces de cette étrange maison remplie d’objets hétéroclites comme s’il s’agissait encore d’installations, et tout s’enchante, prend un sens nouveau, nous raconte de nouvelles histoires qu’il ne nous reste plus qu’à inventer nous-mêmes.


Poupées-poubelles

photo du film poupees poubellesBalade de huit minutes, sans commentaire, au cœur de l’installation des « Poupées-Poubelles » réunies à l’Eglise Saint-Loup à Namur. Sur des Prie-Dieu, une quarantaine de poupées faites de déchets entassés dans des bas semblent participer à une étrange communion. Violaine de Villers promène son œil-caméra sur ces extravagantes fidèles. Les gros plans nous révèlent autant qu’ils nous dissimulent leur réalité. On les a déjà croisées dans le film précédent ces poupées molles composées de tout et n’importe quoi, comme la mémoire de ce qui les a construites et qui, aujourd’hui, les constitue. Il y a la veuve, la mariée, des «femmes» amputées, décapitées, des « femmes » provocantes aussi par ce silence, par leur nombre, par la façon de se poser là.

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