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Les Fraises sauvages de Ingmar Bergman

Publié le 01/02/2003 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Sortie DVD

Grands Classiques

La génération des Buñuel, Ford, Renoir, a poursuivi le travail entrepris par la génération du muet en transmettant à Welles, Hitchcock, Bergman ou Fellini, un savoir faire que la Nouvelle Vague : (Godard), Antonioni, Resnais a repris à son compte dans un cinéma de la modernité dont il s'est voulu le porte-drapeau. La génération des Coppola, Scorsese, a su en tirer profit face au mammouth hollywoodien. Actuellement certains parlent de génération sans mémoire. Mais les plus doués de nos cinéastes savent qu'on ne crée pas seulement en respirant l'air du temps mais en tirant profit des leçons du passé (Dans In the mood for love Wong Kair Wai ne cache pas sa dette vis-à-vis d'Antonioni). Ce mois-ci nous avons choisi de vous présenter Les Fraises sauvages d'Ingmar Bergman.

Les Fraises sauvages de Ingmar Bergman

Le film

Le pitch ? L'enfance, for ever. Les Fraises sauvages est un film sur le pouvoir des expériences vécues dans l'enfance. Celles qu'on oublie à l'âge adulte et qui ressurgissent sous formes de flashes à l'automne de la vie. C'est donc au bilan d'une vie que nous convie Ingmar Bergman, le réalisateur du film. Isak Borg, médecin de 78 ans fait un cauchemar dans lequel sa propre mort se présente, la veille de partir à l'Université de Lund pour y recevoir un titre de docteur jubilaire qui marque le couronnement d'une carrière. Troublé il décide plutôt que de voyager seul en avion, de faire le voyage en voiture en compagnie de Marianne, sa bru. Ce sera l'occasion pour le docteur Borg de faire également un voyage dans le temps des souvenirs d'enfance avec une légèreté de ton auquel le réalisateur du Septième sceau, son film précédent, ne nous avait pas habitué. Isak Borg octogénaire, n'a plus grand-chose à voir avec les faux-semblants, les secrets inavoués de l'âge mur. Il examine, sans complaisance, sa vie d'adulte marquée par l'égoïsme. Par contre, la sincérité des souvenirs de son jeune âge, la grâce des moments de bonheur, des amours juvéniles au temps où ses cousines l'emmenaient cueillir des fraises sauvages, ce temps vécu hors des contraintes de la respectabilité le hante. La vieillesse à ceci de commun avec la psychanalyse d'accorder plus d'importance au vécu de l'enfance que de la maturité. C'est ce qui donne une fluidité exceptionnelle au film dans lequel se détachent les figures interprétées par Ingrid Thulin et Viktor Sjöström. Celui-ci n'étant autre que le réalisateur du Vent (un film muet de 1928). Bergman qui avait déjà utilisé son aîné, considéré comme le père du cinéma suédois, dans Vers la joie a dit : "Je ne cessais jamais d'étudier avec une curiosité sans honte le puissant visage de Viktor Sjöström. Quelquefois il est comme un cri muet de douleur, quelque fois, il est torturé par une crainte méfiante et une plainte sénile. Quelquefois il se dissout dans une compassion de soi-même et se surprend à des effusions sentimentales". On n'oubliera pas de sitôt les plans inondés de lumière évoquant l'enfance, avec comme seule ombre, la silhouette sombre du vieil Isak qui s'insinue tel un fantôme dans les scènes de son propre passé. 

Le réalisateur

Né le 14 juillet 1918 à Uppsala (son Université est célèbre parce qu'elle détient des manuscrits uniques de musique polyphonique ancienne), Ingmar Bergman fils de pasteur luthérien, s'intéresse très vite au théâtre. Il met en scène de nombreuses pièces avant de réaliser, en 1945, Crise (Krisis), son premier film adapté d'une pièce de théâtre. Suivront huit longs métrages avant que Monika, le fasse connaître hors des frontières de la Suède et soit le début d'une série de films éblouissants (Sourires d'une nuit d'été, Persona, Le Visage, Le Silence, Rites, Cris et chuchotements, etc.) 

Bonus

Pas de bande annonce mais un second long métrage : L'Attente des femmes. Dans la plupart de ses films Bergman préfère adopter le point de vue des personnages masculins. C'est le cas dans L'Attente des femmes, un film tourné en 1952. La construction en flash-back n'est pas sans évoquer celle de All about Eve mais le sujet n'a rien à voir avec le film de Mankiewicz. Quatre femmes, belles, belles-soeurs, de surcroît, passent leurs vacances en commun en attendant le retour de leurs maris. Elles se laissent aller aux confidences. On y retrouve la plupart des thèmes que Bergman traitera dans ses oeuvres ultérieures : les réunions de famille, les difficultés conjugales, l'humiliation de l'homme trompé, la naissance, etc.

 

Les Fraises sauvages d'Ingmar Bergman, DVD, éd. Opening, coll. : "Les films de ma vie".