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Les Kinoïdes Thomas Baudour et Nicolas Simon

Publié le 01/06/2005 par Dimitra Bouras et Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Entrevue

Kino deux jours, Kino deux mois

Dans notre numéro 85 nous avions consacré un Gros Plan à , jeune cinéaste sorti de l’IAD, qui, ayant réalisé en DV-Cam , un circumentaire, l’avait édité, sitôt fait, en DVD (il est toujours disponible voir Balanz, Nicolas Simon nicosimon@tiscali.be). Il nous avait parlé d’une expérience québécoise appelée Kino. Il s’agit de production/diffusion en salles de courts métrages tournés avec de très faibles moyens suivant un principe simple : Faire bien avec rien, faire mieux avec peu mais le faire maintenant ! Précisément qu’en est-il de Kino en mai 2005 ? Nous l’avons demandé à et Thomas Baudour, à la base du projet. 

Cinergie. : En juin de l’année dernière, tu nous avait dit vouloir monter un projet Kino en Belgique. Qu’en est-il actuellement ?
Nicolas Simon : Kino a démarré de Montréal, au Québec, en 1999. En Belgique, on a organisé les premières projections de courts métrages réalisés en numérique en janvier 2005. Actuellement avec Thomas Baudour (qui est là depuis le début), Mélanie et d’autres, nous sommes un groupe d’une dizaine à gérer le projet. Chacun ayant sa spécialité. Ainsi Thomas est plutôt monteur tandis que personnellement c’est la réalisation qui m’attire davantage. Il y a deux niveaux de structures à Kino : d’un côté on fait des films auquel le nombre de personnes qui y participent est variable et de l’autre côté, on gère l’organisation, on établit des contacts. En Europe des structures semblables existent en Allemagne (Hambourg, Berlin) et en France. Tous les six mois, en France, on voit l’apparition d’une nouvelle cellule. Ici en Belgique, nous avons de nombreux contacts avec celle d’Hambourg. Kino est un projet que l’on peut décliner selon sa sensibilité. Les films belges sont différents des films réalisés au Québec ou à Hambourg.

 

C. : Kino au départ c’est : Faire bien avec rien, faire mieux avec peu et le faire maintenant. Et cela fonctionne ?
Thomas Baudour : On s’est dit qu’on avait tous des logiciels de montage sur ordinateur, des caméras DV. Normalement, ces courts métrages sont réalisés en deux mois et, projetés, ensuite, au Petit Théâtre Mercelis. D’autres projets prennent davantage de temps. L’important est d’aller au bout de son projet même si cela prend quatre mois. Au début on travaillait dans l’urgence d’une diffusion rapide. On s’est rendu compte que certains films s’avéraient insatisfaisants et qu’on se disait qu’on aurait pu mieux faire en prenant plus de temps.
N. S. : Etre évolutif fait partie du projet. Tu peux faire ton film en six mois mais le but est de ne pas passer du temps à chercher de l’argent.
T. B. : Le but est d’être concret et de s’amuser

 

C. : Le numérique se décline en plusieurs formats de la DV à la HD en passant par la béta digital.
Th.B. : La HD est encore un peu chère pour nous. On travaille surtout en mini DV ou en DV-Cam. Tu achètes deux K7 mini-DV ou DV-Cam, tu effaces tes rushes et tu en mets d’autres dessus et tu peux l’utiliser pas mal de temps. Ce n'est pas comme une bobine de 16mm.
N.S. : Personnellement, j’aime bien la pellicule mais je n’ai pas le fantasme de réaliser un film sur ce support. Il y a des gens qui viennent à Kino sans jamais avoir réalisés de films. Le fait de travailler en numérique casse un peu le mythe du tournage fantasmé via les making off. 
Ils sont un peu déstabilisés et même souvent déçus par leur premier film.C’est d’ailleurs un débat récurrent. Les gens pensent que l’outil numérique, étant donné son faible coût permet à tout le monde de faire des films. Oui et non. Oui parce qu’on n’a plus d’excuses pour ne pas réaliser nos films mais en même temps il y a des désillusions parce qu’il ne suffit pas de faire un film pour que ce soit un chef-d’uvre. Le problème est moins l’argent que l’histoire que l’on veut traduire visuellement, le regard qu’on a sur ce qu’on veut filmer, la façon que l’on a de diriger les comédiens…et il vaut mieux arriver en post-prod avec un matériel qui soit montable.

 

C. : Et le son ?
Th. B. : On a heureusement le soutien en matériel de l’AJC qui nous aide –on les remercie – en nous prêtant des micros.
N. S. : On a la chance d’avoir avec nous un ingénieur du son qui a pratiquement réalisé toute les fictions qui ont été tournées par Kino. Pace que le son est un petit peu notre maillon faible. On filme, on a une belle image et, au début, on oublie le son.
Th. B. : Quand tu tournes en pleine rue, tu captes tous les sons mais ce n’est pas dramatique. On apprend, et on demande un micro pour le film suivant.
N. S. : Il arrive qu’on se plante. Cela fait partie de l’apprentissage. J’expérimente des choses. Parfois on rate parfois il y a de petits miracles. J’ai fait des films en une semaine dont je suis content. Mais c’est aussi grâce au fait qu’on soit un groupe. Cela permet de partager ses idées et de rebondir. La créativité s’additionne positivement du fait même du bénévolat. Thomas et Mélanie on fait un film au lac de l’Eau d’Heure, Le Monstre du Lac.
Th. B. : C’était le premier Kino à Hollywood. On a tourné en trois jour une série : La Créature du Lac de l’Eau d’Heure. On avait invité tous les kinoïdes à y participer. Ce sont surtout des allemands qui sont venus. Pendant trois jours on a campé autour du lac de l’Eau d'Heure et on a filmé cette mini série avec une équipe de 35 personnes. Le projet d’un court métrage de 7’ s’est transformé en un film de 33’. Tous ceux qui l’ont vu se sont amusés. C’est un film d’horreur amusant.

 

C. : Kino explore plus la fiction que le documentaire ?
Th. B. : Il y a plus de fictions que des documentaires bien qu’à chaque séance il y ait un ou deux documentaires.
N. S. : Lors de la prochaine séance, fin mai, on va faire une expérience avec un quebécquois qui était de passage ici et nous a laissé un film muet qu’il va bruiter par téléphone parce que ses obligations professionnelles le retiennent à Singapour. Il a déjà tenté et réussit l’expérience entre le Québec et l’Italie. C’est la force du réseau Kino : être regroupés sous une même bannière même si l’on a différentes façons de fonctionner. La projection du film ressemblera à une sorte de duplex par téléphone. Kino c’est un concept qui évolue. Tous les deux mois on a nos projections et, dans les festivals, il y a des cabarets où l’on peut faire des films en deux jours.

 

C. : Y a-t il une exploration du support numérique ?
Th. B. : Moins en Belgique où on a une tradition du cinéma du réel, tandis que les allemands exploitent le support au niveau de la correction des couleurs. On voit souvent une explosion de couleurs. La DV n’est pas du tout une question de pauvreté de moyens mais une façon d’explorer des zones du cinéma. Ce n’est pas comparable à de la pellicule argentique, ni même à de la Béta-digitale mais l’important, pour nous, est de pouvoir raconter des histoires que le public découvre et auquel il réagit. Et celui-ci ne réagit pas par rapport au support mais par rapport à l’attractivité de ce qu’on lui montre. L’important est de pouvoir raconter une histoire.
N. S. : Ce n’est pas parce qu’il s’agit d’un Kino que l’essai doit être inabouti. Cela peut arriver mais ce n’est pas notre but.
Th. B. : Kino c’est une sorte de grand terrain de jeu, une cour de récréation pour tout le monde.
N. S. : Avec Kino, on fait les choses un peu à l’envers, on fixe d’abord la date de projection. On a notre calendrier pour l’année, on sait quelles sont les dates des projections et, en fonction de cela, on réalise nos films. On sort d’un système économique commercial pour privilégier le rapport au public. On monte des projets en sachant qu’on va avoir un feed back, qu’on va pouvoir écouter la réaction des spectateurs et leur parler.

 

C. : Comment fonctionnent les Cabarets Kino ?
Th. B. : Ce sont des cellules qui s’installent dans des Festivals de cinéma. Un cabaret – rassemble plusieurs kinoïdes qui viennent du monde entier. Jusqu'à présent il y en a eu deux en Belgique. Pendant le Festival International du Film Fantastique et pendant le Festival du Court métrage de Bruxelles. Des kinoïdes d’Allemagne, d’Autriche, de France, de l’île de la Réunion et du Québec. Le principe du cabaret étant que l’on dispose de 48 heures pour faire un film (une journée de tournage et une autre de montage). Ensuite on projette le film réalisé. Les délais sont très courts ce qui booste les participants. Evidemment on dort, très très peu, puisqu’il y a un minimum de trois projections mais une grande énergie se dégage. C’est incroyable le nombre de films qu’on peut réaliser en 48 heures. Lors du festival du court métrage, j’en ai monté huit et j’en ai réalisé deux. D’autant que les gens viennent avec une idée et sont déjà prêts à tourner. Ce qui est passionnant ce sont les échanges. J’ai monté des films canadiens, allemands, français.

 

C. : Quels sont vos projets ?
N. S. : On a un projet en commun avec Hambourg de faire un site Internet qui soit un lieu d’échange pour les kinoïdes. On a aussi le projet, avec les Allemands, de faire une caravane à travers l’Europe. L’idée est de faire des films sur la route.
Au Québec, ils ont un site Kino-Québec qui est une vidéothèque où l’on peut choisir ses films en fonction du réalisateur ou du sujet.

www.kinmobelgique.org/

www.hamburgerkino.de/

www.kinoqc.com/

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