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Mal Aimé de Richard Olivier

Publié le 01/12/1999 par Nicolas Longeval / Catégorie: Critique

"Il y a deux tragédies dans la vie : l'une est de ne pas satisfaire son désir, et l'autre de le satisfaire." Oscar Wilde

Dernière oeuvre au noir d'un réalisateur à la filmographie un peu à part dans notre paysage audiovisuel (voir " Belgiq'kitsh "), Mal aimé n'y va pas par quatre chemins : Richard Olivier pousse la lourde porte de ces endroits glauques et souvent clandestins que les nostalgiques des masses et armures ont rebaptisés " donjons ", antres du sadomasochisme et autres pratiques sexuelles marginales ou déviantes selon les uns ou les autres, et qui - de l'avis de M. Serge André, éminent psychanalyste bateau interrogé dans le sens du poil dans le cadre clinique de son bureau - qualifient davantage les pervers que les névrosés !

Mal Aimé de Richard Olivier

Encore que... L'expérience psychanalytique, tout de même centenaire, s'il est une seule chose qu'elle ait permis de savoir, c'est bien que la normalité n'existe pas. Freud constate deux choses : l'être humain qui normalement se cherche un chemin entre douleur et plaisir en essayant d'aller vers un maximum de plaisir, va parfois plutôt vers la douleur. Deuxièmement : certains trouvent du plaisir dans la douleur. Si l'amour n'est pas le désir ni la tyrannique jouissance d'aujourd'hui, je vous laisse découvrir par vous-mêmes, qui n'êtes sûrement pas moins lucides, les autres classements inévitablement plus troubles que méticuleux du désir ou de la jouissance. Et tandis que la caméra évite les marquages au fer rouge pour n'être témoin que de flagellation légère façon léchage de talons aiguilles - les clients ne portent pas tous des masques -, la discussion s'emballe pathétiquement d'aigus lancinements new-age et de sons sourds, gothiques ou mystiques, pour aborder la question des religions, ou de la religion en général. Quand on explore les souterrains du Pouvoir et le secret professionnel, on effleure aussi, parfois, l'ombre de Dutroux...

Multipliant les clins d'oeil à toutes sortes d'autorités en place, qu'elles soient politiques ou cinématographiques, l'inquisiteur sans doute un peu exhibitionniste n'hésite pas à se montrer, micro à la main, et à faire entendre sa voix - c'est à dire à se mettre en scène avec juste assez d'aise pour se laisser vaguement soupçonner : quelle jouissance ! - sans que cela n'enlève rien à l'impression de la plus crue réalité. Reste à savoir si le médical n'est pas, au moins par moments, plus grotesque, et s'il ne dérange pas davantage que ce naturalisme déchantant et déchanté qui tutoie avec l'accent quelques adeptes du bondage chaîne et latex, femmes à pénis et autre baronne Marlène à la carrure de camionneuse, percée des seins au clitoris. Très osé et saisissant, un voyage, pour voyeur averti, d'au moins dix-huit ans et demi, dans les oubliettes de la société et les tréfonds de l'être humain : veuf, orphelin, malade... ou marié mais simplement seul et seul quand même, au bord des larmes dès qu'un ange passe. De toute façon la gravité de l'expérience, qui laisse des traces très profondes et dont personne ne sort indemne, dépend de sa souffrance morale, car ces personnes n'ont souvent pas la vie facile.
Entre détresse humaine et amour du mal, la complainte de Mal aimé s'ajoute à la difficile collection de Richard Olivier, disponible dans l'excellent vidéoclub Le plein des sens, rue du Trône à Bruxelles, où on le conseille et prétend qu'aucune télévision n'a jamais osé montrer ça. Dans la version soft, peut-être, et aux toutes petites heures.

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