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Marc-Henri Wajnberg

Publié le 15/01/2001 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Entrevue

C'est un de ces jours désagréablement froids, au ciel plombé de nuages mais sans ce vent qui vous glace les os et vous bloque l'esprit. Un de ces jours où l'on regrette de ne pas bénéficier du ciel bleu de Rio-de-Janeiro (avec ses danseuses flamboyantes, pour expliquer les choses avec délicatesse) ou de Brasilia, le joyau architectural construit par Niemeyer, avec un soleil coupé d'une légère brise pour vous rendre dolent. Votre serviteur rêve. Vouuui ! Driiing ! On sonne. J'ouvre la porte de mon domicile. Marc-Henri Wajnberg entre, téléphone portable à l'oreille, en conversation avec un correspondant parisien. Il est ultra-pressé. Ce soir à Paris, Oscar Niemeyer, un architecte engagé dans le siècle, est projeté en présence de personnalités prestigieuses, dont Robert Hue, puisque Niemeyer a construit le siège de Parti communiste français, érigé Place Colonel Fabien.

Marc-Henri Wajnberg, réalisateur

 

Votre serviteur entre donc dans le vif du sujet. Durant ses études de biologie (" la science est un dada " précise-t-il en levant les sourcils), Marc-Henri, passionné de photo, enquiquine ses professeurs en photographiant à tout va, au point de se faire " jeter " de certains cours par ses mandarins exaspérés. Il découvre par hasard, en travaillant pendant ses vacances aux assurances Josi et en discutant avec un compagnon d'(in)fortune, qu'il existe des écoles de cinéma qui peuvent satisfaire son vice de l'image. Il s'inscrit à l'INSAS où votre serviteur a eu en main son mémoire de fin d'études intitulé : Ferreri ou la gastronomie des seins bols, sur la couverture duquel entre une paire de seins dessinés, inspirés de ceux qu'Andréa Ferreol livre généreusement en pâtisserie dans la séquence finale de La grande bouffe, se trouvent éparpillées des rondelles de carottes (symbole de la zigounette que Gérard Depardieu émascule dans La dernière femme, souvenez-vous !). " Normalemen,t ce mémoire a pourri puisque les choses continuent à vivre et que les carottes n'étaient pas entièrement sèches. Sur mon exemplaire, elles ont pourri mais comme tu sais, c'est de la pourriture que naissent les grandes inventions ", dit-il en s'esclaffant. C'était la fin de l'époque de la contestation, l'occupation des locaux en solidarité avec l'IAD en grève ". En 1973, il tourne Kak of geen kak de pot op, (Caca ou pas caca sur le pot), un film de 10' produit sans l'aide de l'INSAS mais avec le soutien actif de Bernard Littinsky, et enchaîne avec Fume, c'est du belge, un film tourné en S8 avec Éric Angelini qui repose sur la technique du micro-trottoir : " On a posé des questions aux gens dans la rue mais tout en gardant les réponses on a changé les questions, du genre : Madame que faites-vous quand vous trouvez une paire de couilles sur le tapis ? - Je la mets sur un petit papier et je la jette par la fenêtre. On a eu un certain succès. Dix ans plus tard nous avons fait, en 35mm, Le retour de Fume, c'est du belge et par après pour TF1, Le triomphe de Fume, c'est du belge, etc. " En sortant de l'INSAS, il réalise un film de 30' avec son frère Alexandre, Dans de beaux draps...culas (1976) et enchaîne, toujours avec son frère, avec Heureux comme un bébé dans l'eau, un film sur la naissance sans violence qu'il emmène, avec succès, dans maints festivals européens. Il découvre que les acheteurs achètent davantage des séries de films qu'un film isolé. D'où l'idée des 1.200x8'' de la série Clap (" l'homme symbolisant le cinéma et qui malheureusement lors du montage est toujours jeté au panier alors qu'il représente le coup de baguette magique par lequel la réalité se transforme en fiction"). Goguenard et amusé, il ajoute : " Ça a été un gros succès et ça continue à l'être puisque les Chinois et les Philippins sont intéressés ". Just Friends, son premier long métrage écrit avec Pierre Sterckx et son frère Alexandre dans les années 80, est mis au frigo pendant une dizaine d'années et tourné en 1993; " C'est une histoire d'amitié sur le fond d'un art de vivre qui, dans les années cinquante, était plus convivial, moins compétitif ". Le film a lancé Charles Berling et obtenu treize Prix internationaux. " Malheureusement il n'a pas marché commercialement." Endetté, il lance Mister Almaniak, une série de 366x50'' qui fait le tour du monde télévisé, ainsi que 40 dessins animés de 20 secondes, Je ne pense qu'à ça, d'après des scénarios de Wolinski. En 1996, il réalise un petit bijou qui est aussi un challenge, Le Réveil, un film de 7' en plan séquence qui obtient dix-sept prix. " Le film a eu beaucoup de succès dans un pays où d'habitude les courts métrages ne sortent pas en salles. C'est une excellente carte de visite. Comme je n'aime pas faire deux fois la même chose, j'ai réalisé Evgueni Khaldei, un documentaire sur l'un des grands photographes russes de ce siècle, et Oscar Nimeyer, un architecte engagé dans le siècle. Aimant Staline et les femmes ? C'est un peu court ce que tu me dis, cher Jean-Michel ! C'est plus ambigu, le contexte historique de l'époque était différent, le Brésil vivait sous une dictature. Il était logique de lutter contre elle ". Le film, qu'on vous recommande chaudement, traduit la relation intime entre l'art de Niemeyer, la nature et les courbes de la féminité. Il passe au Festival International du film de Bruxelles. " Mes projets ? J'en ai des tas, poursuit-il d'un ton déterminé, tant au niveau documentaire que de la fiction et des séries courtes. Le plus proche : j'ai envie d'accompagner Noël Godin et José Bové chez les Chiappas, au Mexique, afin d'y rencontrer le sous-commandant Marcos. L'Histoire nous dira si la chose se fera. "

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