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Mario Serenellini, collaborateur à La Repubblica

Publié le 08/03/2007 par Katia Bayer / Catégorie: Entrevue

Collaborateur culturel (notamment de cinéma) à La Repubblica, Mario Serenellini connaît bien la situation dans laquelle se trouve le court métrage de son pays, l’Italie. Il a accepté d’être le participant unique d’une discussion improvisée sur l’état du court en Europe. Même, il s’est proposé d’endosser les identités des journalistes manquants et de prendre les accents appropriés ! Interview surréaliste ferroviaire en rentrant de Clermont-Ferrand.

 

Mario Serenellini en 2007

Cinergie : Peux-tu me parler de l’état de santé du court italien?

Mario Serenellini : Le discours sur le film court italien est forcément très court ! Il est vrai qu’on produit pas mal de courts métrages, mais il n’y a pratiquement pas de diffusions et de distributions en salle. Donc, on ne les voit que dans les festivals qui sont, par contre, très nombreux en Italie. Quelquefois, s’ils sont bons, les films passent les frontières et on peut les voir dans les festivals étrangers. Mais le problème, c’est qu’il n’y a pas vraiment de marché du court métrage en Italie comme ça existe en France, par exemple.

C : Est-ce qu’il y a eu, ces dernières années, une sorte de tournant qui ferait que le public se rapprocherait du court métrage italien ?

M. S. : Oui. Par exemple, cette année, Il Supplente a gagné le Prix Canal + à Clermont-Ferrand : ça signifie qu’il va être diffusé en France, et peut-être dans d’autres pays. Donc oui, il y a quelques rares cas de distribution inattendue. Mais il faut également citer un domaine un peu particulier, celui du cinéma d’animation. Là, par contre, historiquement, le cinéma italien a toujours eu quelques vitrines importantes, même dans son propre pays.

Des créations et des auteurs sont devenus célèbres, comme « La Linea » (d’Osvaldo Cavandoli [disparu à 87 ans le 3 mars dernier, ndr]) et le petit poussin noir « Calimero » (des frères Pagot) par exemple. Donc, en effet, il y a une tradition importante, mais je dois dire qu’elle est marginale, limitée, circonscrite à tel ou tel auteur, trois ou quatre maximum. Il y a bien une école, le Departement Animation du Centro Sperimentale à Chieri, près de Turin,  qui développe des projets et qui forme les nouveaux réalisateurs de cinéma d’animation, mais il n’y a toujours pas de marché.

En comparant encore une fois avec la France, il existe sept ou huit écoles importantes (de Folimage aux Armateurs, de La Fabrique au Supinfocom de Valenciennes) de pôle image qui établissent vraiment une production continuelle mais aussi un marché.

 

C : Donc, ce n’est pas plus mal que cette année, au festival, ce soit une fiction mi-cynique mi-enfantine qui soit récompensée.

M. S. : Oui, en effet. Mais ce qui est frappant, c’est qu’Andréa Jublin, le réalisateur qui a gagné, m’a dit, avant la remise des prix, qu’il n’aimait pas trop la forme courte du cinéma (rires) ! Cela dit, il a tout de même fait un bon court métrage : il y a une bonne relation entre l’idée, l’histoire, les dialogues et la façon de filmer. Mais c’est un cas bien isolé; il faut rappeler que dans ce festival international, il n’y avait que deux titres italiens en compétition. Il y a des grandes nations comme l’Angleterre, l’Allemagne, la Suède qui ont une production bien plus importante. [C’est peut-être aussi parce qu’il y a des écoles et une tradition du court dans ces pays-là].

C : Peux-tu me parler du festival de cinéma italien que tu lances en avril prochain ?

M. S. : C’est la première édition d’un projet très téméraire qui s’appelle « Cinéma Italien : Nouvel Air » et qui se déroulera du 12 au 17 avril à l’Espace Cardin, à Paris. Il y aura une compétition de longs métrages inédits en France des nouveaux auteurs (première ou deuxième œuvres) et des avant-premières de films des ‘nouveaux maîtres’, tels que Bellocchio ou Tornatore, qui sortiront en France quelques semaines après. Il y aura aussi une section de courts métrages en compétition, mais je n’y ai inséré que de l’animation parce que la production est de meilleure qualité. Et à l’intérieur d’un grand hommage que l’on rend à Antonioni (95 ans, cette année), on pourra voir tous ses courts métrages qui ont marqué ses débuts au cinéma et qui assurent une continuité. On projettera tout, de son premier film qui est un court métrage de 1950 à son dernier qui en est un aussi, Le Regard de Michelangelo, tourné il y a trois ans. Donc, il y a cette attention claire aux courts métrages. Dans les prochaines années, on va peut-être proposer des programmes de ‘courts des grands’, de Pasolini à Lattuada, à Monicelli,… . En fait, l’Italie avait une spécificité dans les années 60-70 : le film à épisodes. C’était des films courts qui étaient réunis sous un thème particulier et c’est pour ça qu’on a tant de courts métrages de maîtres du passé.

C : Par le passé et même maintenant, des courts et des réalisateurs belges t’ont-ils convaincu ? Par moments, t’es-tu dit : « ça, c’est vraiment du cinéma ! » ?

M. S. : Ah, oui ! J’ai bien aimé le film qui a gagné trois prix cette année, Tanghi Argentini : c’est un très joli film avec des acteurs remarquables. C’est tout ce qu’on peut désirer de mieux dans un court métrage : qu’il ne soit pas un film de série B et qu’il ait sa forme et son autonomie complètement distincte par rapport à un long. Dans le passé, j’ai vu les courts métrages de Van Dormael qui m’avaient touché. Et puis, dans le cinéma d’animation, j’adore Servais avec toutes ses références à la Belgique, à la peinture surréaliste (Magritte, Delvaux, …).

Donc, je trouve que le cinéma belge n’a rien à se reprocher et qu’il est bien riche. La démonstration, c’est le fait que Clermont-Ferrand a décidé cette année de lui consacrer aussi une rétrospective, un grand hommage avec six programmes. Donc, la Belgique est assez privilégiée par rapport à la situation européenne du court métrage.