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Mésanges aux boucles grises de Anne Deligne et Daniel De Valck

Publié le 01/10/1998 par Philippe Simon / Catégorie: Critique

Vieillir, devenir vieux. Le temps qui s'étire, se morcelle, revient en fragments de passé, sédiments de mémoire qui conjuguent déjà à l'imparfait un présent ouaté, tremblé de petites luttes, de fragiles conforts, avec cette lente expulsion vers la marge, vers l'oubli et parfois ce dernier refus, comme une façon de dire, malgré le temps perdu, qu'on est toujours vivant.

Mésanges aux boucles grises de Anne Deligne et Daniel De Valck

Palabres et chuchotements

Troisième âge. Comment rendre compte de cette aventure si commune, si courante et pour laquelle personne n'est réellement préparé. Comment rendre sensible la vieillesse sans pour autant verser dans les lieux communs de la bonne conscience ou du mépris tous azimuts.
Avec Mésanges aux boucles grises, Anne Deligne et Daniel De Valck ont retrouvé le goût des chemins de traverse, des parcours non fléchés, des surprises et des hasards qui sont la chair même d'un certain cinéma documentaire.
Partant de l'idée qu'il est des lieux où se retrouvent plus volontiers les personnes âgées, ils sont allés à leur rencontre, filmant de ci, de là, des bouts de conversations, des instants de bavardage, des complicités de parlotte. Et ils ont construit leur film au gré de ces instantanés, sans fioritures et sans complaisance, trouvant, derrière cette apparente banalité d'une parole que d'ordinaire on écoute sans entendre, l'écho à peine assourdi d'un plaisir de vivre tonique et bien là.
Démarche périlleuse que ce travail sur l'éphémère et l'inattendu, car il suppose une caméra refusant voyeurisme ou cynisme, car il demande une vraie complicité entre celui qui filme et ceux qui sont filmés et, en même temps, il impose que ces derniers oublient l'exceptionnel de la situation pour retrouver l'ordinaire de leurs conversations. Et c'est peut-être là que Mésanges aux boucles grises manque de rigueur et ne va pas jusqu'au bout de son projet. Quelques scènes laissent par trop deviner la préparation et l'intention des réalisateurs, rompant en cela avec la spontanéité de la plupart des séquences, nous ramenant pour un temps dans une approche plus conventionnelle qui joue la sécurité.
Il n'en demeure pas moins que Mésanges aux boucles grises fait plaisir à voir et tranche sur la grisaille dominante par cette sympathie qu'il crée entre le spectateur et ces hommes et ces femmes qui, du salon de coiffure au club photo pour retraités en passant par les randonnées en forêt ou la banquette d'un tram, se livrent et nous dévoilent des passions qui sont de tous les âges et que généralement, sous couvert d'une image négative de la vieillesse, nous avons tendance à ignorer.

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