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Métier - Brigitta Portier, attachée de presse

Publié le 09/03/2010 par Dimitra Bouras / Catégorie: Entrevue

Tout journaliste qui arpente les salles de cinéma à 10h du matin, avide de découvrir un film bientôt en salle, connaît les quelques têtes qui se trouvent derrière chaque liste de présences. À l’instar de la plupart des employés du cinéma, ces têtes sont quasiment toutes féminines. Intrigués par le travail de ces dames que l'on rencontre à l'entrée des salles ou encore dans les salles d'attente des hôtels, vous indiquant l'étage de la suite où se trouve telle réalisatrice ou réalisateur, comédienne ou comédien, nous avons approché un visage parmi d'autres, ouvert, accueillant et disposé à répondre à nos interrogations.

Cinergie : Comment devient-on attachée de presse ? Quelle a été ta formation ? 
Brigitta Portier : J'ai fait des études de communication en option Relations Publiques, au Ceria à Anderlecht. Après les études, je me suis installée à Cannes, pour des raisons personnelles. Au moment de chercher du travail, je me suis tournée vers le festival, centre névralgique de la ville. Mon atout, c'était mes connaissances linguistiques, je parle correctement six langues, ce qui m'a tout de suite ouvert des portes au sein même du festival dans la section presse. J'ai débuté comme assistante d'attachée de presse de Cannes pendant un an, et c'est comme ça que je suis entrée dans ce monde-là.

Une fois de retour à Bruxelles, j'ai voulu mettre mes connaissances à profit, et j'ai postulé auprès des distributeurs. J'ai commencé à travailler pour le CNC, à mi-temps, car je voulais rester libre pour Cannes. Ma carrière d'attachée de presse était lancée. Cela fait déjà plus de 23 ans que j'y travaille ! Vint le Festival de Bruxelles, Cinéart, les festivals de Berlin, Venise, Rome, etc.
Dans ces festivals, j'étais attachée de presse de films, que j'essayais de promouvoir auprès des journalistes internationaux. Petit à petit, je me suis fait approcher par des vendeurs internationaux ou des attachés de presse qui cherchaient à rencontrer un maximum de journalistes en même temps. De plus, en tant qu'attachée de presse, je reçois un film avant qu'il ne soit montré en festival et je peux déjà le proposer à l'un ou l'autre distributeur.

 

C. : En quoi consiste concrètement ton travail ?
B. P. : Cela dépend. Si on travaille pour un distributeur, on suit toute une partie des films de son catalogue. Depuis quelques mois, je ne travaille plus du tout comme cela. J'ai décidé de suivre un film pendant plusieurs mois, pendant 2, voire 3 mois pour aller plus en profondeur. D'abord, je visionne le film moi-même, puis je fais pas mal de brainstorming avec le réalisateur pour voir quels sont les domaines de presse qu'on peut toucher. Pas seulement la presse générale cinéma, il y a d'autres aspects (sociaux, économiques, politiques… ça dépend du film). La première étape est d'organiser une vision de presse en invitant des journalistes qui ne soient pas uniquement des critiques de cinéma. Par exemple, pour le film de Joachim Lafosse, Elève libre, le jeune Jonas joue en compétition au tennis, et il joue très bien. J'ai contacté des magazines et journaux sportifs pour leur proposer une interview. Ou encore, Yannick Renier et Claire Bodson sont un vrai couple, dans la vie comme dans ce film. On a proposé d'envisager leur travail de comédiens par le biais de leur relation dans la presse psychosociales. Ce genre de démarches, tu ne peux les faire que si tu accompagnes un film sur un long moment. J'aime avoir un retour des journalistes, savoir ce qu'ils pensent, même s'ils n'ont pas aimé un film, et entendre leurs arguments, pour modifier la promotion d'un film, s'il le faut.

 

C. : En tant qu'attachée de presse, tu t'occupes uniquement de contacter les journalistes ou tu travailles également avec une équipe de promotion ?
B. P. : Le département promotion, en Belgique, est toujours lié à la boîte de distribution. Il y a quelqu'un chez le distributeur, qui ne s'occupe que de ça, mais on travaille ensemble parce que le responsable de promotion choisit les partenaires d'un film. Je dois les connaître pour qu'ils aient la priorité dans les interviews (ça peut être des journaux écrit, des émissions…) Il faut que je prévoie assez de temps pour eux pour des interviews ou des passages sur le tournage etc. La deuxième chose dont je dois tenir compte dans la promotion, ce sont les avant-premières. Quand les responsables en organisent, je dois savoir où et quand elles ont lieu pour pouvoir contacter la presse locale, planifier les interviews juste avant. Il faut aussi que je sache où sort le film, dans quelle salle, pour contacter les journalistes concernés. Cela se prépare avec les responsables de la promotion.
Ce qui peut arriver, c'est qu'un film soit passé auparavant dans un festival dans lequel j'étais présente. Si j'ai rencontré des journalistes qui ont beaucoup aimé un film, je passe l'info pour qu'ils soient contactés en premier lieu ou pour organiser une avant-première en partenariat. Par contre, on propose aux médias moins intéressés par un film des concours pour leur public. Les départements de la promotion et de la presse doivent être cohérents et travailler ensemble.

 

C. : Est-ce que tu as déjà été amenée à faire ton travail dès le tournage d'un film ?
B. P. : Oui ça arrive. Je l'ai fait un peu pour Elève libre, mais aussi pour Les Barons. Je trouve que c'est important, et ça se fait de plus en plus. On a commencé à inviter la presse sur les tournages, il y a 2 ou 3 ans, mais c'est relativement récent. Les réalisateurs et producteurs se rendent enfin compte qu'il faut commencer à parler d'un film en amont. C'est aussi un test pour voir ce que la presse va penser du film. On invite quelques télévisions et la presse écrite. On essaie de connaître les impressions des journalistes, savoir ce qu'ils en pensent. Leurs avis intéressent les responsables de la promotion, pour déterminer les partenaires presse de la campagne de promotion d'un film. Les journalistes recherchent aussi une collaboration dès le tournage pour avoir une exclusivité ou être les premiers à couvrir un film.

 

C. : Je suppose que la relation avec un réalisateur peut être très « intense » au moment de la sortie de son film.
B. P. : Oui, c'est pour cela qu'on essaie, dans la mesure du possible, d'accompagner un réalisateur sur la durée. La confiance qu'on est parvenue à établir une première fois est un acquis qui permet d'atteindre plus vite et plus sûrement ses objectifs, lors d'une deuxième distribution. Quand on cerne mieux un cinéaste, qu'on connaît ses atouts et ses faiblesses par rapport aux journalistes, on sait ce qu'il faut ou pas lui proposer. Nous travaillons en équipe, le cinéaste et moi discutons de tout. Je ne prends jamais une décision seule. Je ne cache pas, qu'en général, ils sont très exigeants. Les deux dernières semaines avant la sortie, ma famille les vit avec moi ! Avec les réalisateurs, on s'appelle tout le temps, ils sont pris de stress, d'angoisse, et je les rassure. Mais, je n'hésite pas à calmer leurs exigences quand elles deviennent trop pressantes. Une fois le film sorti, on ressent comme un grand vide qui nous envahit. On a vécu tellement sous le stress pendant une ou deux semaines et puis, tout à coup, plus rien…

 

C. : Comment se passe une journée presse avec un réalisateur ?
B. P. : En général, les journées presse se déroulent dans un hôtel. J'arrive une demi-heure plus tôt avec le réalisateur, on prend un café ensemble, ou on déjeune. Je donne le programme de la journée, je situe les médias pour lesquels travaillent les journalistes qui vont se suivre. Tout cela dans la sérénité. Je ne suis jamais stressée. Je ne veux pas que cela puisse déteindre sur le réalisateur ou le comédien invité. Tout au long des interviews, je veille à ce que tout se passe bien pour chacun : laisser respirer l'invité entre deux interviews, ne pas accumuler trop de retard, parce que les uns s'énervent et deviennent désagréables. Je n'assiste jamais aux interviews, je trouve qu'il vaut mieux laisser les interlocuteurs entre eux.

 

C. : Travailles-tu de la même façon avec toute la presse ?
B. P. : Non. Il y a les télévisions et la presse écrite. Les premières sont souvent co-productrices d'un film, alors elles ont la primeur. Il faut qu'elles en aient parlé avant que le reste de la presse puisse en faire un sujet. Quand la RTBF est co-productrice d'un film, souvent, le réalisateur ou un comédien est invité sur le plateau du JT.
Mon travail ne se limite pas à inviter les journalistes à une vision de presse et leur faire parvenir un dossier. Je les appelle, j'essaie de savoir s'ils vont écrire, quand ils vont publier. J'essaie, dans la mesure du possible, de planifier avec eux les dates de publication de leurs articles. En tout cas, je me tiens au courant.
J'essaie de bien les connaître, leurs goûts, leurs préférences, je discute avec eux, mais surtout je les lis !

 

C. : Quelles sont les qualités indispensables pour faire un bon attaché de presse ?
B. P. : Tout d'abord, posséder un carnet d'adresses complet. Quand tu débutes, tu ouvres les journaux et magazines, tu lis les signatures des journalistes ou tu téléphones aux rédactions pour avoir les noms et les adresses de contact de ceux qui écrivent dans chaque rubrique. Connaître les points de vue et les couleurs idéologiques de chaque publication. Cibler le public de chaque média pour savoir ce qu’il faut leur proposer. Être au minimum bilingue, et même polyglotte, parce que rien de tel que de parler la même langue pour échanger ses sensibilités. Et surtout, être sociable, apprécier les rapports humains et être capable de négocier.