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Parlez-moi d'amour d'Alexia Bonta

Publié le 13/07/2007 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

Vestiges de l'Amour

Dans un hôpital, deux vieilles dames malades, en fin de vie, parlent d'amour, de leurs expériences respectives, de leurs joies, de leurs déceptions, de leurs regrets, des différences et des similitudes entre les relations amoureuses "dans le temps" et chez les couples d'aujourd'hui. Elles parlent comme le font nos grands-mères, un langage de l'amour tel qu'il se pratiquait à une époque où l'homme était encore le patron dans le ménage, évocation d'un monde anachronique pourtant pas si éloigné. De leurs paroles surgit un subtil décalage humoristique, nostalgique et cocasse.

De prime abord, Parlez-moi d'amour est un film difficile à encaisser. Deux vieilles dames dans un état de délabrement physique très avancé sont filmées sous toutes les coutures, la caméra pénétrant leur intimité à un stade où un peu plus de pudeur aurait été de mise. Les images mettent d'emblée mal à l'aise. La déchéance physique, la vieillesse, l'infirmité, l'imminence de la mort... Des choses que l'on ne veut pas voir, des sujets que l'on préférerait ne pas aborder. Et puis, petit à petit, on s'habitue, et on se met à sourire au fil du récit de ces deux vieilles dames ne manquant pas d’humour derrière les regrets et se livrant sans retenue.

On finira même par les trouver attachantes, la réalisatrice ayant une véritable affection pour ses "actrices". Si l'exercice peut être taxé d'un certain voyeurisme, l’humour des intervenantes est chaleureux et réparateur, preuve que celui-ci est encore la meilleure arme contre toute forme d'adversité. Lorsque l'une d'entre elles nous raconte d'une manière extrêmement naïve et, ô combien touchante,

que son but dans la vie était de mener la vie de Blanche-Neige, entourée de nains et de son Prince Charmant, on ne peut s'empêcher de sourire, entre compassion et, il faut bien l’avouer, une petite part de pitié. Et d'avoir une pensée émue pour tous les souvenirs, toutes les chansons, tous les récits, toute la bonté et toutes les tartes aux pommes de nos propres grand-mères.

Malheureusement, lorsque la même vieille dame continue à parler, regrettant de n'avoir pas eu d'enfant, pleurant à chaudes larmes alors que la caméra reste sur elle, le malaise refait surface.
La ligne infime entre l'hommage sincère et le voyeurisme est extrêmement ténue. Et si ce film ne l'évite pas toujours, on en garde en fin de compte le souvenir de deux belles âmes, s'éteignant seules à petit feu, mais heureuses de pouvoir parler en toute confiance, de se voir donner l'occasion, sans doute pour la dernière fois, de raconter les souvenirs d'une vie modeste pour la postérité.
La meilleure qualité de la réalisatrice est d'avoir été là pour les écouter. Rien que pour ça, on pardonnera beaucoup de choses.

Parlez-moi d'amour d'Alexia Bonta – documentaire – 2007
Avec Marie-Claire Hauwel et Marie Sanygin - 14'01''

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