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PBC Pictures : 10 ans et toutes ses dents

Publié le 01/05/2001 par Philippe Simon / Catégorie: Événement

Les 31 mars et 1er avril 2001, le Bunker, un ancien laboratoire cinématographique devenu salle de spectacles, fêtait les dix ans d' existence de PBC Pictures, une maison de production pas comme les autres et qui pète la santé (25 films produits dont deux longs métrages et un moyen métrage). Par sa liberté de ton et son goût pour l¹indépendance sans concessions, PBC renoue avec la grande époque de l'underground et du cinéma alternatif et vaut plus que le détour. Ainsi a-t-on pu découvrir au cours de ces deux journées les dernières productions de PBC (entre autres les deux derniers films de François Woukoache : Nous ne sommes plus morts et Fragments de vie), mais aussi deux programmes réunissant des courts métrages burlesques et underground produits par PBC depuis 1991 (par exemple Casting de Patrice Bauduinet ou Gloria in excelsis Deo de Michel Hanse) et d¹autres courts métrages de cinéastes que PBC aime bien (parmi lesquels Roland Lethem, Jean-Philippe Laroche, Robert Dehoux, Bouli Lanners et Noël Godin). Une sélection qui en dit long mais certainement pas assez sur le caractère pour le moins hors normes de cette maison de production.
Dont nos collaborateurs ont épinglé ces trois films : Fragments de vie de François Woukoache, Lili au lit de Roland Lethem et Le Zizi sous clôture inaugure la culture de Robert Dehoux.
D'où rencontre avec le réalisateur producteur Patrice Bauduinet, cheville ouvrière et surtout esprit malin de PBC Pictures.

 Patrice Bauduinet

 

Cinergie : Si on faisait un petit historique de PBC Pictures ?
Patrice Bauduinet : Au départ, nous étions dix petites nonnes, toutes issues de l'INSAS, et nous voulions faire des trucs à 24 images/seconde. Alors nous sommes allés au plus simple, nous avons créé une coopérative et réalisé un film collectif, les Aventures de Zyman  (petit chef-d'oeuvre primé dans une dizaine de festivals à travers le monde). Puis, pendant les quelques années qui suivirent, nous avons passé notre temps à titiller les petits tétons, à paresser langoureusement,... d'autres à faire du fric, coûte que coûte... avec comme résultat une production monstre d'un clip vidéo en trois ans...
Pour diverses raisons, nous sommes passés de la coopérative à une sprl avec ce résultat que de dix nous sommes passés à trois (vu qu'il fallait s'investir économiquement parlant...), mais cette fois avec un réel désir de production. Et c'est comme ça que tout a vraiment démarré, un peu par hasard, avec la production du film de François Woukoache, Asientos.

François - ami qui passait plus de temps à la cinémathèque qu'à paresser comme je le faisais dans les jupons de la frivolité, était venu me trouver, me demandant si je pouvais l'aider à produire son film évidemment, non di d'ju ! ! !, l'arrivée d'un messie, d'un grand auteur dans notre écurie de zozos. Et, de fil en aiguille, je suis devenu producteur de son film. Nous nous sommes battus comme des p'tis poyons dans la basse-cour pour que son film aboutisse et Asientos a finalement été mené à bien avec le succès que l'on sait, cinq prix dans des festivals, sortie en salle, etc. Après Asientos, j'ai continué à produire mes propres films et d'autres projets ont vu le jour...
En fait, PBC s'est fait à travers des rencontres. Ce qui prime pour moi, c'est avant tout la rencontre, le contact, le feeling qui détermine le fait de se retrouver ensemble pour faire quelque chose... Une nuit d'ivresse ou un film ! Le scénario et le film viennent après l'aventure personnelle, ce qui ne veut pas dire qu'il faut jouer au Tobozzo... Par exemple, je suis prêt à me défoncer corps et âme pour un cinéaste comme Roland Lethem. Le jour où il me dit : Patrice, j'ai besoin d'aide pour un film, je fonce et vais jusqu'au bout, parce que j'adore ce qu'il fait, qu'il me chatouille la cervelle, bien sûr, mais surtout parce que sa façon de travailler, sa simplicité me séduisent. C'est pareil pour Jean-Marie Buchet, pour François Woukoache,... On fait un film et on le fait ensemble, même si parfois le temps me manque pour suivre à 100% les films.


C. : Il s'est donc créé autour de PBC comme une famille, une tribu de cinéastes ?
P.B. : En quelque sorte. Il y a eu toutes sortes de rencontres qui se sont faites progressivement. Il y a eu celles qui ont eu lieu par hasard, par exemple un copain d'un copain qui cherchait un producteur, ainsi Michel Hanse (qui est facteur de son état) m'a téléphoné un jour, il avait un projet de film, nous nous sommes vus et j'ai eu envie de lui donner un coup de main et voilà, le film existe, il a été apprécié et a largement circulé... Il y a eu celles qui sont nées de la réputation de PBC. Avec nos premiers films, nous avons très vite eu la réputation de produire des films improduisibles. Résultat : d'autres producteurs m'ont envoyé des réalisateurs avec des projets complètement déjantés, difficiles,... et parfois le contact s'est fait et un film a été produit, je pense par exemple à Marc Geens à qui des producteurs avaient dit : "Va voir Patrice Bauduinet, il est spécialisé dans les trucs impossibles ", et on a réussi à produire son film. Enfin, il y a eu celles dont je suis l¹instigateur. Il y a des gens qui m'intéressent, que je veux connaître, c'est moi qui vais vers eux et c'est comme ça que sont nés les projets avec par exemple Jean Luc Fonck ou Marcel Piqueray ou encore le film que je suis en train de préparer avec André Blavier. Tout ça pour dire qu'en dix ans, un tri s'est opéré, une tribu comme tu dis a surgi. Il y a des gens avec qui j'ai envie de travailler, d'autres que je ne veux plus voir. Ce qui m'importe, c'est de défendre un cinéma qui se fait ensemble, pas de devoir défendre des petits intellectuels puants qui ne veulent faire du cinéma avec une reconnaissance vitrine style cocktails à 100.000 balles, etc. Cela, tu ne le trouveras pas ici.

C. : PBC Pictures ne s'occupe pas seulement de production. Vous diffusez aussi, vous avez un catalogue et un lieu de projection, le Bunker.
P.B. : Oui, car pourquoi faire des films si c'est pour les laisser dans des tiroirs ou qu'ils soient vus par une centaine de spectateurs ? Tous nos films ont une carrière dans les festivals ou sont achetés par des télévisions. Cela va de Canal + aux télévisions étrangères (Allemagne, États-Unis) en passant par exemple par Télé Bruxelles ou des télés communautaires. En dix ans, nous nous sommes faits connaître comme les spécialistes de trois genres de films : les films africains (François L.Woukoache), les films de comédie (Michel Hanse, Pascal Adant, mes films) et les films underground comme ceux de Roland Lethem ou de Jean-Marie Buchet. Par rapport à ça, les télévisions savent aujourd'hui que quand elles ont besoin d'un truc un peu bizarre en Belgique, elles peuvent nous téléphoner. C'est comme cela que nous en sommes venus à créer un catalogue de nos productions mais aussi de films et de cinéastes que l'on aime bien. Ainsi nous distribuons, entre autres, les films de Noël Godin ou de Jean-Jacques Rousseau... Aujourd'hui, nous avons environ septante films en distribution sur lesquels nous avons produit vingt-quatre. Avec Thierry Zamparutti et la revue Court toujours tu m'intéresses, nous avons le projet un peu fou de créer un centre de court métrages dont le catalogue serait comme les premiers balbutiements.

C. : Et le Bunker dans tout ça ?
P.B. : C'est un ancien laboratoire cinématographique que nous avons transformé en salle de projection 35 mm, 16 mm, vidéo, super 8, plus un espace théâtral et un lieu d'exposition. Depuis deux ans, cette salle nous appartient et nous n'avons de comptes à rendre à personne. Nous sommes totalement indépendants et libres de programmer ce que nous aimons. Si nous voulons faire une rétrospective Roland Lethem, nous la faisons et voilà. Ou comme l'autre soir où nous avions programmé deux films de Jean Jacques Rousseau. Tout cela se fait sans subvention, suivant les sympathies et les affinités, au gré des rencontres et c'est très bien comme cela.

C. : Plus ce petit quelque chose qui fait la touche spéciale de PBC. Au fait, que veut dire PBC ?
P.B. : Ça veut dire plein de truc, entre autres : Pas Beaucoup de Cash ou Prout, Boulette et Cacahouette,... Classieux, non ?

C. : Si tu devais faire un bilan de ces dix années ?
P.B. : Vingt-cinq films, cent dans dix ans... À part ça, Je hais le fric et qu'on arrête de me casser les espagnolettes avec des bilans et des chiffres... Que qui peut puisse ! Et on ne va pas s'arrêter là ! On va se répandre et envahir l'univers, et ça va chier sinon j'arrête et je vais courir tout nu dans l'île aux Mimosas...

 

Propos recueillis par Philippe Simon

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