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Phantom Boy de Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli

Publié le 19/10/2015 par Fred Arends / Catégorie: Critique

La Vie d'un héros super

Après la réussite critique et publique de Une Vie de chat (2010), le duo de réalisateurs Alain Gagnol (scénario) et Jean-Loup Felicioli (création graphique) propose une relecture inédite et intimiste du super-héros américain. Ouvert par un générique au graphisme old-school et mystérieux, leur second long-métrage d'animation s'impose par une esthétique simple et poétique, un rythme narratif prenant et des thématiques fortes.

Phantom boyLéo, un garçon de onze ans, est atteint d'une maladie grave. Il doit se rendre fréquemment à l'hôpital et y subir de lourds traitements. Un jour, il découvre sa capacité à sortir de son corps via un double invisible et intangible qu'il contrôle à distance et qui lui permet de voler et d'échapper à son quotidien morose. Alors que la ville est en proie à la menace du Gangster Défiguré, sa rencontre avec Alex, un jeune policier idéaliste, va lui ouvrir les portes d'aventures incroyables et trépidantes mais où le danger guette et où il fera équipe avec une journaliste courageuse et intrépide. 

Si le choix de New York comme décor de l'histoire surprend, on se laisse vite prendre au jeu par ces doux aplats ocres, bruns et orangés. Ce décor renvoie moins à la ville réelle que celle, fantasmée, du film noir, des cambrioleurs de coffres-forts et d'ambiances portuaires nocturnes. Même si on y croise aussi Woody Allen (si ! si !) La figure du vilain, gangster au chapeau noir à large bord et entouré de deux acolytes crétins, renvoie directement à celle du Joker, certaines atmosphères nocturnes rappelant parfois Batman, bien que nous sommes loin des ambiances criardes et artificielles qui régissent généralement les films de super-héros. Les réalisateurs privilégient un certain réalisme. Dans ce visage étonnant, on y voit plutôt une référence à certaines études de Bacon ou encore une influence de la peinture cubiste. Les cadrages jouent sur les lignes de force (contre-plongées, géométrie des bâtiments ) et rendent les scènes de poursuites particulièrement haletantes. 

Portés par les dessins crayonnés d'une grande finesse, les visages des personnages rappellent étrangement Modigliani et les contours fins et gracieux se prêtent avantageusement aux scènes d'envol du personnage de Léo. Les mouvements s'y déploient délicatement et rappellent la fragilité du garçon tant dans sa lutte contre la maladie que dans sa croisade contre le crime. Une casquette qui disparaît dans le ciel et l'émotion déborde d'un seul coup. Jamais pesante, la thématique de la maladie est justement équilibrée : esquissée en deux ou trois plans, au bord d'une fenêtre d'hôpital, la solitude imposée s'exprime durement, mais sans lourdeur. De même, lorsque Léo, invisible, se glisse dans la voiture de sa maman alors en larmes, la douleur de l'entourage éclate soudainement mais sans agressivité. Le scénario aborde avec beaucoup de subtilité et d'humour la corruption, la lâcheté, la confiance dans l'autre. Mais il s'agit aussi avant tout d'un réel film d'action où le héros devra utiliser son intelligence plutôt que ses muscles et où il devra faire preuve de courage, de solidarité mais aussi d'humilité pour éviter de se mettre en danger. Un héros mort ne sauve plus personne.

Portée par les voix d'Audrey Tautou, Jean-Pierre Marielle et Edouard Baer et une partition en parfait accord avec les images (signée Serge Besset), cette fantastique aventure devrait contenter les enfants de tous âges, y compris les plus vieux.

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