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Place Moscou de Mohamed Bouhari

Publié le 01/07/2009 par Sarah Pialeprat / Catégorie: Critique

Tu aimeras ton prochain

Parmi les documentaires présentés à l'INSAS cette année, Place Moscou a apporté un souffle de tendresse et de bonne humeur. Le jury et les quelques spectateurs présents dans la salle ont difficilement pu résister à la jovialité communicative de Kim, le personnage principal de ce film. 

Place Moscou  de  Mohamed Bouhari

Un documentaire focalisé sur une personnalité forte est un exercice périlleux qui peut vite lasser et tourner à la moquerie ou à l’idéalisation. Le film de Mohamed Bouhari, Place Moscou, évite de façon subtile ces deux travers en suivant un couple de « missionnaires » coréens, installé à Budapest. Dès la première image, le réalisateur va droit au but et montre, en contexte, la tâche que se sont assignés Kim et sa femme à savoir prêcher l’évangile avant de remplir les estomacs des plus démunis. Les réticences face à un tel sujet tombent vite lorsque Kim, le sourire aux lèvres, annonce gaiement qu’il sait bien que tout le monde se fout de Jésus-Christ et que ce qu’ils attendent patiemment devant son discours enjoué c’est « la bouffe ». 
Kim n’est pas dupe. Le ton est donné. Alors que l’on craignait avoir affaire à un intégriste fou de Dieu caricatural en diable, Kim s’avère être un ancien comédien, croyant, certes, mais tout ce qu’il y a de plus passionnant, répétant ses discours comme s’il devait interpréter Hamlet.
Mohamed Bouhari construit son film en trois temps, le sermon sur la Place Moscou, la vie quotidienne du couple et un second sermon en plein air. Peu à peu, l’image que nous avons d’eux s’affine jusqu’à se modifier totalement. Une véritable proximité s’établit entre l’équipe de tournage et les personnages filmés qui va inévitablement contaminer le spectateur. Le réalisateur n’hésite pas à filmer son preneur de son, délaissant son travail pour s’installer avec eux sur la table de la cuisine et écrire leur prénom en arabe alors qu’ils viennent de faire de même en Hangul, l’écriture coréenne. L’idéologie de l’observateur invisible n’est pas de mise ici et fait place à une rencontre intime, une expérience partagée. La parole y est généreuse, à l’image des personnages principaux, et si le film ne donne pas forcément envie de suivre le premier commandement de Jésus ("Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur de toute ton âme et de tout ton esprit), il donnera peut-être envie de suivre le deuxième (Tu aimeras ton prochain comme toi-même.)

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