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Plein Soleil de Fred Castadot

Publié le 15/12/2014 par Fred Arends / Catégorie: Critique

Pour son premier court métrage, Fred Castadot met en scène un fait divers que nous connaissons toutes et tous : en été, par une chaleur étouffante et un soleil de plomb, un père ou une mère oublie son enfant dans la voiture et celui-ci meurt déshydraté. « Scandaleux ! Terrifiant ! Parent indigne ! », seront les leçons que donneront les médias et l'opinion publique. Le réalisateur évite tout en finesse et intensité cette voie-là.  

Plein soleil photo Aurelien LabruyereEric est le papa d'un jeune nourrisson. Un matin, alors qu'il doit affronter une réunion stressante à son travail, sa femme lui demande de déposer le bébé à la crèche. Dans sa course pour ne pas arriver en retard, il oubliera le plus important. Loin d'un jugement péremptoire, Castadot propose une brillante réflexion sur la place de l'homme dans son rapport à la famille alors qu'il doit évoluer et nourrir un système économique de plus en plus anthropophage. Mais « il s'agissait aussi d'interroger ce qu'être père signifie aujourd'hui ou plutôt comment devient-on père ? », explique le cinéaste. « Pour Eric, l'apprentissage de père commence par cette expérience traumatisante ». S'il n'épargne pas l'inconscience d'Eric ou du moins son immaturité, Castadot décortique dans la première partie, l'univers sans concessions de l'entreprise. Avec une mise en scène minutieuse et un montage serré, il montre un père aux abois, engrenage surexploité d'une machine réglée (et déréglée) sur le mode profit au détriment de l'humain.

Cependant, ce récit est d'abord celui d'une initiation, celle d'un homme qui devra faire face à son irresponsabilité et à sa « honte ». Lorsque Eric découvre son imprudence, le film bascule dans une sorte de conte onirique où les enfants assument seuls une maturité d'adulte. Ce plan où le jeune blanc et blond, entouré de garçons métissés (l'enfance est mixte, le monde de l'entreprise non) et qui tient le bébé dans ses bras et oblige Eric à grandir est magnifique. « Le garçon, Igor, m'a beaucoup appris sur le personnage d'Eric. Je lui avais demandé sur le tournage ce qu'il aurait fait dans pareille circonstance – aurait-il cassé la vitre pour sauver l'enfant ? Il m'a répondu que ce sont les adultes qui auraient dû le faire ». Evidemment brillante, cette réponse dit aussi beaucoup sur nos représentations d'adultes sur ces pré-adolescents qui jouent dehors. Que Igor soit le seul blanc entouré de gosses à la peau sombre et que ce soit lui qui tienne le bébé en dit long aussi sur ce qu'aurait été notre interprétation si un gosse noir avait été à sa place. Subtilement donc le cinéaste a construit un premier court éminemment politique et particulièrement émouvant, la scène finale étant tout simplement, sublime.  

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