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Port du désir d’Edmond T. Gréville et L'Arlésienne de Marc Allégret - Belfilm

Publié le 07/01/2010 par Sarah Pialeprat / Catégorie: Sortie DVD

L’amour en noir et blanc

M6 Vidéo se lance dans l’édition DVD des classiques du cinéma français des années 40 et 50. Au programme, des films de Marcel Blistène, Marcel l’Herbier, Bernard De Latour, Jean Delannoy, Jacques Baroncelli… réalisateurs quelque peu oubliés aujourd’hui, mais qui ont fait tourner des acteurs toujours bien vivants dans les cœurs et les esprits (Jean Gabin, Raimu, Yves Montand, Serge Reggiani ou encore Louis de Funès).

Coup de projecteur sur Port du désir d’Edmond T. Gréville et L’Arlésienne de Marc Allégret.

La port du désirPort du désir d’Edmond T. Gréville

Si la Nouvelle Vague s’est acharnée à engloutir, et souvent avec raison, tout un pan d’un cinéma français rance et souvent assommant, elle a aussi, dans son grand raz-de-marée nécessaire, emporté quelques films auxquels elle ne s’attaquait pas.

Qu’en est-il d’Edmond T. Gréville, chantre du désir et des obsessions sexuelles, dadaïste et baroque en diable ? Auteur de plus de trente longs métrages entre les années 30 et 60, et quelques chefs-d’œuvre (RemousPour un nuit d’amour), Edmond T. Gréville reste méconnu du cinéma français. Malheureusement, Port du désir n’est pas à proprement parlé le film susceptible de rendre grâce au talent de ce réalisateur, car il y a Les Films, et les films biftecks, comme il les appelait lui-même. C’est une chose établie, le génie n’a jamais empêché d’avoir faim.

Port du désir, comptant peut-être trop sur la présence de son acteur principal, Jean Gabin, sort sans grand succès dans les salles parisiennes en avril 55. La même année, French Cancan de Renoir, avec le même Gabin, lui vole la vedette.

Le capitaine Le Quévic (Jean Gabin), marin breton de grande réputation, est chargé de remonter une épave échouée à quelques mètres de la côte marseillaise. Cette épave, la Vénus, censée contenir une cargaison d’oranges, renferme jalousement des cigarettes de contrebande ainsi qu’un joli cadavre blond. Le propriétaire, M. Black, et les truands du port sont prêts à tout pour que la mer garde à jamais leur secret. Bienvenue au port de Marseille, où les femmes sont soit des gourdasses vertueuses, soit des putains vénales et où l’on commande, sans rougir (mais c’est du noir et blanc) une « négresse » pour la soirée sans que cela soit le nom d’un cocktail ou autre préparation culinaire.

Mais soyons justes, si Port du désir, avec sa vision frelatée et phallocrate agace un peu, il possède aussi des qualités indéniables, à commencer par la photographie du grand Henri Alekan et la musique originale de Joseph Kosma, conjuguant adroitement chansons populaires et écriture symphonique. Quant au réalisateur, reconnaissons-lui l’audace, pour l’époque, de transporter l'action dans le quartier noir de Marseille, et de donner à un comédien noir un rôle de héros. Les nostalgiques des années 50 se réjouiront de retrouver la jolie gueule d’Henri Vidal, la perversité désinvolte de Jean-Roger Caussimon, sans oublier Gabin… qui reste Gabin, parfait dans ses rôles de grosse brute au grand cœur, parvenant à être bon sans pour cela être gentil. Comme le soulignait lui-même Edmond T. Gréville : « de toute éternité, un mauvais scénario bien joué vaudra mieux qu'un bon scénario mal joué. » On s’incline.

L'Arlésienne de Marc Allégret
L'arlesienneNouvelle issue des fameuses Lettres de mon moulin d’Alphonse Daudet qui va devenir, quelques années plus tard, une pièce de théâtre, L’Arlésienne a immédiatement séduit le cinéma qui en fait une première adaptation en 1908. Le film de Marc Allégret, tourné en 1941, en est la quatrième adaptation. C’est l’âge d’or du cinéma provençal, un véritable « Hollywood marseillais » se met en place dès les années 30. Le nom de Pagnol est resté, mais il y en eut beaucoup d’autres… Baroncelli, Duvivier, Grémillon. Des dizaines de productions voient le jour, et la défaite de 1940 incite de nombreux cinéastes, scénaristes, comédiens et techniciens à rejoindre la zone libre. Les célèbres studios de La Victorine à Nice accueillent, entre autres, le tournage de L’Arlésienne de Marc Allégret avec l’incontournable Raimu.
Le jeune et beau Frédéri (Louis Jourdan) est éperdument amoureux d’une fille d’Arles. Alors qu’il est bien décidé à l’épouser, il apprend que sa fiancée vit, depuis deux ans, une histoire d’amour charnelle et passionnelle avec un gardien de chevaux. Rongé par le désespoir, le jeune homme ne s’intéresse plus à la vie. Malgré toute la bonne volonté de sa famille, prête à tout accepter pour qu’il sourie à nouveau, le jeune homme ne parvient pas à s’arracher du cœur cet amour brûlant.
Fidèle à la nouvelle et à la pièce de Daudet, le personnage de l’Arlésienne, dont on parle sans cesse, n’apparaît jamais (elle n’a d’ailleurs pas de nom). Ce ressort dramatique habile confère au film une aura de mystère prompte à alimenter l’imaginaire. Mais sans les mimiques extravagantes du tonitruant Raimu, qui incarne ici l’oncle de Frédéri, L’Arlésienne ne serait qu’un mélodrame empesé, interprété par un jeune premier des plus grandiloquents. Heureusement donc, les scènes cocasses qui ponctuent le drame, sauvent le film de trop de lourdeur. Gargantuesque comme à son habitude, l’acteur prend toute la place et joue en contraste avec Edouard Delmont, le berger-poète offrant aussi de jolis moments. Mais L’Arlésienne, c’est aussi tout le charme de la Provence et son folklore, bien rendu ici dans les fêtes populaires, les travaux des champs et les rites quotidiens.

Bonus
Côté bonus, nous retrouvons, sur chaque disque, des notes de production, un documentaire et des bandes-annonces. Long interview de 20’ avec Florence Moncorgé-Gabin revenant sur la carrière de son père pour Port du désir, et documentaire passionnant sur l’âge d’or du cinéma provençal expliqué par les auteurs Claudette Peyrusse et Laurent Bastide pour le DVD de L’Arlésienne.

Port du désir d’Edmond T. Gréville - 95’ - 1954
Avec : Jean Gabin, Andrée Debar, Henri Vidal, Edith Georges, Leopoldo Francés, René Sarvil, Gaby Basset, Jacques Dynam, Gaston Orbal, Edmond Ardisson, Mireille Ozy...
L'Arlésienne de Marc Allégret - 92’ – 1942
Avec Raimu, Gaby Morlay, Édouard Delmont, Giselle Pascal, Louis Jourdan…

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