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Quand le cinéma du réel se conjugue à la première personne

Publié le 06/02/2009 par Dimitra Bouras / Catégorie: Dossier

Fascinée par l'entrelacement de la corde et de la chair, curieuse de comprendre la raison de l'abandon de soi à la volonté de l'autre, Eva David, diplômée en réalisation du RITS et créatrice sonore, cherche à cerner l'érotisme du bondage japonais. 

Incertaine quant à l'angle sous lequel elle veut aborder le sujet, elle suit les séminaires du SIC. Après deux mois de cours théoriques et philosophiques sur la notion de relation organique à la caméra, de réalisation à la première personne et de film triangulaire, Eva décide de se mettre en péril et se place derrière et devant la caméra.
Charles Fairbanks, quant à lui, est un anthropologue diplômé de l'université de Michigan. Il a conscience qu'en sa personne se résument toutes les contradictions de l'Amérique moderne. Fils d'une mère spiritualiste New Age qui centre sa réflexion sur l'énergie cosmique et d'un père vendeur de tracteurs aux biocarburants, il s'exile à Bruxelles pendant 9 mois pour suivre les séminaires du SIC et réaliser le portrait de ses parents, qu'il considère être des pionniers de la nouvelle Amérique. Cette Amérique capable de rassembler la spiritualité et le commerce.

Deniz Kazma, jeune graphiste turque échouée sur les rivages bruxellois après le point final d'une histoire d'amour, se sent marquée par la séparation : une famille laissée en Turquie, un ex-mari belge et un père décédé. Deniz aussi suit les séminaires du SIC et réalise son opus.

Le SIC, Sound Image Culture, séminaire théorique et pratique de neuf mois, sélectionne un maximum de dix projets par an qui allient anthropologie, cinéma et art moderne. Chaque projet est accompagné personnellement par un expert, un membre de l'équipe fondatrice ou un invité. Les séminaristes sont Reinhart Cosaert, photographe et licencié en philosophie et anthropologie sociale et culturelle, Eric Pauwels, réalisateur, An van Dienderen, chercheuse de la Koninklijke Academie voor Schone Kunsten, Gent, Laurent Van Lancker, réalisateur et anthropologue et Didier Volckaert, réalisateur. À cette équipe, se sont ajoutés Philippe Simon (documentariste) et Frédéric Fichefet (documentariste et monteur).

L'idée d'organiser ce séminaire remonte à une dizaine d'années, lorsque la Faculté d'Anthropologie de l'Université de Gand et la section réalisation de Sint Lukas de Bruxelles ont entamé un atelier commun, réunissant les étudiants des deux Facultés en leur proposant de réaliser conjointement un film anthropologique. Forts de leur expérience académique, les professeurs titulaires de cet atelier ont décidé de sortir du cadre scolaire pour accompagner des projets plus ambitieux.
Dix propositions au maximum sont sélectionnées annuellement sur base d'un dossier suivi d'une discussion. Les critères sont, avant tout, l'originalité du point de vue : partir de l'individuel pour arriver au général, faire un film à la première personne, parler de « je » mais pas de « moi », parce que le « je » se conjugue.
Pour faire partie des privilégiés du SIC, il faut convaincre les sélectionneurs de l'intérêt à faire ce film et être l’unique personne à pouvoir le réaliser. Mais avant tout, il ne s’agit pas de créer un film conceptuel, mais un film à contenu dont le sujet n'est pas un objet sans âme.

Le Sound Image Culture est un masterclass théorique suivi d'un accompagnement pratique lors du montage des rushes, mais c'est aussi, et peut-être même principalement, une philosophie du cinéma du réel. Les références sont Jean Rouch, Johan Van der Keuken, Pedro Costa ou encore Alexandre Sokourov.

La moisson 2008 sera présentée publiquement le 20 février aux Brigittines, à 20h30. Y seront projetés les films d'Eva Davis, Charles Fairbanks et Deniz Kazma. 

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