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Rémi Hatzfeld à propos de son roman : l'Imposteur

Publié le 01/11/2004 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Livre & Publication

Zoé et les pachydermes truste les prix dans différents festivals. Programmé sur ladeux/RTBF le 10 novembre, dans Tout Court l'émission de Renaud Gilles, un public plus large pourra donc en apprécier toutes les qualités. Nous avons voulu en savoir plus en nous entretenant avec Rémi Hatzfeld, son réalisateur.

 Rémi Hatzfeld

 

Cinergie : Tu es un peu un « homme-orchestre » puisque tu es scénariste, romancier (rappelons la publication récente de l'Imposteur, le roman de Rémi Hatzfeld) et cinéaste. Quelles sont tes préférences ? Le cinéma ?

Rémi Hatzfeld : A priori, c'est le cinéma. L'écriture cinématographique et littéraire sont deux choses totalement différentes. La littérature a cet avantage que l'on est seul. Ce qui signifie qu'on ne doit pas négocier avec mille personnes et qu'on est le seul responsable de ce qu'on écrit. On ne peut pas se réfugier derrière des aléas économiques. On a une plus grande liberté mais le cinéma reste ma grande passion sans quoi je n'aurais pas entrepris de faire des études dans une école de cinéma. Par contre entre l'écriture du scénario et la réalisation c'est un peu la même chose. En tant que scénariste il est extrêmement rare de rencontrer une collaboration où le texte n'est pas changé par la production ou la réalisation. Ma contribution en tant que scénariste est plutôt une co-scénarisation. Par rapport à cela on risque toujours d'être un peu frustré. Mais j'essaye d'assumer les choses. Une collaboration peut être tout aussi passionnante. Ca dépend des conditions de travail et des personnes avec qui on travaille.

 

C. : Zoé et les pachydermes a beaucoup de succès en festival. C'est un film drôle mais qui a un thème fort.

R. H. : On me reproche habituellement d'être trop gentil, de ne pas être assez impertinent, de ne pas être assez trash. Je n'étais pas conscient que Zoé et les pachydermes pourrait créer des débats comme il en crée. Je m'en suis aperçu lorsqu'on a eu des soucis, en n'ayant pas le droit de tourner dans les écoles de la ville de Bruxelles car le sujet était dérangeant. En festival il dérange les jurys mais obtient les prix du public. C'est donc un peu paradoxal.

 

C. : Est-ce que ce n'est pas un malentendu en relation avec l'actualité : l'affaire Dutroux ainsi que d'autres affaires de pédophilie ?

R. M. : Il faut être clair. Le sujet du film est celui du passage de l'innocence d'une petite fille au monde adulte. Elle découvre qu'il y a plusieurs manières de voir le monde. C'est le moment où Zoé découvre que le monde est compliqué et que chacun le voit avec ses propres lunettes, son propre regard. Au départ je n'avais pas écrit la séquence de dialogue entre Zoé et la directrice. On passait directement d'un plan de Zoé, qui se fait choper dans la cour par une surveillante, à celui de Zoé qui attend avec un garçon, qui lui a mis la main dans la culotte, dans un bureau, avec en voix off la mère qui crie que son fils n'aurait jamais fait une chose pareille et que Zoé est une petite vicieuse. Une jeune journaliste m'a dit, lors de la présentation du film dans une salle bruxelloise : « est-ce que j'ai tort de dire que vous avez voulu traiter de la pédophilie sur le ton de la comédie ? » J'ai répondu : « vous avez complètement tort. J'ai voulu traiter du passage de l'innocence d'une petite fille qui comprend que les adultes ont des visions différentes de l'enfant. » Actuellement, tout le monde est traumatisé par l'affaire Dutroux, on voit des pédophiles partout et on ne laisse plus les enfants faire quoi que ce soit. L'affaire Dutroux est horrible mais il ne résume pas l'ensemble du comportement humain.

 

C. : Qu'est-ce qui t'a donné envie de traiter le sujet de la perte de l'innocence ?

R. H. : Au départ, j'étais parti sur un thème différent : les rapports entre une fille et son père et qui devaient se passer en plusieurs périodes : l'enfance, l'adolescence et l'âge adulte. L'histoire fonctionnait sur l'idée que la petite fille est très admirative de son père pendant l'enfance alors que lui ne réussit pas ce qu'il entreprend. C'est un écrivain velléitaire qui recevait, par la poste, ses manuscrits refusés par les éditeurs et elle croyait qu'il s'agissait de livres différents et que les éditeurs écrivaient à son père pour lui soumettre les livres de la terre entière parce qu'il était un génie. Elle ne comprend pas que son père est en situation d'échec et veut l'imiter. A quinze ans elle commence à écrire malgré les avertissements de son père. Et, à vingt ans, elle réussit contrairement à son père. Elle devient une sorte d'Amélie Nothomb avec un père n'ayant jamais réussi à éditer quoique ce soit.
Puis la première partie a commencé à bien me plaire, je l'ai fait lire à trois réalisateurs avec qui j'ai envie de travailler. Comme c'était un scénario très investi, je voulais trouver un réalisateur qui ne changerait les choses qu'avec mon accord, en fonction de demandes qui me paraîtraient judicieuses. C'est compliqué de trouver un cinéaste qui soit prêt à jouer ce jeu-là. Et les réalisateurs à qui je l'ai proposé m'ont poussé à le réaliser moi-même.

 

C. : Le fait d'avoir réalisé le film en numérique, est-ce pour des raisons économiques ou par choix artistique ?

R. H. : C'est pour des raisons économiques. On était d'accord avec Ella van den Hove, qui a fait la direction photo du film, sur le fait que la priorité devait se porter sur le jeu, sur les comédiens et on était conscient qu'avec des enfants il ne fallait pas être limité par le métrage, et pourtant on a hésité longtemps à cause des prix élevés du kinescopage en 35mm. Au point qu'à quinze jours du début du tournage en S16mm, on a eu une nouvelle offre de prix pour un kinescopage abordable et on a décidé de le tourner grâce à Sony en IMX. C'était le premier film de fiction qui était tourné dans ce standard.
Ce n'est donc pas un choix esthétique. Ceci dit, je ne le regrette pas. Cela n'a pas été simple pour Ella parce qu'en quinze jours elle a du revoir sa façon d'envisager son travail et de choisir le matériel. Très régulièrement, en festival, des gens viennent me trouver pour que je leur confirme que le film n'a pas été tourné en pellicule. C'est un beau compliment.

 

C. : Tout naturellement ceci nous amène à parler du futur. As-tu d'autres projets pour le cinéma ?

R.H. : Je réalise en DV le portrait d'une paroisse, en le montant sur mon ordinateur. J'en fais une maquette pour voir si cela peut devenir un documentaire. Je suis intéressé par le constat qu'en disposant de petits moyens, on peut, maintenant, faire des films pour, peut-être, deux cents spectateurs réellement intrigués et passionnés. Au niveau de l'écriture j'ai une collaboration avec Robert Scarpa sur un scénario de téléfilm destiné à Bouli Lanners. Question réalisation, je vais, après mes tâches d'enseignement, me retrouver devant une page blanche. Est-ce que cela ira vers un roman ou un scénario? Je n'en sais rien, sauf que cela va commencer sous une forme littéraire. J'ai un sujet qui me travaille depuis quelques temps. Il faudra voir sur papier si cela tient la route.

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