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Rencontre avec Catherine Cosme, nommée aux Magritte pour Les Amoureuses

Publié le 06/02/2017 par David Hainaut / Catégorie: Entrevue

« En Belgique, on peut encore rêver en étant un peu fou » 

Au cours de cette dernière année, Catherine Cosme a fait pas mal parler d'elle comme réalisatrice, en récoltant plusieurs prix pour son premier court-métrage, Les Amoureuses, qui lui vaut aujourd'hui une nomination aux 7èmes Magritte. L'éclectisme de son profil – puisqu'elle est aussi costumière, décoratrice, directrice artistique et scénographe - rappelle qu'elle fait partie de ces nombreuses personnes discrètes, mais ô combien précieuses dans la fabrication d'un film.
Depuis une décennie, cette diplômée de la Cambre, qui mène par ailleurs une carrière au théâtre a, entre autres, fréquenté les plateaux de Benoît Mariage (Les Rayures du Zèbre), de Matthieu Donck (La Trêve), de Géraldine Doignon (De leur vivant) ou encore, de Stephan Streker (Le Monde nous appartient et Noces, qui sortira le 8 mars). Nous l'avons rencontrée, à l'aube d'une année qui s'annonce riche pour elle, avec la confection des décors de la saison 2 de La Trêve, et la réalisation de Familles, son deuxième film.

Cinergie : Tout d'abord, quel sentiment vous a procuré cette nomination aux Magritte ?
Catherine Cosme : C'est quelque chose d'assez fantastique. J'étais déjà surprise de figurer parmi les huit derniers nommés, car la production des Amoureuses n'a pas été simple. Mais le parcours de ce film m'a déjà bien comblée, grâce à de nombreuses sélections en festivals et surtout, cinq beaux prix reçus à Bruxelles, Namur et à Paris. C'est en parallèle une jolie récompense pour Hélicotronc, notre boîte, qui a aussi produit les deux autres courts-métrages nommés (À l'arraché d'Emmanuelle Nicot, et Le Plombier du tandem Xavier Seron/Méryl Fortunat-Rossi). J'avais déjà été nommée en 2014 pour les décors du film Le Monde nous appartient. Bon, je fréquente peu les soirées de gala mais cette année, je ferai quand même l'effort de venir. (sourire)

C. : Jusqu'ici, vous étiez surtout connue comme costumière ou décoratrice, plutôt dans les coulisses des tournages, donc. Quand est venue l'idée de réaliser un film ?
C.C. : En fait, j'avais écrit un traitement de long-métrage il y a cinq ans déjà, que j'ai présenté à Julie Esparbes et Anthony Rey, mes deux producteurs, qui ne me connaissaient alors que comme chef décoratrice. Ils l'avaient visiblement apprécié et m'avaient conseillé de débuter par un court-métrage, pour faire mes preuves. C'est à ce moment-là que j'ai écrit Les Amoureuses, et ils m'ont accompagnée dans cette aventure. Mais j'avoue y être allée avec un brin de folie, car j'imaginais me diriger plus vers la mise en scène théâtrale que la réalisation au cinéma. J'ai donc eu une bonne étoile, en étant entourée des bonnes personnes au bon moment. Le constat est valable aussi pour les acteurs du film, comme Cosima Bevernaege, Fantine Harduin, Aurore Fattier et Marc Zinga.

Catherine Cosme, réalisatriceC. : On a l'habitude de vous retrouver sur des projets assez ambitieux, tant au cinéma qu'au théâtre. Quelle est la clé de ce partage-là ?
C.C. : En moyenne, je me consacre en effet à un film et deux pièces par an. Cet équilibre me convient, car ces deux univers se marient bien et m'apportent beaucoup. J'ai conscience d'avoir un profil atypique, surtout dans un monde et un milieu où on tend à ranger les gens dans des cases. Je ne sais pas si cet éclectisme, qui reflète ce que je suis, est lié au fait que je sois quelqu'un d'assez peu confiant et rempli de doutes. Mais cette fragilité et ce stress me sont utiles, et m'aident à une remise en question permanente, à me dire que rien n'est jamais acquis. J'espère qu'on va donc continuer à m'appeler comme costumière, décoratrice, directrice artistique, réalisatrice ou scénographe. Car à l'heure actuelle, je suis un mélange de tout ça.

C. : Avec les cinq mois consacrés à la décoration de La Trêve et le tournage de votre second film, Familles, votre agenda de cette année 2017 semble déjà bien rempli...
C.C.: Oui. La Trêve, qui est un des plus beaux projets auxquels j'ai participé, constitue une belle et grande aventure, novatrice, où j'ai appris énormément. Là, pour cette deuxième saison, on repart vers l'inconnu. Notre challenge sera de retrouver la même énergie, le même esprit et j'espère, la même liberté. Mais je tiens à continuer, car c'est primordial pour moi d'accompagner le parcours de Matthieu Donck. Comme je le fais par exemple avec Stephan Streker qui, dans un tout autre style, m'a beaucoup appris sur Le Monde nous appartient et Noces. Quant à Familles, qui sera mon deuxième court-métrage, je l'ai écrit l'an dernier et on le tournera en fin d'année. J'ai aussi d'autres projets théâtraux, tout en poursuivant l'écriture d'un premier long-métrage.

C. : Vous êtes native du sud de la France. Vous faites donc partie de ces nombreux Français qui peuplent le microcosme du cinéma belge...
C.C. : Oui, et ce phénomène, qui perdure depuis bien longtemps, ne m'étonne pas. Ce n'est qu'un avis personnel, mais il règne en Belgique une atmosphère agréable dans nos métiers. Malgré les difficultés propres au monde artistique, on a toujours l'impression qu'ici, on peut vivre et faire des choses, rêver en étant un peu fou. C'est quelque chose qu'on retrouve moins en France. Je suis toujours heureuse d'accompagner certains projets à Paris, mais la capitale française me convient sur de plus petits moments. Ici, c'est comme une respiration : les gens ont une certaine joie de vivre, inconsciente parfois, mais cela amène souvent de belles choses.

C. : Vous avez souhaité faire cet entretien à l'école de La Cambre. Pourquoi ?
C.C. : Parce que cette école est la raison principale pour laquelle j'ai quitté mon pays, et qu'elle a été une étape capitale dans ma vie durant cinq ans. Cet enseignement m'a ouvert sur un tas de choses différentes dans la mise en scène, à bien réfléchir et à travailler à partir de textes. Puis, c'est aussi là que j'ai fait mes premières gammes comme costumière et scénographe. Et au contraire de grandes écoles françaises basées à Lyon, Paris ou Strasbourg, cet établissement bruxellois permet aux étudiants de cumuler un travail à l'extérieur. C'est d'ailleurs ce qui a été déterminant dans mon choix. Et à peine sortie en 2006, j'ai tout de suite intégré une compagnie théâtrale et travaillé sur un long-métrage. Je dois donc une belle part de mon parcours à la Cambre. Et j'espère que les élèves des générations futures continueront ici à créer et à rêver, comme à l'IAD ou à l'INSAS. C'est si important...

 

 

 

 

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