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Rencontre avec Mathieu Mortelmans sur la tournage de la série "Vermist"

Publié le 15/11/2015 par David Hainaut / Catégorie: Entrevue

"La Belgique doit imaginer autre chose que Les Experts"  

Parmi les sélectionnés du Festival international du film francophone de Namur cette année, on trouve à nouveau trace de Mathieu Mortelmans. Si le nom de ce jeune réalisateur n’évoque pas – encore - grand-chose, il fait pourtant partie des jeunes cinéastes belges à suivre. Entre un docu-fiction et son deuxième court-métrage, c’est sur le tournage de Vermist, une série flamande vendue dans 92 (!) pays que nous avons l’avons retrouvé, pour un entretien réalisé à… 100% en français.

C’est en 2013 que Mathieu Mortelmans a pour la première fois tapé dans l’œil du microcosme du cinéma belge. Dès son premier court-métrage, Chambre Double, il s’est en effet vu plusieurs fois récompensé, entre autres au Festival international fantastique de Bruxelles et au Festival de Palm Springs, lieu de référence du format court aux États-Unis.

À la tête d’une série mondialement connue

Depuis, cet Anversois - complètement bilingue - est loin de s’être reposé sur ses lauriers puisque, profitant de la richesse du paysage audiovisuel flamand, il a pu balader sa caméra d’une série de docu-fictions (De Kroongetuigen) à un soap populaire (Familie), chaque fois pour VTM. C’est ainsi qu’il s’est rapidement fait remarqué par Jan Verheyen (Dossier K., Le Verdict), l’un des principaux réalisateurs au nord du pays, qui l’a happé à la réalisation de Vermist, une série policière-phare lancée en 2007, dans la foulée d’un long-métrage éponyme. L’occasion pour Mortelmans de pouvoir continuer à se faire la main : "C’est ma première série de 52’ tournée dans des décors naturels et j’en suis heureux, car je la regarde moi-même depuis longtemps ! La série suit en fait le quotidien d’une cellule de personnes disparues, et chaque épisode peut se regarder indépendamment d’un autre. C’est Hans Herbots (De Behandeling) qui, comme show-runner et réalisateur, chapeaute en alternance trois jeunes réalisateurs : Cecilia Verheyen, Wouter Bovijn et moi, donc. Le tournage est long mais assez confortable, car on bénéficie de neuf jours par épisode." Pour une centaine de jours au total ce qui, forcément, créé certains liens dans l’équipe. "Ils se connaissent tous et il y a même des francophones. J’ai donc dû trouver mes marques, car une série, ce n’est pas comme dans un film où on construit tout, tout seul. Mais j’ai profité de deux mois de préparation pour les repérages, les décors et les castings des rôles secondaires, la série fonctionnant depuis son origine avec 4 acteurs principaux." Dont le comédien et chanteur Stan Van Samang, une immense star en Flandre qui, à lui seul, suscite une attention supplémentaire sur le programme.

Dans l’écurie Eyeworks

Vue en moyenne par 4 à 5 000 000 de téléspectateurs sur la chaîne VIER, saluée par la critique flamande et plusieurs festivals du genre, vendue dans le monde entier (entre autres: Amérique du Sud, Arabie Saoudite, Canada, France, Russie…), la série reste encore invisible pour le public belge …francophone. Son sentiment ? "Je ne sais pas (sourire). C’est d’autant plus dommage qu’elle a été doublée en français et qu’elle a largement fait ses preuves à l’international."

La société Eyeworks, qui produit Vermist, ne compte pas en rester là avec «son» réalisateur. "Nous allons effectivement démarrer The Bunker, ajoute-t-il, une nouvelle série pour VTM, et nous songeons à un long-métrage. Et peut-être une autre série par la suite. Ce qui signifie que mon planning est rempli jusqu’à la mi-2016 ! Mais Eyeworks est une boîte qui ouvre des portes : il faut savoir qu’en Flandre, un long-métrage sur trois qui sort provient de chez eux. C’est aussi une société qui a l’intelligence de mélanger des gens et des projets très différents."

Sollicité par la RTBF 

Par ailleurs sollicité pour réaliser l’une des sept séries en gestation du côté de la RTBF, Mortelmans a hélas dû poliment décliner l’alléchante offre, vu son emploi du temps chargé. "C’était impossible, mais je suis de près cette émulation qui semble enfin se passer. On peut franchement croire en ce pari francophone autour des séries, car après tout, il a été tenté avec succès en Flandre, où l’on revient de très loin aussi. Les chaînes belges doivent imaginer autre chose que Les Experts ou la dernière série américaine à la mode. Même s’il faut parfois s’armer de patience. Julie Lescaut, c’est très bien, mais il faut savoir parfois prendre des risques. D’ailleurs, le paradoxe, c’est que les séries étrangères qui cartonnent et s’exportent le plus, ce sont justement celles qui ont osé quelque chose, tant dans le fond que la forme. Et c’est tout à fait logique : le spectateur aime être provoqué !"

"Réaliser, c’est aller au-delà de ce qui existe déjà"

Mathieu Mortelmans, réalisateurEx assistant-réalisateur et directeur de production, Mortelmans qui, adolescent, épargna longtemps pour s’offrir une première caméra, fait le métier par vocation. "Disons que j’aime surtout raconter des histoires. Et ça, on peut le fait tant dans une série que dans un film, même si on a une tendance naturelle à mettre le long-métrage sur un piédestal. Disons que j’aime aussi avoir des projets où je peux faire tout moi-même et pousser le perfectionnisme jusqu’à l’extrême.Ses modèles ? "Oh, je pourrais citer Hitchcock, Kubrick, Noé ou Polanski mais ce qui me plaît, c’est avant tout la manière dont un réalisateur maîtrise une histoire et comment il utilise ficelles et outils à disposition. Le danger, c’est d’employer une recette qui fonctionne et le plus intéressant, c’est de pouvoir aller au-delà de ça. Pour le coup, dans le court, on jouit d’une liberté totale !" Son prochain court justement, Complices, il le tournera en novembre avec des comédiens francophones cette fois, à savoir Jacques-Henri Compère (À perdre la raison), Martin Nyssen (Les Géants) et Anne Coesens (Illégal). "C’est une sorte de thriller familial, qui se concentre sur le rapport père-fils après un accident de voiture", explique-t-i

Un bilinguisme louable…

Fils d’une mère bruxelloise flamande, d’un père anversois francophone et issu d’une famille de juristes, Mortelmans jouit de l’avantage d’avoir été éduqué dans les deux langues. Il est allé jusqu’à affiner son français via les études (à l’IAD) et les… amours, puisqu’il épousera bientôt la comédienne Cécile Delberghe. Un bilinguisme rare, qui constitue donc un sérieux atout. "Oui, je me rends compte de cette richesse. En Belgique, même si des ponts existent entre les deux communautés, on a des réflexes souvent protectionnistes. Je crois qu’il faut se battre pour continuer à parler plusieurs langues, briser les frontières et éviter le repli sur soi…"

…et une sélection à Namur !

Enfin, tout autre chose : l’actualité du réalisateur est marquée par une sélection de son dernier clip "Shine" – dévoilé en décembre dernier au BE Film Festival - au FIFF de Namur, rappelant une carrière parallèle dans la musique. "J’ai toujours été musicien et je chante à mes heures perdues. Après les études, j’ai voulu faire de faux clips parodiant les années 80. On peut parler de grosse blague, même si j’ai tenu à soigner "Shine"et que cette sélection me ravit, évidemment."

Comme son rôle d’acteur dans Baden Baden, le premier long de Rachel Lang, qui sortira prochainement : "Oh, juste quelques répliques, car je n’ai pas d’ambition de comédien, mais c’est intéressant d’être de l’autre côté pour se rendre compte qu’être dirigé, ça reste compliqué", termine ce jeune homme de talent, aussi lucide que sympathique…


 

Sa série Vermist (diffusé sur VIER)

http://www.vier.be/vermist

Son clip Shine (Sélectionné au FIFF 2015)

https://www.youtube.com/watch?v=Ktl6s23DUAA

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