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Robert Mitchum est mort. Un film d'Olivier Babinet et Fred Kihn

Publié le 05/10/2010 par Anne Feuillère / Catégorie: Critique

Road movie largué et rêveur

Premier long métrage présenté dans la Compétition Emile Cantillon du Festival du Film Francophone de Namur, Robert Mitchum est mort est un road movie qui embarque trois paumés, un peu pieds nickelés, à la poursuite de leurs rêves, rêves de cinéma, de gloire et d’art, mais on l’a vite compris… Robert Mitchum est mort, et, avec lui, bien des illusions.

Robert Mitchum est mortCoproduit par les Belges de Panache Production et soutenu par le Centre du Cinéma, Robert Mitchum est mort est un premier long métrage plein de cinoche et de cinéphilie amoureuse qui nous emmène loin, jusqu’au cercle polaire - c’est dire ! - avec tendresse et, souvent, lenteur appesantie. On s’y ennuie pas mal, à l’instar de son premier rôle, Franky Pastor, interprété par Pablo Nicomedes, touchant dans son corps dégingandé, à côté de la plaque. Paumé, déprimé par sa rupture amoureuse, un tantinet hypocondriaque, en tout cas insomniaque, Franky flotte dans ses vêtements trop larges et fait tourner sans cesse sur son vieux 33 tour la bande originale du film qu’il vénère, rejouant toujours le même dialogue amoureux et tragique.

A la rencontre du réalisateur fétiche qui n’a plus tourné depuis des années, le voilà embarqué à travers l’Europe, vers la Norvège, par un Olivier Gourmet très en verve dans son rôle d’impresario rock’n’roll largué, mais fièrement accroché à ses rêves made in USA, son passé de rockeur et ses bagnoles volées. Dans Robert Mitchum, chacun se rêve et tente d’incarner son personnage… avec plus ou moins d’efficacité. Si Arsène, l’impresario, y arrive à fond de caisse jusqu’à se prendre un mur - ou plutôt un désert - dans la tronche -, Franky lui, finira bien peu à peu par se défroquer tout en continuant son bonhomme de chemin.
Robert Mitchum avance lentement, et le film se traîne souvent dans un certain vide qui l’absorbe et l’éteint. Sa matière est légère et ténue. Elle ne tient pas toujours la route. Et le film s’embourbe souvent dans l’accumulation de scénettes. Il se répète, avance poussivement. Un peu paumé et rêveur lui aussi, un tantinet autarcique dans son désir de cinéma, Robert Mitchum n’en a pas moins de vrais moments de grâce, comme si soudain, dans la fiction cinématographique, le rêve de cinéma venait vraiment prendre corps et transfiguré le réel. Comme dans cette séquence où le cadre se brise sous la violence d’un dialogue, le rêve devenant réalité.

robert_mitchum_est_mortÀ l’instar aussi de la belle scène du baiser filmé en contre-plongée… La quête de cinéma, monde où les rêves se réalisent, trouve soudain, dans le réel, des personnages et un espace où prendre corps. Avec ses grands plans larges façon Far West, ses beaux moments de grâce autour, ici d’une femme en décapotable, ou là du troisième larron, musicien et conteur africain fou et doux (le très beau Bakary Sangaré), avec ses notes d’humour décalé ou absurde, ses allures de slapstick défoncé plus à l’herbe qu’aux amphets, Robert Mitchum, façon Death Man absurde, s’en tire plutôt pas mal, à la poursuite de son propre rêve de cinéma. Même s’il nous laisse un peu en rade.

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