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Rosetta et La Promesse

Publié le 01/11/2002 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Sortie DVD

 

Les Films

Qu'ajouter à ce qui a été dit sur La Promesse et Rosetta (Palme d'or au Festival International de Cannes en 1999) Ceci que ces deux films, avec le cinéma d'Abbas Kiarostami, ont imposé un style qui prolonge la réalité dans la fiction, à l'instar de ce que fit dans les années quarante Roberto Rossellini avec Rome ville ouverte (1945). Ce n'est pas rien. C'est proposer - comme le fait aussi un certain cinéma asiatique et indépendant américain - une alternative crédible à un certain cinéma postmoderne s'égarant dans la spirale du virtuel et les arcanes du vidéogramme (ce bon vieux flipper boosté et recyclé dans les années nonante) sans parler des montages stroboscopiques d'images qui sitôt vues sont oubliées.

 

Renouer avec le hors champ (montrer et cacher), répétons-le ce n'est pas rien, c'est provoquer l'imagination du spectateur, lui donner des émotions. Bref, lui laisser des souvenirs, des traces. C'est dire si la distinction opérée par André Bazin entre les cinéastes qui croient à l'image et ceux qui croient à la réalité n'a rien perdu de sa pertinence. Rosetta donc, une caméra semi subjective (lorsque le personnage n'est pas dans le champ, il est en amorce) épouse la trajectoire d'une jeune fille marginale. Dans la société consumériste, le marginal, le SDF, bien que présent est invisible, comme un fantôme, hors de l'espace social. Rosetta refuse d'être invisible, souffre de non reconnaissance, veut quitter une précarité qui l'oblige à avoir pour seul foyer une caravane dans un camping qu'elle partage avec une mère alcoolique. Elle veut trouver du travail, s'insérer dans un système social qui la rejette, être reconnue comme un être humain. Rien ne nous est épargné de ce combat, de ce stress, de cette souffrance qui capte tous les gestes de la jeune femme, son souffle, ses halètements lorsqu'elle court (elle « trace speed »,  dirait-on aujourd'hui).C'est dire si la distinction opérée par André Bazin entre les cinéastes qui croient à l'image et ceux qui croient à la réalité n'a rien perdu de sa pertinence.

 

Dans sa recherche de la survie, confronté à l'autre, Rosetta ressent celui-ci comme un rival. Son trajet personnel sera donc aussi une prise de conscience n'est pas là pour l'empêcher d'exister. Elle regarde sans voir. Les Dardenne pratiquent l'option du film ouvert. Pas de happy end. Pas de résolution finale. Le spectateur est amené à s'impliquer, à faire son choix comme dans La Promesse lorsque Igor avoue à Assita la mort d'Hamidou. Assita descend les escaliers avec son bagage. Igor la rejoindra-t-il ? Dans Rosetta, lorsque celle-ci, dans les derniers plans du film, tombe par terre avec sa bonbonne de gaz, sanglote, Riquet la relève. Elle regarde Riquet. Cut. Dans le cinéma des frères Dardenne les frontières entre fiction et documentaire s'estompent. Il y a une interrelation entre les deux. A travers des personnages opaques (Igor, Rosetta, Olivier dans Le Fils), la caméra fouille une réalité complexe à travers une fiction dont le spectateur est amené à déchiffrer le sens.

 

Bonus

Cursus et filmo des réalisateurs et des acteurs de La Promesse et de Rosetta. Galerie photos du tournage des deux films par Christine Plenus ainsi que les bandes annonce. Les entretiens de Dominique Rabourdin avec Jean-Pierre et Luc Dardenne (diffusés dans Metropolis, sur Arte) dans lesquels ils disent, entre autres propos,  : "on n'a pas filmé du romanesque, on a essayé de filmer, un personnage, son corps avec le moins de médiation possible entre elle et le spectateur." Luc : "Rosetta est en guerre. Elle attaque une forteresse...Riquet elle ne le voit pas comme une personne parce qu'elle a l'impression d'être menacée de disparition. Elle regarde Riquet mais elle ne le voit pas. Jean-Pierre : Rosetta est une aveugle qui arrive à voir".
Enfin, on revoit, non sans émotion, les images de la remise de la Palme d'Or, en 1999, au Festival de Cannes, par David Cronenberg aux frères Dardenne et le Prix d'interprétation à Emilie Dequenne.


 

Entretien avec Luc et Jean-Pierre Dardenne

 

C. : Pensez-vous que l'édition en DVD de vos films leur offre une seconde vie après leur sortie en salles ?
L. et J.-P. D. : Oui, et c'est une réalité dans de nos deux précédents films, La Promesse  et Rosetta.

 

C. : Pensez-vous atteindre, avec ce support, un public différent de celui qui fréquente les salles ?
L. et J.-P. D. : Oui, en partie. C'est surtout vrai dans certains territoires, comme les USA où le marché de la vidéo est très important. C'est sans doute en partie un public différent de celui qui fréquente les salles de cinéma, un public majoritairement jeune. Cela dit le fait de louer un DVD ou une VHS est, comme aller au cinéma, une démarche volontaire, très différente de regarder la télévision.

 

C. : Que pensez-vous du chapitres ? Y avez-vous participé ?
L. et J.-P. D. : Nous n'y avons pas participé et n'avons pas d'avis sur la question.

 

C. : Le bonus permet d'offrir au spectateur le contexte dans lequel le film s'est fait. Etes-vous pour la diffusion d'un making off, d'entretiens avec les réalisateurs ou acteurs. Ce qui permet de revenir au film après-coup ?
L. et J.-P. D. : Nous ne sommes pas favorables au making off, c'est rarement intéressant, nous n'en faisons jamais. Par contre les entretiens peuvent apporter un éclairage sur le film.

 

C. : Le bonus permet d'insérer des scènes inédites, coupées au montage. Cela vous paraît-il intéressant ?
L. et J.-P. D. : Non, si ces scènes ne sont pas dans le montage final, c'est pour une bonne raison, il faut qu'elles disparaissent.

 

C. : Les jeunes - Playstation 2 est muni d'un lecteur DVD - peuvent-ils découvrir grâce au DVD un type de films différents que ceux que leur propose l'actualité et la pression du Top 10 ?
L. et J.-P. D. : Oui, peut-être. Mais il ne faut pas être naïf. La pression commerciale est très forte.

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