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Rosie de Patrice Toye

Publié le 01/12/1998 par Théo Salina / Catégorie: Critique

Difficile de rêver, dans une banlieue industrielle quart-mondiste. Avec Rosie, Patrice Toye débouche les premières Jupilers et allume les premières Bastos d'une gamine de treize ans, maquillée et sapée en pute de HLM. Elle ne fait d'ailleurs qu'imiter sa jeune mère, dont le portrait n'est guère plus reluisant : par crainte de faire fuir les amants racolés et maris potentiels, Irène se fait passer pour la grande soeur, et lui interdit de l'appeler maman. D'accord, le prince charmant n'existe pas! Pourtant, parvient-on jamais à ravaler vraiment ses illusions?

Rosie de Patrice Toye

Alors, sur les aqueducs rouillés où elle s'évade, Rosie dévore les contes à l'eau de rose. Et entre deux passages érotiques qu'elle apprend par coeur, Rosie s'invente un amour en Santiag', un ami qui l'embrasse. James Dean et Cosette ne se laisseront jamais tomber. Mais pour jouer à papa-maman, Rosie voudrait un bébé, un vrai bébé, qu'ils baptiseraient Elvis. Alors Rosie vide le premier landeau qui traîne...

Perdue dans ce flou d'incertitudes où sa mère est sa soeur et où rien n'est moins sûr, la fillette suit son rebelle fantôme et glisse, en douceur et sur un mode mineur, vers une folie schizophrène dont on comprend sans mal les tenants.

Mais il est temps bientôt pour Rosie de tuer son looser de père, revenu squater sa chambre et pourrir la maigre vie rêvée des anges...

Combinant un réalisme social cruel et la justesse et la profondeur du regard féminin, la caméra à l'épaule de Rosie contourne le manichéisme bon marché et les murs de béton sale, pour exclure autant la prétendue innocence des enfants - à quel âge s'effiloche-t'elle ? - que la véritable méchanceté d'adultes profondément tristes et seuls.

La promesse belge des frères Dardenne semble tenue, et même dans un centre de redressement pour jeunes filles à problèmes, les fées et les tsars ne meurent jamais vraiment.


Eperon d'argent au Festival de Gand 1998.
Représente la Belgique aux sélections pour l'Oscar 1998 du meilleur film étranger.

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