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Salon de l’éducation de Charleroi

Publié le 08/12/2016 par Sylvain Gressier / Catégorie: Livre & Publication

À l’heure où les écoles troquent tableaux noirs pour écrans blancs connectés à l’information mondiale, la pénétration des supports technologiques dans l’univers éducatif, bien aidée par le lobbying pour “l’éducation numérique”, semble être chose acquise. Si la raison économique a tôt fait d’imposer son bon sens quant à l’évolution des outils d’éducation, la réflexion et le regard critique quant aux nouveaux médias et leurs supports peinent davantage à se faire une place dans l’enseignement.

Vivre ensemble dans un monde médiatisé, étude de Catherine Bouko et Odile GilonDu 12 au 16 octobre se déroulait à Charleroi le Salon de l’éducation, en parallèle, la quinzaine de l’éducation aux médias se terminait le 26 de ce même mois, avec des activités dans différentes villes de Belgique. Ne se refusant jamais une virée exotique, nous partîmes donc arpenter les allées grouillantes de Charleroi Expo à la rencontre des organismes et asbl d’éducation aux médias présentes sur place.
Ce fut notamment l’occasion de rencontrer Catherine Bouko et Odile Gilon, coordinatrices du récent ouvrage “ Vivre ensemble dans un monde médiatisé”. Edité au compte du CSEM (pour Conseil Supérieur d'Éducation aux Médias) le bouquin, destiné aux écoles, a été pensé et conçu en réaction au désarroi vécu par de nombreux professeurs qui, au lendemain des attaques de janvier 2015 en France, se trouvèrent bien dépourvus d’outils pédagogiques concrets pour faire face aux questions suscitées dans leurs classes.
L’objectif affiché est cependant de dépasser l'événementiel. Si les premières fiches font, de fait, écho à l’émoi médiatique qui avait frappé les bonnes gens qui découvraient que leurs têtes blondes et crépues n’étaient pas forcément “Charlie”, l’ensemble balaye la question médiatique de manière globale.
De fait, le volume de près de 400 pages est fort intelligemment conçu. Composé d’articles de vulgarisation, exercices, corrigés et documents élèves, il se divise en une série de 20 thèmes, moitié éducation aux médias, moitié philosophie, soit autant de fiches pratiques, un outil clé en main, qui se veut néanmoins personnalisable.
Ainsi, les thématiques abordées se retrouvent dans le programme de secondaire et le livre se veut être un outil pluridisciplinaire dans lequel les professeurs iront picorer les activités ou simplement des idées.
Chaque école de l’enseignement secondaire recevra un exemplaire, l’ouvrage est également disponible gratuitement en PDF sur le site du CSEM et en version papier sur demande, reste à voir ce que les professeurs feront de cet outil qui leur est offert.
Parmi les nécessaires réflexions qui traversent le livre et le monde de l’éducation, le rapport des jeunes aux réseaux sociaux prend une place exponentielle. De nouveaux outils impliquent de nouveaux dispositifs qui ouvrent à différents faisceaux de perception de l’information. Les réseaux sociaux, de par leur fonctionnement, créent des zones de confort, filtrant les informations et favorisant, croit-on savoir, la pensée de niche. Pour le corps enseignant, l’heure est donc aux tentatives de compréhension et de sécurisation de ces espaces médiatiques.
Et si l’on constate une nette évolution de la demande des écoles, il reste énormément de défiance vis à vis du médium réseau social.
Un constat clair pour l’asbl MEDIA Animation, présente sur le terrain de l’éducation aux médias depuis 1993, ainsi qu’au Palais Expo de Charleroi.
De fait, l’éducation aux médias, bien que pensée de longue date et inscrite dans le cahier des charges de l’enseignement en FWB, éprouve bien des peines à se frayer un chemin dans un environnement scolaire en longue et nécessaire phase d’adaptation au monde contemporain et son évolution technologique effrénée.
Pour ce faire, on favorise chez MEDIA Animation, à l’instar d’autres structures similaires, la pratique du média pour en saisir les tenants et aboutissant. “Il faut avoir le regard créatif sur les médias pour pouvoir comprendre comment le média fonctionne.”
Vivre ensemble dans un monde médiatisé, une étude de Catherine Bouko et Odile GilonRompant de fait avec une approche scolaire théorique, l’éducation aux médias ne semble pouvoir se faire qu’ indépendamment du fonctionnement unilatéral d’enseignement magistral.
De réseaux sociaux, il était également question chez Loupiote asbl, qui présentait au salon leurs récents travaux autour du cyber harcèlement.
Les cinéastes de l’asbl, après être allés à la rencontre des classes de primaires avec leurs films ateliers, élargissent maintenant leur champ d’action au secondaire, multipliant les activités autour de leur nouvel outil pédagogique, présenté sous forme d’un DVD intitulé Ce qui vous regarde... NO HATE et proposé librement aux enseignants.
Prônant le débat interactif et ludique, Loupiote multiplie les activités, proposant animations pour les classes, formations pour les enseignants et moult matériel pédagogique. Avec pour conviction, la nécessité de la rencontre et de la diversité des points de vue. Habités par leur constante volonté de questionner le monde au travers du cinéma, les membres de l’équipe trouvent, avec cette thématique très prégnante du cyber harcèlement, un écho particulier auprès des professeurs et élèves.
Si eux aussi notent une évolution positive dans l’ouverture des classes aux questions d’éducation à l’image, demeure l’impression que tout ou presque est encore à faire pour intégrer ces questions fondamentales. En effet, pour nombre de professionnels de l’éducation, l’éducation aux médias est davantage perçue comme une surcharge de contenus que comme un outil pouvant soutenir et enrichir leur démarche pédagogique.
Le constat, limpide, était pourtant déjà fait dans un compte rendu du cabinet ministériel en 2013 dans le cadre des travaux du pacte d’excellence : « Dans l’état actuel des choses, les activités d’éducation aux médias dans notre système scolaire sont encore généralement ponctuelles, plutôt dispersées, souvent requises comme palliatifs de situations de crise. »
De fait, si le monde de l’éducation reste dans son ensemble fort peu perméable à ces évolutions et peine à rattraper son retard, les outils et les bonnes volontés ne manquent pas.
Reste à l’institution scolaire et à ses membres d’emboiter rapidement le pas, sous peine d’être largués pour de bon.