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Simon Werner a disparu… de Fabrice Gobert

Publié le 06/04/2011 par Anne Feuillère / Catégorie: Sortie DVD

Depuis sa sélection à Cannes l’été dernier dans la section Un Certain Regard, ce premier long métrage fait parler de lui. Louanges critiques ici, joli succès public là… Sobre et modeste, et pourtant très ambitieux de par sa structure narrative, Simon Weber a disparu… emprunte la forme du polar façon puzzle pour décrire l’univers de quelques adolescents que la disparition de l’un des leurs entraîne vers leurs fantasmes, leurs rêves ou leurs hantises. Les trois petits points de suspensions, donc, ou l’espace de tous les possibles…

Trois petits points de suspensions

simon werner a disparu...Etonnant « petit » film que ce Simon Werner… Impeccablement maîtrisée, la magnifique photographie d’Agnès Godard le transforme souvent en un rêve halluciné et hypnotique. La musique de Sonic Youth, aérienne et lancinante, contribue à renforcer son atmosphère étrange, le faisant flotter à la lisière, toujours, entre rêve et réalité. Et l’histoire est magistralement bien construite sur un scénario en béton armé. Elle filme le point de vue différent de quatre personnages sur les mêmes événements, en remontant dans le temps et en s’aventurant à chaque fois dans leur territoire géographique et intime…
Avec sa structure en forme de puzzle à rebrousse temps, ces points de vue démultipliés, ses multiples allées et venues dans les couloirs, salles de classes, pelouses et autres forêts, ses mouvements de caméras toujours ou presque à hauteur de ses personnages, en travelling et steadycam, le film, tout en apesanteur, rappelle, dès l’ouverture, Elephant de Gus Van Sant… De toute évidence, Fabrice Gobert s’en est largement inspiré – même s’il n’en pipe pas mot dans le making of. Et la comparaison ne s’arrête pas à cette stylistique du flottement, mais se prolonge dans une certaine volonté d’envisager le vide. À partir de ce trou, nœud, blanc qu’est la disparition de l’un de leurs camarades, Gobert s’en va déplier la géographie intime de ses personnages. Dans ce petit microcosme, cette absence est le prétexte aux plus folles hypothèses, et chacun vient la combler de ses fantasmes. À partir d’elle, les histoires se racontent et s’inventent, des liens se nouent et se dénouent, l’imaginaire de chacun se met en marche. Le final, en pointillé, comme l’explique Agnès Godard dans le making of, emprunte enfin le point de vue de ce Simon-là, venant résoudre le mystère de sa disparition, finalement un fait divers banal. Dans cet univers où chacun se fait son film, nul n’était besoin d’un final spectaculaire, évidemment. 

Ce qui surprend donc dans ce film, c’est ce drôle de mélange entre une matière plutôt riche, une structure vraiment ingénieuse, une facture très belle qui fait mouche et ce propos finalement assez modeste, sobre, voire presque pauvre sur le sujet dont le film s’empare, l’adolescence donc, ses rôles, ses rêves, ses peurs, ses fonctionnements en meute, ses dévoilements pudiques, ses intimités secrètes. Finalement, Simon Werner a disparu… manque un peu de ce mystère-là que ces trois petits points de suspensions laissaient présager, de cet imaginaire-là que les protagonistes du film pourtant semblaient porter. Et ce, sans pour autant vraiment décevoir. Etonnant donc.
Simon Werner a disparu… de Fabrice Gobert édité par Lumière