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Sur le mont Josaphat de Jean-Marc Vervoort

Publié le 11/10/2007 par Anne Feuillère / Catégorie: Critique
Sur le mont Josaphat de Jean-Marc Vervoort

Sur le Mont Josaphat (y’a pas de pigeons)

Un joyeux foutoir

Réalisateur de nombreux documentaires, publicités, téléfilms et autres séries télévisées, auteur de deux courts métrages et scénariste de longs métrages de fiction, Jean-Marc Vervoort a autoproduit son premier long métrage de fiction pour le cinéma et a, semble-t-il, eu envie de tout faire péter. Sur le Mont Josaphat (y’a pas de pigeons) était présenté hors compétition au Festival de Namur.

 

Il faut prendre le titre de cette comédie complètement déglinguée dans son entier. D’une part, parce que ce mont en question n’est pas sans faire résonner quelques Evangiles selon qui l'on voudra, et ici, selon Alain, le personnage du film, qui nous engage sur son chemin de croix par l’intermédiaire de sa voix en off et nous plonge dans les voies impénétrables du Seigneur et de l’Univers dès les premières images du film. À lire en entier, ce titre, parce que la parenthèse est aussi absurde que le vent de folie qui agite cette comédie bordélique.

 

Une comédie métaphysique, Sur le Mont Josaphat ? Peut-être bien que oui, en fait. Tout commence par ce reportage qu’Alain fait et n’aurait pas dû faire, filmant la Reine Mathilde et ses enfants à côté d’une Reine de colonies d’insectes (pardon, on a oublié laquelle… les thermites sans doute…). Le reportage ne passe pas pour cause de lèse-majesté, Alain est foutu illico presto à la porte. Mais, au nom de sa speakerine de mère, vedette de cette même télé bien des années auparavant, le big boss lui accorde une dernière chance dans le purgatoire de ses bureaux, façon Robert de Niro dans Angel Heart revisité par Harold Ramis – oui, c’est étonnant. Alain doit, pour sauver sa carrière et sans doute sa peau, faire un reportage de la dernière chance sur la disparition tout à fait mystérieuse des pigeons dans le parc Josaphat.

 

Et nous sommes aussitôt embarqués dans un After Hours belge totalement délirant. Flanqué de ses deux acolytes, caméraman et preneur de son (merveilleux duo laconique que forment là Philippe Grand’Henry et George Siatidis), Alain part sur les chapeaux de roues et… rien, justement, à filmer dans le fameux parc. Le voilà bien obligé d’inventer son reportage. Mais de fil en aiguille, ou plutôt de plume de pigeons en Poum (nom de sa petite amie sur le point de le larguer s’il ne se téléporte pas à l’instant même au séminaire pour couple où elle les a inscrits), de rencontres improbables en crèches vivantes jusqu’au sommet d’un immeuble transformé en Arche de Noé par de doux dingues (où là, on n’est plus très loin des délires d’un Fellini), Alain, prêt à molester une vieille dame (merveilleuse Tsilla Chelton, vieille tête aussi mauvaise et tendre que celle d’un bouledogue) pour obtenir les images qu’il veut, finira par découvrir où le mène son chemin de croix. Jeune con naïf et égoïste, il va faire l’apprentissage, dans cette journée rocambolesque d’un peu de vérité humaine, remettant les choses à leur place et trouvant du même coup la sienne.

 

Disons le tout net, on n’est pas toujours convaincu par ce premier long métrage de fiction de Jean-Marc Vervoort. Entre son hystérie éreintante et ses baisses de régimes par instants, une photographie assez inégale (parfois très belle, parfois vilaine), son trop plein d’histoires et ses ruptures de tons, le film a de nombreuses limites. Mais on a bien rit. On s’est laissé emporter par son acteur principal, Oliver Ythier, brillant, et sa pléiade d’acteurs, tous aussi burlesques les uns que les autres. Et surtout, il y a ici un vent de folie, une belle anarchie, une richesse (car, on ne vous raconte pas tout mais Alain traverse de sacrés tableaux), un amour du cinéma boulimique, des personnages de doux dingues et de tendres paumés qui donnent envie de voir le prochain film de Jean-Marc Vervoort. On espère qu’il aura, entre temps, un peu plus d’argent pour faire son film et qu’il aura peut-être dompté un peu sa fougue. Quoi que...

 

Sur le Mont Josaphat (y’a pas de pigeons), un film de Jean-Marc Vervoort ; Scénario de Jean-Marc Vervoort et Emmanuel Jespers, avec la participation de Yann Legal et Laurent Brandebourger ; Avec : Olivier Ythier, Tsilla Shelton, Philippe Grand’Henry, George Siatidis, Mar Sodupé, Wilfred Benaïch, Photographie : Louis-Philippe Capelle , Montage : Nathalie Delvoye et Anne Christophe ; Produit par Frédéric Julien pour Bruxelles Midi Films avec Artémis Productions et Banana Films.

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