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Thanasse et Casimir - Belfilm

Publié le 11/10/2007 par Sarah Pialeprat / Catégorie: Sortie DVD

Cré loup-garou !

Thanasse et Casimir

« Il vous suffirait de trouver une brave fille, avec de bonnes qualités, joignant la robustesse à l’esprit d’obéissance, de l’adresse pour traire les vaches et naturellement, une dot en rapport ».
Que les féministes se rassurent (un peu), la phrase est tirée d’un film de 1946. Belfilm a encore frappé. Les DVD de sa collection Made in Belgium continue à nous surprendre en déplaçant toujours les chemins excessivement balisés de l’histoire du cinéma. 

L’asbl, pas comme les autres, édite Thanasse et Casimir réalisé par René Picolo. Un film 100% belge sur un scénario de l’incontournable « Pagnol » wallon, Arthur Masson. Un patrimoine plus que dénigré, un patrimoine oublié.
Alors que le discours dominant des critiques valorise à l’excès certains auteurs, il était temps de sortir des limites étroites des films "Panthéon" et de découvrir le versant oublié du cinéma belge d’après-guerre.
Que retient l’histoire du cinéma de ces années-là ? L’école documentaire sans aucun doute et, pour ce qui est des fictions populaires, l'ombre d'autres cinématographies, particulièrement celle de la France, plane sur notre joli petit pays. Menez  l’enquête autour de vous et l’on vous citera spontanément Pagnol, Fernandel ou Robert Dhéry.

Certes, certains mentionneront, peut-être, Gaston Schoukens, figure de proue qui sévit avec ses comédies jusqu’aux années 50. Mais ceux capables d’évoquer Bossemans et Coppenolle resteront à coup sûr cois devant Thanasse et Casimir de René Picolo, qui, il faut être honnête, ne réalisa que deux films, une fiction et un court métrage, tous deux présents sur ce DVD.
Cinéma populaire ? Certainement. L’Europe, au sortir de la guerre, voit émerger à la fois un cinéma où il est question de recherche identitaire, de dynamique nationale et un cinéma qui cherche à fuir la réalité. René Picolo et le producteur Marcel Groulus ont donc l’idée d’adapter l’ultra célèbre roman de l’écrivain régionaliste, Arthur Masson, considérant que le public avait besoin de divertissement.
Cinéma régional ? Certes. Oubliez ici les « peuchère » et autres «Bonne-Mère » et laissez-vous tenter par un “Cré loup-garou !”. On n’a pas l’accent marseillais dans le village ardennais de Cabussart. Ça « chante » différent, c’est certain, mais c’est presque tout aussi délicieux. Pour le reste, les valeurs de l’amitié, de l’amour, de la famille et des traditions ont la part belle et on y rit plus souvent qu’on n’y pleure. Comme dans la plupart des comédies, les problèmes amoureux sont au coeur du récit mais on ne se demande pas bien longtemps si la petite Lisa va réussir à épouser son électricien alors que son père, Thanasse, a choisi pour elle le riche du village, aussi drôle qu’une porte de grange et "bièsse" comme pas deux. Pour pimenter un peu le tout, des intrigues secondaires, une fête foraine, une bagarre, un procès, une épouse qui « fait  tout le temps ennuyer son mari », une femme à moustache et un ancien poilu qui a tourné le dos à la guerre et à l’amour. Bref, il s’en passe à Cabussart !
Le film, par son côté picaresque, rappelle évidemment la plus connue des séries comiques d’après guerre, Don Camillo. La voix off annonçant les protagonistes et le village est un cliché charmant qui nous fait entrer de plain-pied dans l’œuvre littéraire. Les acteurs, tous issus du théâtre, surjouent pour la plupart, et la mise en scène confiée aux mains inexpertes de René Picolo est souvent maladroite. À l’instar du théâtre filmé, l’attention se porte sur les dialogues et les traits d’humour de l’auteur ne sont pas toujours à la hauteur (- « Une "muffée" ? Que peut bien signifier ce substantif ? - Faut l’eskuser M’sieur l'juge, c’est pas un substantif, c’est un ancien poilu, i sait pas bien causer l’français ! »). Même si l’humour semble parfois un peu daté, le film conserve le charme désuet voire infantile des productions d’antan.

Bonus
À propos d’une coupe
– René Picolo – 1945
Ce court métrage documentaire revient sur l’histoire de l’aéronautique. Dans un salon cossu, Monsieur raconte à Mademoiselle (qui est inculte bien sûr !), l’histoire de l’aéronautique en feuilletant un vieil ouvrage sur le sujet. Mademoiselle pose des questions idiotes et Monsieur tourne les pages accompagnant son geste de doctes explications. Cette petite séance se poursuit avec la projection d’un film intitulé La course Benett qui montre Ernest De Muyter et son ballon « Belgica ». Monsieur, intarissable, continue son exposé et, le film terminé, reprend son ouvrage pour terminer de commenter cette fabuleuse épopée…Instructif pour le moins, mais on préfère quand même Thanasse et Casimir !

À noter
Tous les films de la collection Made in Belgium sont accompagnés d’une fiche très complète rédigée par l’historien de cinéma Paul Geens qui permet d’en savoir plus sur le contexte historique et les artistes en présence. Un trésor d’informations.

Belfilm (http://www.belfilm.be/)







 

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