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Tomm Moore à propos de Brendan et le secret de Kells

Publié le 06/02/2009 par Cineuropa / Catégorie: Entrevue

L’art et la culture nous protègent dans les temps difficiles.

Rencontre à Paris avec le jeune réalisateur irlandais de Brendan et le secret de Kells qui a également initié le projet à travers la société de production Cartoon Saloon qu’il co-dirige.

Tomm Moore à propos de Brendan et le secret de Kells

C. : D’où vous est venue l’idée de Brendan et le secret de Kells ?
Tomm Moore : Cela remonte à 1999, à l’époque de l’université. Avec un ami, nous avons eu l’idée d’adapter en animation l’art celtique et médiéval irlandais. Nous nous sommes tournés immédiatement vers Le Livre de Kells. Nous voulions voir jusqu’à quel point nous pouvions en faire quelque chose d’unique, dans un style complètement différent des autres films d’animation internationaux.En 2001, nous avons présenté un pilote à l’occasion de Cartoon Movies et il a plu à Didier Brunner de la société française Les Armateurs. Nous avons travaillé le scénario jusqu’en 2003 pour rendre l’histoire plus universelle et viser plus particulièrement le jeune public Le personnage de Brendan a été mis davantage en avant et nous avons introduit plus d’éléments magiques tirés de légendes irlandaises comme celles de la fée Aisling et du Crom Cruach. Mais nous avons toujours voulu garder un certain équilibre, ce qui n’était pas facile, avec des thématiques plus adultes.

 

C. : La survie de l’art contre la barbarie est au cœur du récit ?
T. M. : C’est malheureux, mais les gens ne protègent pas les trésors de leur culture qui est en train de dépérir. L’idée que l’art et la culture nous protègent dans les temps difficiles est très importante pour moi. Et le fait que le récit traite d’actes créatifs dans des circonstances difficiles permettait de faire facilement un parallèle avec celui d’essayer de faire ce film. Les histoires des personnages et l’enthousiasme de se lancer dans quelque chose de nouveau en adaptant l’art médiéval m’ont permis de rester concentré pendant toutes ces années où j’essayais de faire entrer le projet en production.

 

C. : Quels ont été vos principes directeurs sur le plan du graphisme ?
T. M. : 
Une fois le scénario fixé, nous avons fait un story-board qui a ensuite beaucoup changé avec le développement visuel. Notre idée de base était d’utiliser toutes les possibilités de l’art médiéval avec une sorte de perspective qu’on pourrait qualifier de 2D et demi. Nous avons aussi essayé de restituer, aussi fidèlement que possible, les couleurs du Livre de Kells. Fondamentalement, tout est très à-plat et c’est seulement quand le danger est présent que cela devient rouge, noir et blanc, dans un style très expressionniste, avec par exemple de grandes ombres. Cela crée un très fort contraste avec l’aspect art médiéval et cela renforce l’idée de situations si dangereuses que personne ne peut plus voir les couleurs.

 

C. : Vous auriez fait évoluer le graphisme en cours de route pour l’éloigner du style Disney ?
T. M. : C’est vrai. Au départ, nous avions un intérêt tout particulier pour l’arrière-plan et nous avons travaillé dans cette direction sous l’influence de la peinture. Les animateurs et moi-même avions commencé à traiter les personnages de manière plus traditionnelle. Mais les producteurs nous ont poussé à aller aussi loin que nous pouvions également avec les personnages. Et c’est ce que nous avons fait, totalement en 2D et en approfondissant au maximum l’aspect art médiéval. C’était un véritable défi de représenter les personnages d’une manière très stylisée car en animation ils ne jouent pas et reposent uniquement sur l’émotionnel.

 

C. : Quelle est votre opinion sur le débat 2D ou 3D ?
T. M. : Quand j’étais juste un animateur, j’avais l’impression que la 2D était en train de disparaître. Mais d’un point de vue de réalisateur et de producteur, je me suis rendu compte que la 2D convenait parfaitement à ce projet.

L’animation 2D n’est pas morte, elle se rapproche de la technique en stop-motion (animation image par image en volume) et de la craft animation, et davantage de films intéressants peuvent être faits en 2D. C’est une décision à prendre, un véritable choix, mais l’animation 2D offre plus de possibilités qu’auparavant.

 

C. : Quelles sont vos influences dans le domaine de l’animation européenne ?
T. M. : Nous avons puisé notre inspiration dans des films comme Les Triplettes de Belleville ou Kirikou qui ont été fabriqués en Europe et qui ont prouvé qu’on pouvait faire des choses différentes par rapport au système des Studios. Michel Ocelot nous a donné quelques conseils : nous devions faire le maximum avec un budget assez réduit, et nous avons finalement réalisé un très beau travail.

 

Fabien Lemercier

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