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Être de Fara Sene

Publié le 05/06/2015 par Fred Arends / Catégorie: Critique

La Ronde des sentiments

Après avoir signé 4 courts-métrages, Fara Sene propose un film choral pour son premier long. Une dizaine de personnages vont, petit à petit, se croiser et révéler les relations qui les lient. En quête d'identité, d'avenir et de vérité, elles et ils vont tenter de guérir des blessures et des ruptures douloureuses.  

 

 

Être de Fara Sene

 

D'emblée, nous sommes happés par une poursuite entre un policier, Bruno Solo étonnant en père perdu et flic aigri, et un fuyard. Le face à face fait place à un coup de feu. Le réalisateur retournant alors 18 heures en arrière pour élaborer un montage arachnéen où les vies se frôlent ou s'étreignent. Malgré la multitude des personnages, le montage et la qualité de jeu de la majorité des comédien-ne-s les font exister avec justesse. Cela est également rendu possible par la douceur du regard de Fara Sene qui jamais ne juge, réussissant à capter ce qu'il peut y avoir de plus tendre dans une vérité amère, tel ce magnifique plan sur la jambe d'Esther ou encore le long regard échangé entre une femme sans-abri et un jeune garçon. Ni bruit ni fureur ne viennent exploser cette morosité qui colle parfois à ces personnages et qui aurait pu être un piège dans lequel le réalisateur ne tombe pas.

Certaines pistes scénaristiques fonctionnent cependant moins, comme celle pourtant hautement centrale, puisqu'elle permet le démarrage de l'enchevêtrement narratif, mettant en scène le personnage de Bruno Solo. En tentant de tirer l'histoire vers le film noir mais en n'y allant pas vraiment, Fara Sene nous perd parfois en cours de route.

L'épilogue, malgré quelques longueurs, est également d'une certaine lucidité, sans cynisme, sur les possibilités parfois tragiques que la vie impose : que la guérison de l'un-e (Cathy qui pour la première fois sourit, Sabrina qui retrouve sa mère) se fait parfois à travers les blessures de l'autre (le policier malheureux).

Reste le cadeau du prénom à la vieille femme sans-abri qui pourra sembler problématique. Alors que chacun des personnages nous est présenté avec son prénom inscrit à l'écran, la première apparition de cette femme, mine éreintée, cheveux gras, ne reçoit qu'un « S..... », lui déniant ainsi le statut de personne, en fin de film, son prénom complet lui est offert, après qu'elle se soit lavée, débarrassée de son passé, et revêtue de blanc, aller vers son destin. Si on perçoit les intentions du réalisateur de donner ce prénom comme signe d'un retour à une vie digne, on peut néanmoins souligner l’ambiguïté du message, concernant surtout un personnage aussi tabou que le ou la sans-abri.

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