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Vampires de Vincent Lannoo

Publié le 09/04/2010 par Marceau Verhaeghe / Catégorie: Critique

Honeymoon killers
Attention ! 18 ans après, la joyeuse équipe de reporters branquignols de C'est arrivé près de chez vous est de retour sur nos écrans. Cette fois, avec Vincent Lannoo aux commandes, ils enquêtent dans le milieu des vampires bruxellois. Car vous l'ignorez peut-être, mais les vampires sont parmi nous. La Belgique, avec sa légendaire désorganisation, sa tolérance relâchée, et ses petits arrangements entre amis, est même devenue une de leurs terres de prédilection. Ils vivent paisiblement en famille, dans votre quartier, dans des maisons ordinaires. C'est peut-être ces voisins que vous ne voyez jamais, mais dont les lumières brillent aux fenêtres à la nuit tombée. Ce sont des gens comme tout le monde, avec les ennuis de tout un chacun : des voisins encombrants, des enfants qui font leur crise d'adolescence, les problèmes pour dénicher de la nourriture fraîche, pour évacuer leurs déchets, ou pour se trouver du mobilier adapté (allez trouver un cercueil rose pour la jeune fille de la famille…). Les courageux vidéastes de terrain vont suivre, pendant quelques jours, le quotidien de ces concitoyens sommes toutes très urbains. Des gens charmants qu'on vous dit. Un peu frustes parfois, avec des manières bizarres, mais qui ont tendance à beaucoup vous aimer… et de préférence, pas à la sauce à l'ail. Un peu pompants, certes, mais qui ne manquent pas de mordant.

Extrait de Vampires de Vincent LannooOn l'a déjà constaté, Vincent Lanoo aime le film de genre. Il s'en délecte et ici, il se lâche franchement. Avec Vampires, il signe une savoureuse parodie à la façon des Belvaux, Bonzel et Poelvoorde de 1992.
Il se joue des clichés du film de vampires avec une savoureuse délectation. Et il fait constamment référence à C'est arrivé…, ses scènes cultes, son humour potache, son regard décalé faussement pervers, mais vraiment subversif.Au prix parfois d'un mauvais goût avec lequel il flirte d'une façon pas très politiquement correcte, ("l’écrémage" des sans-papiers pour satisfaire leurs appétits avec la complicité de "gens" dont on soupçonne l'origine "institutionnelle"…).  S'il reste dans la même veine iconoclaste que son illustre modèle, Vampires n'en a donc pas la rigueur. Mais, après tout, quitte à se lancer dans la parodie, pourquoi faire les choses à moitié ? Ce serait un comble, quand même, de rendre hommage à C'est arrivé… sur le mode de l'autocensure !
Le faux documentaire, Vincent Lannoo connaît. Il a brillamment pratiqué l'exercice dès ses premiers essais de court métrage (J'adore le cinéma) et avec son premier long, Strass (le seul film belge francophone labellisé 'Dogma' par Lars Von Trier). En terrain connu, il poursuit avec allégresse son principal objectif : distraire. On sent bien d'ailleurs qu'il n'a pas, sur les épaules, la pression qu'on pouvait presque toucher du doigt dans Ordinary Man, son précédent long métrage. Davantage en liberté, il retrouve sa meilleure veine, celle de Strass. Et puis, Vincent Lannoo a toujours aimé regarder vivre les monstres de l'intérieur, pour voir comment ils fonctionnent et mettre en exergue leur paradoxale humanité. Du film, ressort une vision assez désabusée, cynique du corps social. Un grand corps malade, dont les vampires sont un peu comme la pustule sur le visage, l'expression du mal être.
Le budget est bien un peu étriqué, mais pour des gens comme Lannoo, la liberté n'a pas de prix. Il se tourne vers une équipe technique qu'il connaît bien, et des comédiens qui sont presque de la famille. Dans le rôle des parents vampires, Carlo Ferrante et Vera Van Dooren, déjà vedettes d'Ordinary Man, s'en donnent à cœur joie, impériaux dans le coup de canines. Pierre Lognay, Fleur Lise Heuet, Paul Ahmarani, Alexandra Kamp, Julien Doré complètent le tableau.
Tourné avec le soutien financier de Belgacom, le film est plutôt formaté pour le petit écran. Il est d'ailleurs destiné davantage à la diffusion en VOD (dans le circuit de son illustre sponsor) et à une sortie en DVD qu'aux visions en salles. Une expérience inédite en direction des nouveaux circuits de diffusion dont ses auteurs attendent sans doute avec curiosité le résultat.
Original et déroutant, proposant une vision décalée du mythe du vampire et un portrait au vitriol de notre belle société postmoderne, Vampires a tout pour atteindre son but : vous interpeller et vous distraire. À condition de digérer la mode du faux reportage et celle de la caméra subjective, pour certains décidément trop tendance. À vous de choisir.

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