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Vendredi... ou un autre jour de Yvan Lemoine

Publié le 01/12/2005 par Anne Feuillère / Catégorie: Critique

Vendredi... ou un autre jour de Yvan Lemoine

 

Sélectionné cet été en dernière minute au Festival de Locarno, Vendredi ou un autre jour d'Yvan Le Moine était projeté en compétition officielle au FIFF. Adapté du roman du français Michel Tournier, son premier long métrage, Le Nain rouge présenté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en 1998, s'intitulait Sceptique, première partie ou : La Colère. De nouveau, cette adaptation du roman de Tournier, Vendredi ou les limbes du Pacifique, porte un "sur-titre" : Sceptique, deuxième partie ou : L'Orgueil. Ce rôle d'un acteur de théâtre échoué sur la grève et confronté à une solitude extrême a valu à Philippe Nahon le Prix du meilleur acteur décerné par la critique italienne à Locarno.

 

L'absence de profondeur de champ et la netteté de l'image donnent de la vie de ce Robinson une description minutieuse, en aplat. Ses souvenirs, orangés et brûlants, contrastent avec le dépouillement de l'île et ses couleurs boueuses. Entre cette vie de langage et de spectacle et la vérité de sa nouvelle condition, l'homme doit s'inventer pour survivre. Et la seule manière de ne pas totalement perdre la raison est de reconstruire, sur cette île, un ordre calqué sur cette ancienne vie. Mais le langage déserte peu à peu la pensée. Et la voix en son off de cet acteur qui raconte son isolement, voix venue de son journal, devient de plus en plus inquiétante, traduit sa folie montante, son enfermement et sa difficulté à lutter contre la désolation.

 

Vendredi sauvé d'une mort certaine n'est pas tout de suite l'objet d'une rencontre. Au contraire, il offre plutôt un vague répit à cette sourde folie, devenant la proie des "caprices d'un dément", comme le souligne la voix off. Le soliloque que se joue pour survivre ce Monsieur de Nohan se transforme désormais en comédie où il tient lieu de maître à ce sauvage-esclave. Mais Yvan Le Moine fait de ce un jeune garçon gracile, un indomptable effronté. Il faudra donc que les deux hommes s'affrontent longtemps pour que le premier finisse par abandonner l'ordre qu'il avait mis en place, et que Vendredi devienne enfin un compagnon. "Et c'est donc le "sauvage" qui devient l'initiateur de l'homme cultivé alors que celui-ci prétendait le domestiquer, l'éduquer et le convertir. Peut être un peu de l'histoire du monde qui s'écrit aujourd'hui…" explique le réalisateur. C'est que les airs poudrés de cette civilisation lointaine, sa rapacité et ses enthousiasmes de bordel décadent ont des couleurs d'empire romain à l'heure de sa chute et ce Vendredi très shakespearien des airs crépusculaires. 

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