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Y'a pas honte de Jacques Borzykowski

Publié le 01/04/1998 par Dimitra Bouras / Catégorie: Critique

Après la sortie des Chemins de l'autonomie en 1992, vidéo de 25', suivie de Au fil des relations, 1994, 45' et de Corps, accords, désaccords, 1996, 40', le Centre Vidéo de Bruxelles asbl, le Fraje asbl (centre de Formation et de Recherche dans les milieux d'Accueil du Jeune Enfant), Question Santé asbl et Respect asbl viennent de sortir leur quatrième production Y'a pas honte, une vidéo de 70'.

Y'a pas honte de Jacques Borzykowski

La première réalisation, les Chemins de l'autonomie, montre des futurs parents, pour la plupart, qui témoignent des changements que provoque au sein de leur couple la venue d'un enfant.
Quant au deuxième film, Au fil des relations, elle est consacrée aux adolescents et à leurs relations avec leurs parents et le monde des adultes en général.
Corps, accords, désaccords plonge le spectateur dans le monde du conflit de l'enfant, d'environ dix-huit mois, avec ses parents, la préparation à l'adolescence en quelque sorte.


Y'a pas honte ... (d'être amoureux), comme dit si joliment une petite jeune fille, livre le secret de la sexualité des enfants. Sujet mettant mal à l'aise de nombreux parents face à leur enfant qui, c'est évident, grandit, à tel point qu'il agit comme un vrai petit homme ou une vraie petite femme, recherchant le plaisir sensuel et sexuel, vivant déjà des émotions amoureuses.
Ce qui frappe en voyant les films de Jacques Borzykowski, réalisateur au C.V.B., et Monique Meyfroet, psychologue du Fraje et fondatrice de l'asbl Respect, c'est la sincèrité des témoignages des parents et des enfants rencontrés. Les quatres réalisations actuellement coproduites ont débuté il y a six ans. Cette longue pratique donne à leur dernière production ce ton confidentiel d'une séance de psychothérapie filmée encore plus présent que dans les premières vidéos. Le ton juste quant il s'agit de parler de la sexualité de l'enfant. L'intérêt de ces productions est l'absence de voyeurisme, bien que le spectateur soit convié à partager le quotidien des personnes interviewées, leur vécu et leurs sentiments de parents soucieux de l'éducation de leurs enfants.
Cette vidéo, comme les précédentes, ne se veut pas un témoignage didactique prescrivant ce qu'il faut faire, dire ou pas, mais une ouverture pour susciter une réflexion sur les besoins des enfants et le rôle structurant que parents et éducateurs doivent jouer auprès d'eux.
Nous avons rencontré le réalisateur, Jacques Borzykowski, à l'occasion de la sortie de cette quatrième coproduction avec Monique Meyfroet. Il nous a confié sa façon de concevoir la réalisation de ces vidéos.

Rencontre

"Au départ, nous mettons en place, selon le scénario établi, la typologie des personnes que l'on veut enregistrer, suivant les critères propres à chaque film; l'âge des enfants et le rapport qu'ont les parents avec leurs enfants. Sur cette base, nous faisons des propositions au reste de l'équipe, c'est-à-dire Monique Meyfroet, Chantal Hoyois et moi-même. Nous choisissons aussi les personnes en fonction du style de film que l'on veut avoir, c'est-à-dire avec lesquelles un bon contact peut se faire entre la personne et la psychologue qui mène les entretiens. Ensuite nous cherchons à établir un lien de confiance dans la mesure où nous ne voulons pas que la personne interrogée donne une image d'elle qui ne lui plaise pas. Nous tenons absolument à ce que l'image donnée après le montage soit conforme à l'image que la personne veut donner d'elle-même, qu'elle ne soit pas trompée sur la marchandise. C'est un parti pris de réalisation, car les personnes enregistrées correspondent au public à qui sont adressés ces films. Il s'agit d'un public large de personnes confrontées à l'éducation d'enfants, en tant que parents ou pédadogues, que l'on veut faire entrer en relation avec les personnes du film, et qu'ils s'identifient à elles."

Confiance

"Nous expliquons dès le départ aux personnes qui témoignent le sujet du film dans ses moindres détails, car nous estimons que le degré de confiance dont elles nous investissent dépend de la compréhension qu'elles ont du rôle que le film va jouer. Si elles-mêmes sont convaincues, ayant eu un petit problème ou l'autre avec l'éducation de leurs enfants, qu'elles vont pouvoir apporter grâce à leur expérience quelque chose au public qui est confronté à une même situation qu'elles, elles auront envie de participer au film et deviendront en quelque sorte membres de l'équipe.
Sur le plan technique, je leur explique les inconvénients qu'elles vont subir. Pour le tournage d'une entrevue, elles devront bloquer deux , voire trois demi-journées, le temps d'installer le matériel, d'enregistrer, peut-être prendre des images d'illustration et puis de démonter.
L'impression d'aisance qui se dégage des films vient du fait que les personnes enregistrées ont confiance dans l'image qu'on va donner d'elles, qu'elles ont envie de participer parce qu'elles sont convaincues que ce genre de film est utile. Et puis, c'est déjà le quatrième film que nous réalisons, Monique et moi. J'ai essayé de garder la même équipe tout au long des quatre tournages pour bénéficier ainsi de l'expérience et des connivences acquises."

Souplesse

"Je suis moi-même cameraman et c'est Monique qui mène les entretiens, ce qui nous permet d'être une équipe très réduite, quatre personnes au maximum, avec Chantal Hoyois, l'assistante de réalisation et le preneur de son. La connivence que j'ai avec Monique Meyfroet me permet d'être le plus discret possible en tant que réalisateur et caméraman et d'agir presque en symbiose avec ce qui se passe sur le plateau. Grâce à notre expérience commune, je me permets plus de liberté, plus de souplesse dans mon travail. C'est ainsi que pour cette quatrième réalisation, j'ai beaucoup travaillé avec la caméra à l'épaule, ce qui pourrait paraître paradoxal pour l'enregistrement d'entrevues. Mais c'est ce qui m'a permis d'enregistrer des illustrations qui se passent en cours d'entrevue. Il y a comme un petit miracle qui se produit, au moment où les parents sont en train d'expliquer quelque chose sur le comportement de leur enfant, on le voit avoir ce comportement. Pour moi, c'est l'illustration idéale, celle que l'on ne colle pas au dialogue, que l'on ne doit pas aller chercher. Le dispositif technique doit être suffisamment discret pour permettre à ce genre de situations d'exister."

Scientifique

"Nous assumons, avec ces réalisations, un rôle didactique, mais ne voulons pas le faire à la manière de la télévision scolaire. Notre parti pris de réalisation est de toucher le spectateur par les images, par la sensibilité qui se dégage du film plus que par un discours, tout en restant, sur le plan scientifique, très rigoureux. Nous voulions éviter que des concepts de psychologie soient mal abordés ou mal compris, dans la mesure où des images pourraient être mal interprétées ou des phrases dites non commentées.
Tout au long de ces quatres réalisations, il y a eu une grande évolution dans le rapport que nous avons avec la voix off. Dans les premiers films, les commentaires donnaient des explications scientifiques. Parce que nous n'avions pas une bonne compréhension de l'entrevue avec un psychologe. Nous la filmions comme s'il s'agissait d'une journaliste, en considérant la réponse comme primordiale. Ce n'est que dans Y'a pas honte que nous avons bien résolu le problème. Nous avons décidé que Monique assumerait son propre rôle de psychologue. C'est de la formulation des questions que dépendent les réponses et les questions elles-mêmes sont porteuses d'informations importantes, avec des explications scientifiques. L'intervention de la voix off est, dans cette dernière réalisation, réduite au minimum.
Nous avons deux projets actuellement, la suite logique de ce film, aborder la sexualité des adolescents, ou les transmissions transgénérationnelles, un tout autre sujet."

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