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Zondvloed

Publié le 05/04/2007 par Marceau Verhaeghe / Catégorie: Critique

Partir comme Noé

Dans un grenier désolé, une baignoire remplie d’eau savonneuse. Dans cette baignoire, un vieillard au corps encore vigoureux (Jan Decleir) que baigne sa fille (Sofie Decleir, eh oui). Sur un ton désolé, elle explique à son papa qu’il ne pourra pas sortir aujourd’hui, à cause de la pluie qui tombe à verse. Puis, elle sort du grenier, ferme la porte à clé, et vérifie le tuyau d’arrosage qui fait couler, sans discontinuer, de l’eau sur le vasistas de la chambre du vieillard. Dehors, en réalité, il fait grand beau. Resté seul dans sa cage, le vieil homme trompe son ennui en sculptant dans le bois des animaux qu’il accumule autour de lui. Mais voilà que dans ses efforts pour voir à l’extérieur, le prisonnier brise un carreau de la fenêtre et que l’eau se met à couler dans le grenier, le remplissant peu à peu. L’homme arrache alors le plancher et se confectionne un frêle esquif sur lequel il se réfugie avec tous ses animaux. Lorsqu’il se réveille, il n’y a plus que l’eau à perte de vue dont seul émerge la tête d’un clocher. Et l’homme sur son arche de partir d’un immense éclat de rire.

 

Depuis son premier film, le remarquable Schijn van de Maan, il y a deux ans, on connaît le goût de Peter Ghesquière pour les belles histoires poétiques à forte connotation symbolique. De son propre aveu, il a voulu avec ce Déluge (traduction littérale du titre néerlandais) faire une fable sur l’imaginaire, sur le pouvoir de l’imagination. Jouer sur la puissance de cette force mentale créatrice qui permet à notre Noé de s’évader de son grenier miteux (métaphore transparente d’une vie morne et répétitive « métro-boulot-dodo » à laquelle nous sommes tous plus ou moins condamnés ?) pour partir sur l’océan de ses rêves à la découverte d’un monde inexploré. Pour bâtir son histoire où tout est trompe-l’œil, illusion et faux-semblant, le jeune réalisateur n’a pas manqué d’ambition (malgré un budget confortable, le film a été trois fois suspendu pour des raisons financières), inondant petit à petit son grenier de centaines de m3 d’eau, recréant un paysage d’après le déluge et trouvant, avec ce formidable comédien qu’est Jan Decleir, l’expression idéale de son personnage visionnaire. La manière dont le spectateur recevra le film dépendra évidemment de sa capacité à adhérer au symbolisme poétique du réalisateur. Les amateurs ne pourront guère porter à son débit que quelques longueurs et baisses de rythme sans grande importance, tandis que les accros de la vraisemblance cartésienne en ressortiront frustrés. Tant pis pour eux.

 

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