Fragile, pur et beau
Pourquoi se marier le jour de la fin du monde? marque, après plus de cinq ans, le retour à la réalisation, du réalisateur de Sirènes et d'Abracadabra. En choisissant de nous conter la destinée de trois personnages qui se rencontrent à l'heure des choix, Harry Cleven reste en terrain connu. Il aime cet instant douloureux des passages : où l'homme s'affronte à des éléments qui le dépassent, mais auxquels il doit trouver la force de résister pour imposer ses choix.
Le film s'ouvre sur un visage de madone, illuminé de lumière blanche. C'est Juliette (Elina Löwensohn, plus que belle). En tentant de fuir Guido (inquiétant Pascal…
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L'Art de la fugue
Philippe Herreweghe fait partie d'un mouvement initié par Gustav Leonhardt et Nikolaus Harnoncourt au milieu des années 50 grâce auquel la musique baroque a conquis le grand public, à la fin des années 90 (réservée jusque là aux seuls spécialistes de la musique ancienne). La bande son réalisée par Jordi Savall pour Tous les matins du monde n'y est pas pour rien.
Voir Philippe Herreweghe au travail, pendant les répétitions afin de nous montrer de l'intérieur la complexité architecturale de la polyphonie que Bach met en scène tel est le pari réussi de Sandrine Willems avec Philippe Herreweghe, et le verbe s'est fait chant.
Jamais…
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Au début des années quatre-vingt - mais il me semble que ça nous ramène au siècle dernier, l'humour tendre et naïf de Roland Magdane s'était taillé une petite place au soleil des projecteurs et dans le coeur des gosses : sur les planches comme sur les plateaux de télévision, l'épaisse moustache aimait se retrousser et frémir, avouant sans cesse un peu plus le clown triste et fragile. La surprise qui toutes les cinq ou six secondes rallumait l'oeil niais et complice de Droopy commençait à ressembler au profond reflet d'une larme. Comme mal assurée, la voix chevrotante n'en finissait pas de muer. Alors soudain, comme il y était venu, le comédien… Lire l'article
Lorsque, comme Danièle Roels, on naît, en 1950, petite-fille d'un des plus célèbres comédiens de Belgique, fille d'un chanteur lyrique, pionnier de la télévision, et d'une danseuse, et qu'on baigne toute son enfance dans ce milieu d'artistes où le rêve touche la réalité, on ne peut que s'imaginer sa vie devant les feux de la rampe. A seize ans, l'opposition catégorique de son père la fait renoncer à cette vocation, mais pas aux rêves qui, encore aujourd'hui, habillent son âme d'ors et de lumières. Cette "inaccessible étoile " qui a séduit la cinéaste Chris Vermorcken, et qu'elle évoque dans ce récit… Lire l'article
Le voyage des comédiens
Nous sommes au 34, rue de Stassart, dans la grande salle du Conservatoire. Sur la scène, le décor d'une chambre à coucher. Sur un matelas posé à même le sol, recouvert de draps blancs à carreaux bleus, deux comédiens, Philippe, un homme en pyjama noir (Eddy Letexier), et Ariane, une femme légèrement vêtue (Sandrine Blancke), se font face sous les yeux attentifs d'une salle bourrée de spectateurs. Derrière eux sont projeté les images d'un home movie tourné en Grèce. La caméra Aaton munie d'un objectif Zeiss capte la scène en un rapide travelling avant qui, au départ, englobe les spectateurs (en ombres chinoises)…
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C'était le temps de l'expo, et Bruxelles faisait son cinéma
Dans la Belgique de la fin des années cinquante, encore fortement marquée par le syndrôme " Belgique joyeuse ", Pierre Lévie fait du cinéma. Une collaboration belgo-française plus précisément, qu'il coproduit avec Helga Films (Paris) et coréalise avec Jean-Marc Landier et Michel Romanoff.
Comédie bucolique à l'humour populaire et bon enfant qui était alors la marque de fabrique du cinéma de fiction bien de chez nous, Vive le Duc! sortira au début de 1960. Pierre Lévie, c'est aujourd'hui Sofidoc, et la dynamique maison de production belge a décidé de ressortir…
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12 heures
Aux studios Monev, 59 avenue Schoeckaert, à Sint-Pieter-Leuw. Le ciel est d'un gris uniforme. L'atmosphère a quelque chose de glacé et de mélancolique. Devant moi de vastes entrepôts en béton (trois immenses plateaux) avec des parkings qui leur font face. J'emprunte une allée cimentée qui mène au studio 2. La lumière verte est allumée, j'entre donc en poussant une porte métallique qui se referme dans un claquement sec. Je suis accueilli par Françoise Vercheval qui tapote sur son portable. Bruits de clavier. Un gestionnaire de programmes avec divers symboles est affiché sur l'écran. Un Canadien hilare, un gobelet rempli de coca dans la main droite, me fait…
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La Tête froide de Patrick Hella est un conte surréaliste en noir et blanc.
Lors d'un accident de voiture dans une 2 chevaux qu'elle pilote une femme, décapite son amant et se retrouve à la tête d'une tête. Le corps morcelé, l'objet "petit a" (soyons lacanien), apanage du masculin, se trouve ici ironiquement du côté du féminin. La dame hystérique, c'est-à-dire mystique ou sublime, forcément sublime, prend soin de la tête de l'aimé qu'elle emporte chez elle et lave amoureusement. L'amant ne bronchant point, même lorsqu'elle se frotte l'entrecuisse avec son fétiche, l'objet de l'amour fou finit dans une poubelle (re-Lacan).…
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Le film d'Albert-André Lheureux est une suite d'images inspirées de Jean Genet, dont la révolte radicale contre le monde bourgeois s'exprime dans une langue qui en fait paradoxalement l'un des grands prosateurs de la langue française.
C'est ce qu'a bien compris le réalisateur qui nous offre de superbes images d'adolescents au torse nu dans un noir et blanc contrasté dû au talent d'un Michel Baudour à peine sorti de l'INSAS. Du plan d'un adolescent embrassant les hanches d'un autre à la peau blanche satinée à un plan de visages en contre-jour, sensuels et énigmatiques, on passe à un très beau panoramique filé d'adolescents se courant…
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Le métier de comédien est plein de risques, surtout dans la partie francophone du pays ; Patrice Bauduinet vient d'y ajoute un danger mortel. Une jeune femme convoquée pour un casting voit son interlocuteur disparaître.
Après un moment d'attente, elle franchit une porte et bascule dans le noir et blanc et le cauchemar. Casting devient Alice au pays des fous furieux. La malheureuse future star victime de son désir d'être regardée va voir l'envers du décor en parcourant un labyrinthe de couloirs où les scènes d'épouvante succèdent les unes aux autres (le sexe et le sang y forment un couple particulièrement assorti). On repasse à la couleur et l'on voit quatre…
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Film sans concession placé sous l'égide d'un Max Stirner (L'Unique et sa propriété) qui déjeunerait avec Georges Darien (l'Ennemi du peuple), Ernest Coeurderoy (Pour la révolution) et Joseph Dejacque (A bas les chefs !), Tu peux crever est un ciné-tract anarchiste qui utilise le détournement d'images comme un des beaux-arts : on y voit des photos de Nixon, Pompidou nu (photomontage), des photos d'actualité (Mai 68), des dessins extraits de journaux satiriques du siècle dernier, des couvertures de Fantomas, d'Hara-Kiri Hebdo et quelques dessins joyeusement pornographiques.
Plus des citations de Tristan Tzara, Max Stirner, slogans de Mai 68, le tout couronné d'un commentaire…
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Premier plan : une sorte de gribouillis sur lequel Don Helder Camara voisine avec l'Opération 11.11.11. Puis on entend une sorte de pépiement d'oiseaux ou un air de flûte andine joué par un sourd, à moins que ce ne soit le sifflet d'une bouilloire dont l'eau s'évapore, allez savoir !
On voit un homme barbu en qui on reconnaît Louis Lenglet dit Lacaille, une serviette blanche autour du cou (déjà vu dans le film de Patrick Hella déguisé en clodo), devant un plat de patates chaudes qu'il mange avec une volupté certaine. Soudain l'homme accélère, dévore avec un courage qui frise l'inconscience (ça mange !).
Avec ses mains, il fait…
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Des images se bousculent. Le spectateur est invité à traverser un espace-temps fait d'images déformées, kaleidescope aux couleurs vives et qui ressemble (est-ce un hommage ?) à la traversée de l'espace-temps de Dave Bowman, après sa rencontre avec le monolithe noir près de Jupiter dans 2001, l'Odyssée de l'espace de Stanley Kubrick.
Le film de Jean-Noël Gobron et Marc Ghens est un montage de plans rythmés sur la musique planante de Tangerine Dream. Ce paysage mental évoque la descente aux enfers d'Orphée (Benoît Boelens en images négatives noir et blanc) cherchant à sauver Eurydice (Dominique Binder en images positives couleur). Le visage de celle-ci,…
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Ce film dans lequel le burlesque le dispute à la farce aurait pu paraître en roman-photo dans Hara Kiri pour nous distraire de l'humour du professeur Choron.
Enlevée dès son âge par des Tsiganes, Bernadette découvre le réel sous la forme d'une apparition de la Sainte Vierge. Prête à tomber en pamoison, elle découvre les seins que Marie offre à son regard tel un exhibitionniste du bois de La Cambre.
Fameuse cette paire de seins, un objet "petit a", qui entraîne Soubirou à découvrir le désir des autres (sous la forme de Dracula, d'un émir arabe, d'un boucher kasher, d'un savant fou) en devenant leur esclave. En passant du moi idéal à l'idéal…
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