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Le Dernier rêve de Emmanuel Jespers

Publié le 01/04/2000 par Nicolas Longeval / Catégorie: Critique

Le Dernier rêve

La mort est un bon Objet, aurait dit Mitry, ou Deleuze, je ne sais plus, dans quelque étude sur le cinéma. Un thème pas très gai, pourtant, et un peu vieux jeu : le bonheur est peut-être semblable à l'orgasme dont Artaud disait qu'il n'était aujourd'hui plus un droit mais une oppressante obligation. Qui trouve la mort banale, y pense sans doute davantage sur l'écran noir de ses nuits blanches, qu'il ose la voir en face ou l'entendre parler.

Le Dernier rêve de Emmanuel Jespers

Prototype du gentil rondouillard, un projectionniste surmené et cardiaque flirte avec le Styx : un raccord de dernière minute, une pilule, la goutte au front, et pas vraiment le temps de manger. Sans doute Nicolas se dit-il qu'il faudrait maigrir, pour avoir ne serait ce qu'une petite chance avec Lisa, la fille qu'il aime mais à qui il ose à peine parler : trop belle pour moi. Travaillant dans le même complexe, elle semble pourtant émue par la timide douceur d'un bonhomme qu'elle croise mais qui court toujours, comme on fuit, jusqu'à l'infarctus : sorti de nulle part, un mystérieux petit garçon le prend en photo. Le flash lui renvoie la seule image qui ne l'ait jamais fait rêver et qu'il ne puisse couper comme sa pellicule : la sienne. Aux portes du " tunnel ", tandis que les électrochocs donnent la mesure de l'impuissance humaine, Nicolas se fait un dernier film. Dans le froid couloir de l'hôpital, frappée de stupeur, Lisa réalise : elle n'a pas eu le temps de le connaître, il ne lui en a pas laissé l'occasion...

Le Dernier rêve ébauche tout en pudeur, comme par timidité, le regret de n'avoir pas osé aimer. De n'avoir peut-être pas vraiment vécu, et les yeux fixés sur les grands écrans, de ne s'être laissé que peu de chances. Mais qui est cet étrange petit garçon ? Par timidité aussi, peut-être, un montage un peu compliqué divise le temps, refroidit et recolle les souvenirs, et détourne le sentimental vers une réflexion sur le cinéma, son rapport au rêve, au coma et à la mort, qui est aussi celle du réel photographié. Habile Passeur, le réalisateur Emmanuel Jespers ramène dans ses filets la majorité des prix en jeu dans cette 21ème compétition nationale du court métrage (Prix de la Communauté française, Prix SBC et Prix du Public).

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