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Cru INSAS 2014

Publié le 15/08/2014 par Sarah Pialeprat / Catégorie: Critique

Insas : les étudiants font leur cinéma

Olivier Smolders, Jaco Van Dormael, Alain Berliner, Benoît Mariage, tous ont un point commun… ils ont étudié le cinéma à l’INSAS. Qu’en est-il de la promotion 2014 ?

Après les étudiants de l’IAD à Louvain-La-Neuve, les étudiants bruxellois de l’INSAS ont présenté les travaux qui ont titillé leur esprit et leur caméra. Un monde fou s’est pressé dans le studio du Bozar malgré le beau temps, le match Belgique-Corée et surtout la Quinzaine cannoise présentée juste à côté, à la CINEMATEK. Six heures de projection pour un total de 5 fictions et 11 documentaires, un véritable marathon dont nous ne révélerons que quelques points.

 

Cru  INSAS 2014

Seize courts métrages ont donc été présentés, pour la deuxième fois, dans le confort du studio de Bozar. La première partie de la journée concernait huit documentaires (ou journaux filmés) réalisés dans le cadre du programme « Regards croisés ». Depuis plusieurs années en effet, « Regards croisés » permet à un étudiant de partir tourner à l’étranger pendant plusieurs semaines en collaboration avec une école de cinéma d’un autre pays.
Pékin, Sao Polo, Hanoï, Marrakech, Aubagne et Lodz étaient les villes auxquelles les étudiants ont dû se confronter. Pas toujours évident visiblement de se retrouver en territoire étranger, face à une autre culture, une autre langue... En 2013 déjà, on s’était étonné de constater à quel point les étudiants s’étaient sentis démunis. Cette année encore, beaucoup ont tourné autour du pot, se demandant quel film faire… sans en faire un… D’autres, et c’est le problème majeur des travaux en général, collaient maladroitement un texte sur des images sans grand rapport, au lieu de raconter avec des images, ce qui devrait être le propre du cinéma. Seuls deux documentaires traitaient un sujet, Les Enfants de la dioxine de Carline Albert, qui revenait sur les dégâts que l’agent orange versé par les Américains il y a 50 ans continue à faire, et Underground de Maxime Bultot qui suivait une jeune actrice vivant dans 4m2 dans un sous-sol de Pékin. Deux projets moyennement convaincants mais qui avaient l’avantage d’aborder la réalité d’un pays, de se nourrir du réel. Frédéric-Pierre Saget, de son côté, montrait un peu plus d’ambition avec un documentaire de 45 minutes tourné à Aubagne. Le partage de la langue (Aubagne est une commune française située dans le département des Bouches-du-Rhône) facilitait peut-être la mise en place du projet. Avec Drôle de guerre, le jeune cinéaste filme Aubagne aujourd’hui (ses projets de modernisation, ses conflits sociaux avec les fermetures d’usines, ses huit cents légionnaires), et installe en voix off la correspondance entre Olga et Mimile, deux amoureux des années 40, séparés par la guerre. Malgré quelques maladresses et des plans fixes souvent superflus, cette manière de confronter passé et présent, hyper modernité et mœurs dépassés permettaient de questionner autrement le politique et le privé et de saisir assez justement à la fois les évolutions et l’immuabilité des situations.

La deuxième partie proposait 5 fictions et 3 documentaires. Côté fictions, Meryem Benm’Barek signait avec Jennah un film social qui mettait en scène un très beau personnage d’adolescente confrontée à la légèreté d’une mère pas sortie de l’adolescence.

Plus audacieuse dans sa construction narrative, Delphine Girard, avec Monstre, tentait une approche assez originale de l’enfance et du présent. Adèle, 11 ans, caméra en main, décide de garder le souvenir de cette maison que ses parents ont décidé de quitter pour un nouveau souffle... Mais entre « garder le souvenir » et « le construire de toutes pièces », il y a une certaine différence qu’Adèle se permet de franchir. Une façon simple et efficace d’interroger les frontières fragiles entre la réalité et la fiction.

Côté documentaire enfin, Simon Gillard réussit une fois encore à nous emmener loin de la salle, de Bruxelles, de la Belgique et de nous-mêmes. Une fois encore en effet, car l’année passée, Simon Gillard s’était démarqué de l’ensemble des documentaires dans le cadre de « Regards croisés » avec son film Anima tourné à Ouagadougou. Il retourne cette année en terre africaine avec un film encore plus beau, encore plus fort, Yaar. Comme pour son film précédent, Simon Gillard filme les hommes et les femmes sans aucun commentaire, sans aucune explication et met l’accent sur la photographie et les sons. Dans un enchevêtrement de visions hallucinées, le jeune cinéaste nous conduit au cœur d’une exploitation artisanale d’or et saisit les gestes, la folie et l’angoisse. Cinéma tellurique et géologique d’une grande force d’évocation, la beauté des images et la bande-son si singulière nous plongent dans une poésie hypnotique proche de l’épopée mythologique. Un film dont on entendra vraisemblablement parler.

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