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Elena de Marie Le Floc’h et Gabriel Pinto Monteiro

Publié le 15/07/2015 par Juliette Borel / Catégorie: Critique

Fruit de leur travail à l’IAD, Marie Le Floc’h et Gabriel Pinto Monteiro voient leur court-métrage Elena entamer sûrement son circuit en festival. Il a déjà été présenté au FIFF, au BSFF, aux Enfants terribles, et tout récemment au Brussels Film Festival.

Elena de Marie Le Floc’h et Gabriel Pinto MonteiroElena est une jeune adolescente bilingue d’origine polonaise. Ses parents, eux, ne parlent pas français. Tout est donné là. Dès les premiers plans, le fossé est creusé. La gamine parle librement à ses amies. Elle n’a pas à cacher ses confessions à ses parents, ils n’y ont de toute façon pas accès. Cette mise à l’écart, cette dépossession par la langue les rend complétement dépendants de leur fille. De simple interprète lors de la procédure d’IVG de sa mère, Elena deviendra la médiatrice principale d’enjeux qui devraient pourtant lui rester étrangers, du moins lointains. Le vase clos de la famille conditionne la porosité des frontières générationnelles : le parent est infantilisé malgré lui, l’enfant contraint de grandir avant l’heure. La brèche béante permet au mensonge de se faufiler et de faire levier. Elena ment aux adultes comme on ment aux enfants, pour les protéger, pour leur « bien ». En biaisant la traduction des échanges à l’hôpital, elle ouvre, par son double discours, la possibilité du doute, celui qu’on ne s’autorisait pas.

La mise en scène est très appliquée, peut-être trop. Elle a cependant l’efficacité de la simplicité. Les mouvements de camera épaule et les changements de mises au point déploient une logique consécutive. Ces modulations de cadre et de netteté de l’image créent une évidence physique : elles soulignent l’intégration progressive des conflits intérieurs. La bascule dans la triangulation des rapports s’opère donc visuellement : le dévouement des parents au prix de leur vie sociale et de leur capacité de choix coûte à leur fille sa légèreté. Mais la fin laisse présager un nouveau retournement. L’initiative d’Elena a réinsufflé au couple sa liberté de questionnement, l’opportunité de désirer et se projeter. Délestée du poids du sacrifice de ses parents, Elena pourra réinvestir sa place. Un point de fuite est tracé au-delà du film, celui d’une potentielle et salvatrice redistribution des rôles.

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