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Xavier Diskeuve à propos de Révolution

Publié le 13/07/2006 par Katia Bayer / Catégorie: Critique

Le temps qu’une boisson pétillante orangée refroidisse, Xavier Diskeuve, trop cool dans ses tongs namuroises, papote sur fond de gazouillis de canari à propos de Révolution. Récompensé du prix de la Communauté française au festival du court de Bruxelles et du prix Cinécourts au Court en dit long (Paris), son dernier film combine effets visuels, notes burlesques et comédiens coutumiers à sa filmographie.


C’est l’histoire d’un type banal nommé Jean-Louis Ficheroulle qui mène une vie vraiment très tranquille entre son couple, ses certitudes, sa maniaquerie, ses horaires, ses tartines et son travail d’encodeur. Un beau jour, des émotions surgissent : Jean-Louis doit partager son bureau avec un collègue complètement désinvolte qui tape à l’ordinateur vachement plus vite que lui, il tombe sur une revue olé-gay-olé et sa femme lui envoie des messages codés cuisinés.



Révolution
est né grâce à des hasards. Xavier Diskeuve rencontre Jean-Christophe Soulageon, producteur des Films sauvages (France) et amateur de ses courts. Celui-ci parle d’un concours de scénarios  de Canal + France, « Révolution, dix minutes pour changer le monde ». Diskeuve envoie ses feuillets en pensant à une toute petite transformation : « on est partis de l’idée : un jour, Madame jouit ! Pourquoi et avec  quelles conséquences ?». Son scénario n’est pas retenu mais est remis, sans trop d’attentes, à la Commission de Sélection. A sa grande surprise, le film reçoit une aide à la production : « Je n’avais pas prémédité que ce serait mon troisième court, ce qui était beaucoup plus le cas du deuxième [Mon cousin Jacques] pour lequel je m’étais demandé comment évoluer par rapport au premier [La Chanson-Chanson] ».


 

A chaque fois, Xavier Diskeuve aborde le registre comique mais les histoires qu’il raconte et qu’il filme sont complètement différentes les unes des autres. Dans les deux premiers courts, les situations décalées ont lieu dans la frénésie des campagnes wallonnes alors que dans le dernier, la rigueur affichée tant professionnellement que sentimentalement prend sens dans un décor urbain très carré. Pourtant, un point commun existe : les personnages veulent à un moment donné absolument changer de vie. « Ils sont toujours un peu aveuglés sur eux-mêmes puis, ils se rendent compte que ce n’est pas exactement ça qu’il leur faut. Ils essayent de trouver la sortie du labyrinthe mais de façon un petit peu erratique. Le cousin Jacques se rend compte qu’il a peut-être droit à autre chose que la vie qu’il a, Walter essaye de devenir autre chose que speaker de supermarché et Jean-Louis découvre que ce qu’il pensait être son bonheur et son quotidien n’est pas exactement tout à fait ce qu’il lui fallait. »

Les petits hommes et la petite femme de Révolution se nomment Jean-Louis, Liliane et Eddy à savoir François Maniquet, Christelle Cornil et Nicolas Buysse dans la vie. Eh oui, les mêmes que dans les deux autres films de Diskeuve ! Ils font partie de ce que celui-ci appelle « sa famille de comédiens ». Explication ? « Dans La Chanson-Chanson, à la fin, je trouvais que le personnage de Jacques, potentiellement riche, aurait pu être plus exploité. Alors, j’ai fait Mon cousin Jacques. Et à la fin, je trouvais que le couple formé par Christelle et François était tellement comique, qu’il y avait une telle gémellité entre eux que j’ai voulu l’exploiter, en faire encore un couple. Et puis, dans Révolution, on brise le mythe construit dans l’histoire précédente.»

 

 

Diskeuve évoquait, lors d’une interview précédente accordée à Cinergie, qu’il désirait se lancer dans un film risqué et muet. Effectivement, dans son dernier opus, le dialogue est substitué au visuel. L’humour est directement proportionnel aux accessoires (Nicolas Buysse a entre autres une façon unique de déguster le petit Gervais à la fraise !), à l’antithèse des personnages et au jeu de ses comédiens. Quasiment un gag par plan en somme. « Dès le premier jet du scénario, il y avait déjà très peu de répliques. Finalement, on a décidé de sucrer les paroles et j’ai enrichi le scénario progressivement de tas d’éléments visuels qui me venaient : les mains qui sortent des portes, les tasses, le chien qui hoche de la tête, ... . Et dans le film, on a éliminé tout naturalisme parce que quand on a essayé de jouer normalement en répétition, ça ne donnait rien alors. Il a fallu s’arranger pour essayer d’avoir les scènes les plus épurées possibles. La performance des comédiens, c’est de jouer de façon très rigoureuse et en même temps de rester des gens dont on ressent bien la psychologie alors qu’il n’y en a aucune dans le film. »

 

Tout réalisateur reconnaît avoir subi l’influence de quelques autres de ses condisciples. Qu’en est-il pour le signataire de La Chanson-Chanson, Mon cousin Jacques et de Révolution ? « J’ai été piquer un peu partout : dans le nordique, dans le british. Y compris une scène que j’ai piqué dans un film sur les Talibans (Oussama) dans lequel on apprend à nettoyer les parties génitales ! Il y a aussi beaucoup de références – je m’en suis rendu compte après- à l’humour de certains films hollandais comme Les Habitants (Alex Van Warmerdam) et L’Aiguilleur (Jos Stelling). Ce que j’essayais de faire, des types l’avaient fait en Hollande! Il y a aussi les références à Tati, souvent évoquées mais chez lui, il n’y a pas de dimension sexuelle aux personnages. Mais là, j’avais envie de traiter un sujet plutôt à la Bertrand Blier. (...) Sinon, je suis assez fasciné par la tristesse qu’il y a dans les univers de bureaux. J’avais aussi envie d’aller très loin dans rien : qu’est-ce qu’une vie où il n’y a rien, une vie vide de relationnel ? Par rapport à tout ce qui avait été fait, il me semble que ce qu’on réussit à montrer, c’est la façon dont tout fait écho à tout : les gens reproduisent les choses d’un milieu à l’autre. »

 

Révolution nous semble également s’approcher de la bonne vieille comédie à l’anglaise avec malentendus et gags visuels fameux. Qu’en dit l’intéressé ? « Moi, Ca fait longtemps que je dis que le cinéma belge a plus à voir avec les films nordiques et qu’il ne doit pas imiter le cinéma français. Donc, je le mets en pratique en me disant que de toute façon, vu qu’on tourne avec des comédiens belges en Belgique et qu’on est quand même belge, on arrivera quand même à quelque chose qui est un film belge. Mais ce qu’il ne faut pas, c’est faire un cinéma belge qui veut jouer la carte du cinéma belge. Parce que là, c’est  Dikkenek, quoi ! »

 

En 6 ans, sa boîte, Benzine a produit ses courts et également ceux de Chemin, grand copain. Le long dans la tête ? Diskeuve acquiesse. Il a des petites idées sur différents thèmes : les jeunes avocats (« Graphiquement, c’est intéressant. En plus, Buysse imite très bien Me. de Clety, l’avocat de Nihoul !), les troupes de théâtres itinérantes, l’univers un peu déprimant des chanteurs pour enfants. (« Tu n’es pas vraiment considéré comme un vrai chanteur, tu dois te changer dans une classe et les gens ne comprennent pas que tu puisses avoir trop d’exigences techniques ! »).

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