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Zyklus von Kleinigkeiten de Ana Torfs

Publié le 01/05/1998 par Philippe Simon / Catégorie: Critique

Beethoven est sourd. Il compose ses derniers quatuors. Il est en train de mourir. Ses proches, des hommes pour la plupart, communiquent avec lui au jour le jour, par petites notes écrites dans des cahiers. Rien que de très banal.
Ces cahiers, Ana Torfs les a lus et relus pour en extraire ce qui va devenir la matière de son film. Car derrière la banalité de ces conversations dont nous ne connaissons qu'un interlocuteur, celui qui écrit, Ana Torfs devine des histoires qui charrient des émotions fortes, essentielles, des histoires de passion, de création, de mort.

Zyklus von Kleinigkeiten de Ana Torfs

Pour révéler cette part cachée des cahiers, elle construit son film autour de l'absence de celui qui est sourd, qui meurt et disparaît. 

Elle met en scène un dispositif cinématographique d'une rigueur sans faille mais qui n'est pas sans danger car l'insécurité est au centre d'une recherche où ce qui doit être présent, est invisible, évacué de l'image et du son.

Beethoven ne vit que dans le hors champ, les femmes sont cantonnées à l'arrière plan, la musique ne surgit qu'à la périphérie des propos quotidiens des cahiers qui eux-mêmes sont lus en voix off par ceux qui les écrivent. Enfin, à l'image, des comédiens en habits d'époque jouent en muet les conversations que supposent les voix off, dans un cadre fixe, en un superbe noir et blanc glacé et clinique qui apparaît et disparaît par fondu, au blanc pareil, à des syncopes, des pertes de conscience.
Et la mécanique chronologique s'ébranle et des récits surviennent par bribes, fragmentés, éclatés. A chacun alors de les relier entre eux, à sa manière, en fonction de son aptitude à faire jouer les différentes lectures que la structure du film propose, ce qui, malgré ses évidentes qualités, n'est pas toujours facile.

Car son extrême rigueur limite l'invention personnelle et l'on regrette un peu qu'à l'instar du Neveu de Beethoven, de sa débauche et de son suicide raté, quelques dérapages ne viennent rendre plus passionnante cette démarche aventureuse où l'imaginaire et la subjectivité ont enfin le beau rôle.

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