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A ciel ouvert de Gabriel Vanderpas

Publié le 05/11/2010 par Dimitra Bouras / Catégorie: Critique

Tel Charon, accompagnant les âmes errantes sur le fleuve Styx, passant de la rive de la vie à celle de la mort, Gabriel Vanderpas nous entrouvre un coin du passage secret duquel on ne revient jamais.

À travers sa rencontre avec un croque-mort, le jeune réalisateur, profondément philosophe, cherche à démasquer des indices de ce qui nous attend après la mort

A ciel ouvert

C'est au détour d'un séjour au Québec que le cinéaste, encore débutant, croise le chemin d'un être assez exceptionnel avec lequel il se lie d'amitié. Patrice Goulet est croque-mort et, comme il se doit, croque la vie à pleines dents. Ce jeune homme d'un charisme rayonnant possède toutes les qualités nécessaires à apaiser les personnes qui viennent de perdre un être cher. La voix chaleureuse, les gestes fermes, le regard profond, il entoure les proches et réconforte ceux qui regrettent les occasions à jamais perdues.

Subjugué par la personnalité de cet homme plus que par son métier, l'attention du réalisateur se focalise sur lui avec délicatesse et pudeur. La caméra, devenue quasi invisible, permet au protagoniste de se livrer avec fluidité et facilité. À tel point qu'elle capte des moments d'intimité entre Patrice et sa femme enceinte, les caresses sur ce ventre qui bouge, les gestes de tendresse qui les unissent, sans pour autant nous faire sentir le malaise du voyeurisme. Il n'y a qu'une longue pratique mutuelle, une amitié solide, des heures de discussions à bâtons rompus qui aient pu donner une telle connivence entre le réalisateur et son personnage ! Et le résultat est d'une grande profondeur. On a l'impression d'être devenu l'ami de Patrice Goulet et de compter parmi nos proches quelqu'un à qui on pense quand la fragilité du temps qui passe trop vite nous fait basculer dans l'appréhension.

Pour souligner le côté magique et irréel de ce face à face, Gabriel Vanderpas a choisi le noir et blanc, tout à fait d'à-propos quand on parle de funérailles.

Ce très beau documentaire, portrait d'un être qui réchauffe le cœur et apaise ceux qui craignent l'après-vie, sera précédé, lors des séances de projection à Flagey, du court métrage Auguste et Marie, bref portrait, réalisé pendant sa formation à l'INRACI, qui recèle déjà les qualités du cinéaste qui se révèlent avec plus de force dans son long métrage À ciel ouvert.

Auguste et Marie sont un couple d'octogénaires ardennais. La tendresse s'est insinuée en eux tout au long de leurs 58 ans de vie commune jusqu'à devenir l'étoffe de leurs êtres. Qu'il est beau de sentir la douceur de la main d'Auguste dans celle de Marie quand il guide ses pas instables dans les terres qui bordent leur maisonnée ! Ou encore lorsqu’il porte la cuillère de soupe à sa bouche, lui essuyant le coin des lèvres. On ne connaîtra ni les orages, ni les incendies qu'ils ont traversés, on ne retiendra, avec eux, que l'affection qu'ils respirent. Ici aussi, le noir et blanc a été choisi et déjà les techniques d'incrustation de l'équipe cinéma dans l'environnement intime des protagonistes sont totalement maîtrisées.

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