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David Lambert : Pleins feux sur l’ASA

Publié le 01/03/2006 par Matthieu Reynaert / Catégorie: Entrevue

Fondée il y a 15 ans par Luc Jabon ( scénariste du Maître de musique (Gérard Corbiau) ou de Pure Fiction (Marian Handwerker), l’Association des Scénaristes de l’Audiovisuel s’est récemment dotée d’un nouveau président. Agé seulement de 31 ans, David Lambert est plein d’enthousiasme et connaît bien son dossier. Il suffit de le lancer, et il nous explique tout sur l’ASA - l'Association des Scénaristes de l' Audiovisuel.

 

David Lambert

Cinergie :Concrètement, « défendre les droits des scénaristes », comme vous l’annoncez, c’est défendre leurs droits d’auteur, à un niveau juridique, ou c’est plutôt les informer et les soutenir ?
David Lambert : Défendre les droits, c’est le travail spécifique de la SACD. Nous travaillons dans la consultation, la promotion des auteurs et, d’une certaine façon nous régularisons leur profession. Nous avons une action très large. Par exemple, nous venons d’ouvrir un dossier sur la reconnaissance du métier de scénariste dans la presse, il y a là un vrai vide.

C : Prenons un exemple. Je sors de la section Ecriture de Films de l’ULB, est-ce que je peux déjà venir vous trouver ?
D. L.  : Oui, parfaitement. Nous avons plusieurs catégories de membres. Il y a les professionnels confirmés, la première génération, professionnellement parlant : Luc Jabon, Gabrielle Borile, Jean-Luc Goossens, Chris Vander Stappen, des gens dont la carrière est solide, qui font office de référence. Ensuite il y a les gens comme moi : je vis de mon écriture depuis deux ans, mais ma situation reste très précaire. Et puis, il y a les scénaristes débutants, qui viennent chercher des informations sur les bourses, les possibilités de financements, etc…Ça fait partie de notre mission de rendre cette profession accessible aux plus jeunes, de leur donner les armes pour faire leur propre tambouille. Pour un scénariste, ce n’est pas suffisant d’écrire, ni même d’écrire bien, il faut aussi faire des relations publiques. Même si ce sont des activités très opposées, les deux font partie du métier et l’ASA n’est pas non plus là pour faire le boulot de chacun à leur place ! Par contre, on peut installer une transmission entre les niveaux de carrière et les étapes de la profession.

C : De quelle manière ? Vous organisez des réunions ?
D. L.: Notre but est d’avoir au moins une activité intra muros par mois, sur un thème précis. Nous avons aussi une grosse présence dans certains festivals et nous comptons là-dessus pour créer des rencontres.

Il y a les ateliers Ecrire l’Image : un réalisateur et/ou un scénariste vient comparer un film fini et son scénario. Pendant plusieurs heures, on analyse ensemble les problèmes qui ont eu lieu pendant le tournage et qui auraient dû être résolus à l’écriture. Un de ces ateliers aura lieu à Anima 2006, le 4 mars, autour du film Otomi de l’Atelier Zorobabel. On collabore activement au festival du scénario de Bourges, et cette année, nous organisons une séance de pitch devant des professionnels pour deux membres. Le pitch est une pratique capitale, il est tout à fait possible d’en dire beaucoup sur son travail et sur soi en un quart d’heure, nous allons mettre l’accent là-dessus dans le futur. Il y a aussi des lectures de scénarios en cours d’écriture par des comédiens professionnels. L’auteur est présent, et reçoit les réactions à chaud. Pour l’instant, ces lectures ont lieu à la maison des auteurs, mais je souhaite qu’elles aient lieu dans des espaces plus grand public. Enfin, à titre individuel, nous sommes présents pour aiguiller ou conseiller.

C : Quelle est la taille de votre équipe ?
D. L.: Le conseil d’administration compte neuf personnes pour une centaine de membres. On est tous bénévoles, et donc tributaires de nos agendas professionnels respectifs.

C :Tout ça donne un programme très altruiste ! Quel est votre côté obscur ?!
D. L. : Le scénario est une passion. Une passion, on a envie d’en discuter et de la transmettre. Bien sûr, je ne suis pas totalement altruiste, si je défends les droits des scénaristes, c’est aussi parce que j’en suis un. J’ai tout intérêt à faire exister mon métier dans un milieu qui ne le reconnaît encore que peu comme métier à part entière. Sur le terrain européen, ça va mieux, sur le terrain de la francophonie, bof, et sur le terrain belge, tout reste à faire. Surtout si on prend pour référence le statut du scénariste aux USA !

C : La faute au mythe de l’auteur-réalisateur ?
D. L.: Ce n’est pas un mythe, c’est une réalité du métier !

C : Débloquer ce systématisme, c’est aussi un de vos objectifs ?
D. L. : C’est plus un rêve qu’un objectif, un rêve de scénariste. Il faut accepter qu’on est dans une culture d’auteurs-réalisateurs, mais un grand nombre d’entre eux ne demandent qu’à travailler avec des co-scénaristes. Alors où est le problème ? C’est qu’un auteur-réalisateur qui veut engager un co-scénariste ne trouve pas de financement pour lui. L’aide à l’écriture de la communauté française ne suffit pas. En plus, on ne peut pas créer des couples de travail de manière artificielle. Jean-Claude Carrière et Luis Buñuel ça se construit sur la longueur, sur base d’une vraie affinité. Il faut prendre compte de cette réalité. Si on consacrait plus d’argent à l’écriture, au développement et à la réécriture, je pense que des couples réalisateurs-scénaristes (ou co-scénariste, consultant, etc…) se formeraient davantage et les films seraient meilleurs.

C : La collaboration peut se faire vers l’étranger ?
D. L. : En Belgique francophone, aucune carrière sérieuse ne s’est construite sans la France : ce n’est évidemment pas avec la production de fictions à la RTBF que tous les scénaristes vont pouvoir vivre, même si Septième Ciel ouvre de nouvelles perspectives. Un scénariste qui habite à Bruxelles, ça veut dire, à un moment ou l’autre, un scénariste qui travaille à Paris, ou avec Paris. Un de nos objectifs est donc de faciliter cette connexion. On a intérêt à inviter les Français chez nous et à se tenir informé de ce qui se passe chez eux. De toute façon, un scénariste uniquement de cinéma, ça n’existe pas, et pour écrire à la télé, il faut passer par la France.

C : J’imagine que vous vous fondez sur votre expérience personnelle pour identifier les besoins des scénaristes. Mais quel est au juste votre parcours ?
D. L. : J’ai commencé à écrire des histoires à 22 ans, mais je n’avais pas la maturité pour les porter jusqu’au bout. J’ai alors travaillé dans le théâtre et la vidéo, et j’ai commencé à gagner ma vie. Suite à des événements personnels très compliqués, je me suis dit que c’était maintenant ou jamais et j’ai tout arrêté pour me lancer dans le scénario. J’avais 29 ans. Suite à un pitch au festival de Bourges, le président de l’ASA de l´époque m’a remarqué et je suis devenu administrateur pendant deux ans. Je n’ai pas fait de coup d’état pour devenir président, on m’a demandé et j’ai dit oui parce que je pensais avoir quelque chose à défendre dans ce domaine. Il faut dire qu’il y avait des gens qui ne souhaitaient pas me voir à ce poste, mais pas grand monde qui le voulait! Je suis très reconnaissant envers ceux qui m’ont précédé. L’ASA est soutenue par une longue tradition. Dans mon parcours de scénariste, j’ai eu la chance d’avoir deux aides à l’écriture de la Communauté française. Ces projets sont maintenant plus ou moins en route. Depuis septembre, j’écris régulièrement pour l’émission Ici Bla-Bla de laRTBF. Mais j’ai conscience de n’être qu’au tout début de mon parcours.

: Diversifier les médias pour lesquels tu écris, c’est un plaisir ou un mal nécessaire ?
D. L. : Ecrire des Bla-Bla, c’est absolument merveilleux. Les gosses sont un public impitoyable, mais gratifiant. On nous laisse une liberté totale de ton et de propos, c’est une écriture rapide, les textes sont interprétés par d’excellents comédiens. C’est des vacances par rapport aux projets de longs métrages qui sont lourds et durs à porter.

C : Quel avenir pour l’ASA ? Est-elle amenée à se développer davantage où a-t-elle trouvé son rythme ?
D. L. : J’aimerais beaucoup qu’elle se développe. Ça ne dépend pas que de moi, mais aussi des membres et de l’énergie qu’on y met tous. Le contexte dans l’audiovisuel est extrêmement troublé, et je pense que les auteurs devraient se serrer les coudes, travailler en synergie et en concertation. La volonté de l’ASA, c’est de valoriser le travail en amont. C’est un moment capital, mais c’est aussi le moment le plus fragile, celui où personne ne vous croit. Et c’est le moment que l’on accuse toujours si un projet se casse la gueule plus tard !

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