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Koro de Güldem Durmaz

Publié le 01/04/2003 par Marceau Verhaeghe / Catégorie: Critique
Koro de Güldem Durmaz

Magré tout, le chant de la liberté

Quelque part, un bâtiment aux hauts murs de briques sales. Une file d'hommes et de femmes attendent sous la surveillance de gardes en treillis, lourdement armés. On comprend très vite qu'il s'agit de la visite des familles dans une prison de femmes. Un par un, les visiteurs entrent, entièrement soumis au caprice des ombrageux militaires. Parfois, sans raison apparente, c'est la fouille complète, voire l'exclusion. Les portes se referment, d'autres s'ouvrent les prisonnières apparaissent. Effusions, larmes, rires, sous l'oeil vigilant des matonnes. Soudain, deux femmes quittent la pièce. La prisonnière guidant la visiteuse, elles courent à travers les couloirs pour rejoindre une cellule où les attendent d'autres femmes. Et toutes se mettent à chanter, un chant terrible fait de rage, de douleur et de joie. C'est le lancinant appel de la vie qui, envers et contre tout, traverse les murs. 

Cinéaste belge d'origine turque, Güldem Durmaz nous avait déjà offert un déroutant Soför/Chauffeur, étonnant voyage un peu onirique dans la partie d'Istanbul située au delà de la Corne d'or. Avec son second court métrage, elle confirme, loin des sentiers balisés de la narration prémâchée, de réelles qualités d'expression. Le film démarre dans un registre sombre. Pas de dialogues, tout passe par les images avec une force écrasante. C'est la lourdeur carcérale dans ce qu'elle a de plus révoltant. L'arbitraire, la domination des petits chefs, le déni d'humanité, la peur brute, les portes qui se referment avec un claquement sinistre sur le monde extérieur. Puis, au milieu de cette atmosphère oppressante, un léger souffle d'air frais. Deux femmes qui échappent au rituel sauvage et se faufilent dans les couloirs sombres. Un espace de jeu d'autant plus émouvant qu'on le sent terriblement confiné. Pourtant, de ce dérisoire moment d'évasion surgit un chant qui crie l'humanité de celles qui l'entonnent, leur désir de liberté qui traverse l'air comme une lame de couteau. C'est l'herbe qui pousse sur le béton, l'éternelle aspiration à la vie et au bonheur. On est étreint comme par une naissance. C'est pur et très beau.

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