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Le Rêve de Gabriel de Anne Lévy-Morelle

Publié le 01/01/1997 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Critique

Cher Gabriel

Ça démarre sur des images en noir et blanc qui parfois sont nettes, parfois floues ou qui sautent comme si certaines d'entre elles avaient été avalées par le temps. Une voix off nous conte : " Il était une fois, dans un monde aujourd'hui disparu, un monde à la fois chic et sévère d'avant 1940, il était une fois un homme, Gabriel... " Et la voix d'Anne Levy-Morelle, la réalisatrice, poursuit : " Gabriel était un monsieur comme beaucoup d'autres dans un monde que je n'ai pas connu et dont je ne sais que très peu de choses. Cher Gabriel, vous étiez né quelques semaines à peine avant le vingtième siècle... " Le rêve de Gabriel est un documentaire qui commence comme un conte de fées et qui est, en quelque sorte, un conte de fées.

C'est l'histoire d'un homme qui, en 1948, à l'âge de cinquante ans, vend tous ses biens et entraîne sa famille de neuf enfants, ainsi que trois autres familles nombreuses et fortunées, dans l'autre hémisphère, en Patagonie chilienne. Gabriel de Halleux et sa tribu découvrent 10.000 hectares " entre les nuages et la mer ", à vrai dire 4.500 hectares de marais. " Le reste, c'étaient des rochers, des forêts... Tout ce qui était humainement habitable était pris. " Qu'importe, on reste. On s'obstine. On construit une scierie qui marche deux ou trois ans avant de fermer, victime de la concurrence des petites scieries de la vallée, le long de la frontière avec l'Argentine. Puis on élève des moutons et lorsqu'on les mange, comme on a de l'humour, on dit qu'" on mange le capital ". Reste la terre, sa culture, son exploitation, dans le froid et dans des conditions éprouvantes pour tous au point que la tribu s'effiloche. Dix ans après, seuls Gabriel, sa femme et sa fille aînée restent.

Le rêve continue jusqu'à sa mort survenue en 1988. Les enfants découvrent l'Europe, le temps a passé et le monde a changé. La Belgique des années 70 est devenue elle aussi un autre monde.

Le film mélange habilement les interviews des protagonistes qui ont survécu à l'aventure (en Belgique et en Patagonie) et les home movies en noir et blanc et en couleur tournés sur le vif, dans un perpétuel va-et-vient fictionnel. Anne Lévy-Morelle a dédié son film " à ceux qui réinventent leur vie ". Les de Halleux ont eu cette audace, ce courage et leur aventure vient de susciter une aventure cinématographique fascinante et cruelle comme un conte, le compte d'une histoire vécue.

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