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Les arbres naissent sous terre de Manon et Sarah Brûlé

Publié le 05/04/2011 par Sarah Pialeprat / Catégorie: Critique

Le chagrin papillon
Le prix Cinergie du meilleur court métrage belge, sélectionné à Anima, a été décerné à Manon et Sarah Brûlé pour Les arbres naissent sous terre. Ces deux sœurs, étudiantes à la Cambre, signent un film sensible et profond sur la mort, le chagrin et le deuil. Un film pourtant plein de vie et d'espoir qui porte haut, très haut, une gamme complexe d’émotions.

On voudrait aligner les adjectifs pour décrire Les arbres naissent sous terre :délicat, émouvant, enchanteur, vulnérable... On pourrait alors se passer de l'histoire, de la composition, du choix graphique et musical, et même des personnages. On pourrait aussi simplement évoquer cette boule dans l'estomac et dans la gorge, ce petit nœudqui serre le cœur et qui, tout à coup, se dénoue en un sourire, sur un envol de papillons. Rares, en effet, sont les courts métrages d'animation d'une telle charge émotionnelle. Rares aussi les images capables d'aborder la mort avec une distance aussi juste, de l’évoquer en dissolvant le sujet dans un objet allégorique aussi signifiant et tout simplement magique. Il y a cette petite porte jaune au fond du couloir... Il y a cette voix, non identifiée, qui annonce par téléphone que la veillée funèbre aura lieu ce soir, que le corps, justement se trouve là, derrière cette petite porte jaune que l'on n'a toujours pas quittée des yeux. Eux, là-bas, ailleurs, pris dans une autre vie, vont donc prendre la route pour rejoindre cette maison, lieu chargé d'une histoire qui ne sera pas révélée, mais que l'on sent intime.
Sans un mot, sur les accords d'un jazz manouche qui toujours oscille entre gaieté et nostalgie, la famille dispersée se rassemble autour d'une douleur partagée.
Avec Les arbres naissent sous terre, Manon et Sarah Brûlé inventent un accord visuel et sonore sur la reconstitution distancée et minimaliste d’une journée dans laquelle chaque geste quotidien, chaque regard porte le germe de la peine, mais aussi celui de la vie qui, malgré tout, se poursuit d'une génération à l'autre.
Tour à tour réaliste et abstrait, ce premier court métrage aux couleurs sépia et aux teintes ocres joue sur les non-dits et suggère davantage qu'il n'explicite. Nul ne sait qui est parti et le moment d'ouvrir la porte jaune reste suspendu, métamorphosant chaque personnage en un autre pour nous montrer à quel point nous sommes tous des frères de souffrance, identiques devant la douleur.
Les arbres naissent sous terre, les hommes et les femmes, eux, naissent au-dessus, ils ne s’y rendent qu’après leur mort, lorsque le dernier souffle s'échappe et qu'enfin, libérés du corps, leurs rêves conscients s'envolent comme s'envolent les papillons.


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