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Max & Bobo de Frédéric Fonteyne

Publié le 01/10/1998 par Nicolas Longeval / Catégorie: Critique

Cela peut faire penser au récent Western de Manuel Poirier, mais c'est de Frédéric Fonteyne, et ça s'appelle Max & Bobo, autre fraîche et vivifiante variation sur un duo aussi attachant qu'improbable. On dirait qu'en cette froide fin de millénaire, de "jeunes" réalisateurs, témoins de la pagaille et d'une course vaine, quittent les studios exigus pour se pencher avec simplicité sur les errements d'une nature humaine vagabonde. Petite vie d'un bande-mou : "Je me prenais pour le roi du monde. Mon salon de coiffure marchait bien, Chez Massimo était connu de toute la ville. Je croyais avoir de l'or au bout des doigts, mais j'ai dû tout revoir un peu à la baisse."

Max & Bobo de Frédéric Fonteyne

Lorsque l'or se transforme en eczéma, c'est toute une vie passée à se tromper de sens jusque dans les impasses, qui bientôt défilera devant les yeux de Max (Alfredo Pea), ce Cico italien profiteur et affairiste, petit arriviste égoïste et sans scrupules. Constat d'échec : en faillite, sans le sou, il vient de perdre son logement. Et lorsqu'il mendie l'aide de son ex-femme ou de ses derniers amis, son petit numéro de baratin ne marche plus, ni ses yeux de chien battu. Au contraire, on lui crache au visage ses quatre vérités: quand il pouvait faire un sale coup à quelqu'un, il le faisait ; quand il pouvait blesser quelqu'un, il le faisait...

C'est seul, à la rue et noyé dans les emmerdes, qu'il fait la rencontre de Bobo (Jan Hammenecker), un marginal simplet et sifflotant que d'un mensonge de plus, il s'empresse de plumer de ses pauvres cent balles ! Que peuvent-ils bien espérer l'un de l'autre ? Rien ! Sapé en Tintin bouffi, ce gros nounours naïf et bon vivant n'avait d'ailleurs besoin de rien, ni de toit ni de sommeil, rien d'autre que de quelques mousses partagées, de quelques tranches de rire et de jambon chapardées ici et là. Et puis surtout, de ses rêves idiots : guetter les femmes, un tas de femmes, même laides, toujours douces, aux fesses rondes et aux seins opulents et maternels.

 

Mais voilà: le sourire large greffé sur sa face de poupon crétin, l'éternel innocent décide de coller aux basques de ce raté au bout du rouleau qu'il est bien le seul à considérer encore comme un caïd, un prince stylé aux couilles d'acier. Peut-être Bobo y croit-il assez pour deux... Et peu à peu, en ces temps de solitude et de misère humaine, Max s'attachera à ce providentiel compagnon, ange consolateur pour qui la vie paraît si simple. Parsemée de 400 coups foireux, entre tendresse et chagrin, chaudes larmes et éclatements de rate, leur errance mènera les complices -comme deux faces d'une même personne- à travers les milieux de l'ombre et de la nuit, d'embrouilles en débrouilles, de trottoirs en bars glauques et dancings kitschobruxellois, où toutes sortes d'oiseaux solitaires et paumés viennent se mettre un coup dans l'aile... ou dans les toilettes. Un parcours initiatique qui sera pour l'un l'occasion de se sauver et rallumer son âme morte ; pour l'autre, laissant dans l'aventure son pucelage et sa salvatrice candeur, d'ouvrir des yeux tristes sur la réalité sordide de son sort dans un monde aigri. Hommage à l'amitié masculine, aux coudes serrés et aux tapes dans le dos, c'est en s'ouvrant à des valeurs aussi essentielles que cette chaleur humaine sans prix, que ce road movie bruxellois propose sa solution à la "crise" d'une société s'égarant dans l'égoïsme ambiant.

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