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Rencontre avec Frédéric Legrand, réalisateur de "Edgar et la Douze Demoiselle"

Publié le 03/02/2015 par David Hainaut / Catégorie: Entrevue

Pour tout jeune réalisateur espérant faire carrière, autoproduire un film avec un simple ordinateur est devenu monnaie courante. Mais rares sont ceux à pouvoir le faire avec un certain talent. À 22 ans, Frédéric Legrand fait partie de ceux-là.

Vu la - relative - facilité des technologies actuelles, face à la profusion de l’information et des moyens de communications, il est de plus en plus courant pour nous, de croiser de jeunes réalisateurs qui, soucieux de se faire connaître, n’hésitent plus à franchir des portes qui leur semblaient autrefois fermées. Tant mieux bien sûr, mais soyons honnêtes: seule une minorité de ces d’artistes culottés jouissent d’un réel talent.

Soyons plus francs, encore: à voir surgir, presque par surprise le jeune et timide Frédéric Legrand avec son film Edgar et la Douze Demoiselle en main, tantôt dans les bureaux des chaînes télévisées nationales, tantôt dans ceux de grands festivals belges, tantôt chez nous, nous pouvions craindre la venue d’un énième opportuniste, avide d’une publicité facile. Mais en fait, que …nenni!

Un potentiel évident

Edgar et ladouze demoiselle de Frédéric LegrandAssez impressionnantes dès la première vision, les 13 minutes que durent Edgar et la Douze Demoiselle témoignent d’un potentiel évident chez ce jeune réalisateur. Audacieux et intemporel, le pitch baigne dans un univers mêlant clairement expressionnisme allemand (Nosferatu le Vampire, Le Cabinet du Docteur Caligari) et fantastique américain (Tim Burton, The Crow). Il évoque une histoire d’amour entre Edgar (Antoine Barbieaux), une créature ignorée de tous, et Douze, une automate (Lola Destercq). Accompagnés d’une araignée, ils s’en vont à la découverte de l’impitoyable monde des humains. Rapidement, des questions autour de l’amour, de la liberté et de la normalité vont se poser. Si on relève quelques (logiques) imperfections, cette jolie métaphore, maîtrisée avec brio, précocité et subtilité, tient admirablement bien la route.

François Pirette, l’invité-surprise

François Pirette, humoristeTrès musical (mention à la partition d’Olivier Dogot), l’ensemble est, petite surprise, narré par Thierry Van Cauberg, alias l’humoriste François Pirette bien sûr. Une explication? "On pourrait croire que j’ai fait appel à ses services, dit le réalisateur, mais c’est en fait …lui-même qui m’a contacté en 2012, alors que je tournais un autre court-métrage. On a en fait ce petit point commun de faire nos montages et nos effets spéciaux nous-mêmes. Je lui ai donc machinalement proposé de participer à ce film, mais à aucun moment je n’ai mentionné son nom dans la recherche de financements. Sans doute me suis-je fermé là quelques portes, mais je tenais vraiment à me débrouiller seul. Jusqu’aux premières affiches et à la bande-annonce, où là, bien sûr, on l’a annoncé.", se justifie-t-il presque, les joues légèrement rougies.

"Au cinéma, rien n’arrive seul"

C’est que l’un des secrets de notre vaillant réalisateur réside, précisément, dans cette capacité et volonté à faire tout, tout seul. "Si Edgar fait plus de bruit que mes précédents films, c’est simplement parce que nous avons organisé une conférence de presse et lancé des bandes-annonces sur internet. Car c’est le dixième film que je réalise depuis l’âge de 12 ans! Tous ne sont pas parfaits, loin de là, mais chacun d’entre eux m’a permis d’apprendre les choses petit à petit, en fait. Et je m’aperçois que c’est justement de l’insatisfaction que naît la création d’autres projets. De toute façon, rien n’arrive seul au cinéma, il faut toujours se battre."

Tourné dans la région de Charleroi (Couillet, Gosselies, Marchienneau-Pont…), ville qui semble se bouger au niveau culturel ces derniers temps, ce court-métrage autoproduit a bénéficié de l’aide des studios virtuels de Dreamwall et de Keywall à Marcinelle – là où nous avons réalisé cet entretien -, plus en vogue que jamais dans le petit monde du cinéma, pas seulement belge. "Ils nous ont mis à disposition leur Green key, des loges, leurs éclairages, et d’autres organismes nous ont aidé. Mais 100% de l’équipe a participé bénévolement au projet. J’ai tenu à faire ce film à Charleroi, avec des gens du coin, simplement parce que je viens d’ici et que cela me tenait à cœur. Bien que je ne sois pas sectaire du tout!"

Déjà sollicité en Festivals
Edgar et la douze demoiselle de Frédéric Legrand 

Quel peut être le destin d’Edgar et la Douze Demoiselle? "Le prochain Festival du Film d’Amour de Mons nous a déjà sollicités. Peut-être que d’autres suivront. Je l’espère. Puis la télé, qui sait. J’ai reçu beaucoup de retours positifs, de la presse locale et du public. C’est bien d’en parler, mais je n’ai pas envie d’avoir fait naître un mort-né. J’espère que le film rencontrera les gens". Étudiant depuis septembre dernier en multimédia à la Haute École Provinciale de Hainaut (Condorcet), Frédéric, s’il garde bien les pieds sur terre, ne cache pas son envie future de travailler dans la fiction, ni son rêve de rencontrer un jour son modèle Tim Burton. "Je n’ai pas de contact direct avec lui, mais bien avec l’Association Francophone qui le représente et dont j’ai, là aussi, déjà eu de bons retours."

Marge de progression: certaine

Frédéric Legrand , réalisateurEt puisque après tout, le rôle de Cinergie est de parler du cinéma belge et de ses talents, demandons-lui, tiens, quel est son avis sur notre cinéma: "Je ne vais pas vous mentir, le cinéma belge, je le connais moins. Je fais partie d’un public plutôt bercé par les blockbusters. Mais je suis évidemment pour qu’existe aussi ce cinéma engagé et qui fait réfléchir, qu’on a chez nous. Il en faut pour tous les goûts. Dans ce monde que je trouve un peu triste, moi j’aime surtout le cinéma qui fait rêver. Edgar a certes été réalisé sans argent, mais j’arrive à une limite. Si je veux franchir un cap, il va me falloir une vraie structure de production". Vu cette petite prouesse, réalisée sans le sou, chez lui, à l’aide d’un appareil photo et d’un simple ordinateur, le cinéma belge pourrait, s’il le veut, nourrir bien des espoirs sur cette pépite. C’est tout le mal que nous souhaitons, en tout cas, à ce sympathique jeune homme, dont la marge de progression reste très grande. Forcément. 


Liens vers les bandes-annonces:

http://bit.ly/1DI9KoZ

http://bit.ly/1we7qRz

Lien vers le Making of:

http://bit.ly/1pEJtSf

Lien vers l'Avant-Première & Conférence de Presse:

http://bit.ly/1JV8zmP

Lien vers un clip dédié au film:

http://bit.ly/135mtkW

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