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Saudade do futuro de Marie-Clémence & César Paes

Publié le 30/11/2016 par Serge Meurant / Catégorie: Critique

Sao Paulo est la plus grande ville du Brésil, le principal centre financier, commercial et industriel de l'Amérique Latine. C’est également la ville qui compte le plus de lusophones au monde. Marie Clémence & César Paes nous la font découvrir à travers les portraits des chanteurs et des musiciens de la région du Nordeste qui ont fuit la misère et la faim de cette terre aride.

Saudade do futuro de Marie-Clémence & César Paes

Saudade est l’expression intraduisible en d’autres langues d’un bien dont on est privé, du regret d’une absence, c’est un mélange de douleur et de plaisir au souvenir de quelqu’un ou de quelque chose que l’on possédait jadis.
« La juxtaposition de la notion de Saudade et de futur prend toute sa dimension, écrivent les cinéastes, lorsqu’il s’agit d’évoquer la vie de nos personnages qui sont venus à Sao Paulo pour se créer un nouvel avenir. »
La musique emporte le film et nous fait vibrer dès les premiers instants où l’on traverse la ville avec ses immenses buildings, le flot ininterrompu de la circulation, de jour et de nuit. Elle compose une ode au métro, à la foule qui assiège ses rames, sans répit. Le Cantador accompagne de ses chants improvisés la vie trépidante de la métropole. Il raconte en vers libres le sort des Nordestins. Ecoutons-le : «  Sao Paulo, Eldorado rêvé du peuple nordestin. J’étais encore petit quand j’ai quitté mon pays. Je vis ici depuis des années, travaillant comme un damné . Je n’ai toujours pas trouvé le moyen de rentrer. »
Beaucoup de ces émigrés économiques travaillent dans le bâtiment. Le cantador chante encore : «  Le maçon nordestin vient ici gagner son pain. Il bâtit des villas avec ses mains. Une fois achevée la maison, il nous est interdit d’y entrer. On arrive dans cette ville et on atterrit au bidonville. »
Le film ne s’attarde pas sur les conditions misérables des travailleurs qui habitent les nombreux bidonvilles. Il nous communique seulement la magnifique énergie de joutes verbales. Ceux qui chantent les repentes, en duel, s’affrontent à coup de strophes rimées et improvisées. Et leurs réparties sont inventives, truculentes, jusqu’à l’épuisement de l’inspiration. Ces repentistas sont souvent des professionnels, parfois des amateurs. Deux femmes âgées entrent en compétition dans une cantine populaire, et c’est un régal que de les entendre en une lutte verbale acharnée. Il y a aussi les rythmes endiablés de l’accordéon dans une boîte de nuit, les couples serrés l’un contre l’autre traçant les figures du plaisir.
« Je raconte les caravelles du Brésil ancien, chantait le cantador. Je chante le livre païen. Je suis analphabète, mais j’ai bien écouté ce que le monde de Dieu m’enseigne : boire, aimer, danser. »
Une foule de visages inquiets, tendus, attend l’arrivée d’un bus d’émigrants du sertao. « Procession de chair et d’os, cherchant une vie meilleure » ici, et là-bas demeurés au pays les parents que chante la saudade.

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