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Guérin Van de Vorst, tournage de la Part sauvage

Publié le 10/01/2017 par Dimitra Bouras / Catégorie: Tournage

Diplômé en 2004 de l'IAD, Guérin Van de Vorst a déjà réalisé, entre autres, Club Caval (2007), Putain lapin (2010) et Ulysse en 2016. La Part Sauvage, titre qui nous est familier puisque le réalisateur l'avait déjà choisi pour un de ses courts-métrages, raconte l'histoire de Ben, fraîchement sorti de prison après trois ans d'enfermement. Le jeune délinquant, en pleine crise existentielle, fragile, oscille entre le bien et le mal, entre les relations bienveillantes et les influences intégristes...

Cinergie : Pour ce premier long-métrage, tu as repris le titre que tu avais donné à un de tes courts. Est-ce parce que c'est le développement de cette histoire ?
Guérin Van de Vorst : Ce n'est pas vraiment le développement du court. Il s'agit plutôt du développement de la part sauvage d'un autre personnage. C'est un autre profil psychologique de quelqu'un qui est aussi à la marge de la société et qui cherche un sens à la vie.

C. : Peux tu résumer cette histoire ?
G. van de V. : C'est l'histoire de Ben qui a grandi dans les quartiers populaires de Bruxelles, qui a sombré dans la petite délinquance quand il était adolescent, qui a fait un enfant très tôt et qui, suite à des braquages, entre en prison pour trois ans pendant lesquels il ne voit plus du tout son fils. Quand il sort de prison, il n'a qu'une idée en tête : renouer avec son fils de 10 ans. Cela ne se passe pas comme il l'avait espéré. Il fait de mauvaises rencontres, et il tombe sur un prédicateur islamiste qui le prend sous son aile.

C. : Tu as commencé à réfléchir au scénario il y a quatre ans, qu'est-ce qui a pris du temps ? Le financement ? Ou avais-tu besoin de temps pour peaufiner l'histoire ?
G. van de V. : Les deux. J'ai eu besoin de temps pour écrire cette histoire qui s'est construite par couches successives et c'est le temps qu'il a fallu à la production pour trouver les fonds.

C. : Il y a quatre ans, on ne parlait pas encore de djihadisme, est-ce que tu avais cette idée dès le début ?
G. van de V. : C'est venu dans un deuxième temps. Au départ, c'était vraiment autour de la relation entre un père et son fils qui ne s'étaient plus vus depuis 3 ans et l'histoire du radicalisme est venue par la suite. C'est parti d'une anecdote qu'un ami m'a racontée sur un souvenir qu'il a eu avec son père quand il avait 10 ans et son père lui avait fait vivre des expériences subversives, pas tout à fait de son âge. Le scénario est parti de cela puis je l'ai étoffé au fil des années.

sur le tournage de La part sauvageC. : Tu aimes créer ou observer des personnages qui se trouvent sur le fil du rasoir, pourquoi cette attirance ?
G. van de V. : Je ne sais pas d'où cela me vient. Depuis toujours, ce sont des personnages qui m'intéressent, mais il n'y a pas de raison rationnelle. C'est une sorte d'instinct qui me pousse à essayer de comprendre ce qui peut se passer derrière ces personnages. Il y a une citation que je trouve parlante : "On reconnaît le degré de civilisation d'une société à la place qu'elle laisse à ses marginaux." C'est quelque chose qui m'intéresse beaucoup, et c'est un thème que je veux traiter.

C. : Nos sociétés ne donnent pas beaucoup de place aux marginaux.
G. van de V. : La place, ils la prennent car ils sont là. Et il y a de plus en plus de gens qui sont à la marge. J'ai l'impression que, de plus en plus, la vie devient précaire pour beaucoup de monde et les gens se retrouvent dans des équilibres fragiles. La question est de savoir quand on fait partie du groupe et quand on en est exclu…

C. : Dans ce film, c'est cette fragilité que tu as exprimée par l'intermédiaire du radicalisme ?
G. van de V. : Cela m'intéressait de me demander ce que le radicalisme aujourd'hui comble comme manque chez des jeunes qui s'engagent, qui se convertissent et qui deviennent fous. En quoi cela les séduit et en quoi cela les pousse à s'engager.

C. : Et qu'en penses-tu ?
G. van de V. : Je ne veux pas démontrer quelque chose, je veux raconter l'histoire d'un homme qui glisse sur la pente du radicalisme. Dans mon histoire, ça comble son désir d'appartenance à un groupe. Il cherche une famille, et il la trouve dans ce prédicateur islamiste.

C. : Comment as-tu choisi Vincent Rottiers ?
G. van de V. : Je vois ses films depuis très longtemps et je l'ai toujours trouvé remarquable. J'ai très vite eu l'idée de m'adresser à lui et de lui proposer le rôle car je le trouve très fin. Il a une grande tension intérieure qui passe à l'image et il a énormément de talent. Cela a été très porteur qu'il accepte de jouer le rôle.

La part sauvageC. : Comment avez-vous travaillé le personnage en amont ?
G. van de V. : J'ai rencontré Vincent Rottiers la première fois à Paris, je lui ai parlé du film, du rôle, je lui ai demandé s'il était demandeur de répétitions et il ne l'était pas du tout donc je n'ai pas insisté et je me suis rendu compte, en démarrant le tournage, que ce n'était pas nécessaire de répéter. Il avait tellement bien compris le personnage et le scénario que cela n'avait pas de sens de répéter avant le tournage.

C.: Cela ne t'a pas fait peur de ne pas pouvoir répéter avant le tournage de ton premier long ?
G. van de V. : Non, car il y avait Vincent Rottiers en face de moi et que je lui faisais confiance. Je m'en félicite car nous sommes au dernier jour du tournage et il m'a plusieurs fois ému pendant le tournage. J'espère que ça se verra dans le film !

C. : Quelle est la scène que vous tournez aujourd'hui ?
G. van de V. : On va filmer un mariage oriental où l'ami de Ben, qui est garagiste, va lui donner du travail quand il sort de prison. Il l'invite au mariage d'un ami et il va partager un moment hors du temps à ce mariage oriental où il va recroiser des anciens de son quartier qu'il aurait préféré ne pas voir mais il va aussi en prendre plein les yeux en voyant les rituels orientaux avec les très belles couleurs des robes de mariée, etc. 

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